Voici un texte extrait du bulletin du Collectif pour la sauvegarde du Théâtre. Édifiant :
Derrière le Miroir, une machine à broyer !
Je viens d’expérimenter que la parole n’est pas toujours libre au sein d’une association. Me trouvant maintenant rejetée à l’extérieur, sans autre forme de procès, j’estime avoir retrouvé le droit de poser des questions qui me préoccupent et le droit de m’étonner qu’elles ne soient pas prises en compte.
J’étais très heureuse de participer aux activités de l’association des amateurs des Beaux-Arts et les expositions collectives à la Chapelle Henri IV apportaient à chaque fois de festives surprises : nous avions à coeur d’être à la hauteur de la confiance que nous accordaient la municipalité et l’Ecole d’arts plastiques. Concernant l’avenir, lors du dernier vernissage, le directeur de l’école a annoncé la future « galerie d’art visuel » : le Miroir. Aucun écho ni pour ni contre dans l’association.
Comme je suis adhérente depuis plusieurs années, il m’a semblé licite d’attirer l’attention sur la réalité du projet : salle en sous sol, sans lumière naturelle, basse de plafond : 3m de haut pour 300m2 de surface ( 360 en comptant les réserves) et encombrée de 6 piliers porteurs ( + 3 autres accolés au mur). Ai-je violé un secret défense ?
Ce projet peu attrayant, non content de détruire un patrimoine existant, fermerait la porte à de meilleures solutions. Les arts visuels ne méritent-ils pas un cadre comme celui de la Salle des Pas Perdus ? ( bientôt libérée par le déménagement du Tribunal). Des associations solidaires pourraient être logées dans les locaux qui l’entourent. Peintures et installations variées s’intègreraient à la vie de la cité, répondant aux concerts et aux débats… en écho lointain aux cours d’amour des troubadours…
Les artistes ont la réputation de savoir se poser des questions mais celles-ci ont fait l’effet d’une bombe. Ce n’était qu’une communication interne mais elle est mystérieusement parvenue à la connaissance du directeur de l’Ecole, d’Alain Claëys (député Maire) et de Michel Berthier (Adjoint à la culture) et ils ont réagi. De là des démentis affolés du bureau qui s’est brutalement retourné contre moi : exclusion, non seulement totale, définitive et sans appel mais aussi sans écoute aucune !
Le président souligne : « Nous n’avons jamais eu l’occasion de soulever le débat autour de la galerie d’art visuel… et cela n’est pas à l’ordre du jour aujourd’hui ni prochainement » « De plus, personnellement, je soutiens l’initiative de la création de la galerie d’art visuels « le miroir »… ».
Le président est pour, donc on n’en parle pas, c’est enfin clair mais est-ce démocratique ?… Pour éviter de s’interroger, on renverse les rôles : j’aurais commis la faute de m’adresser à l’ensemble des adhérents, comme si je voulais parler à leur place. Quand une association, officiellement informée d’un projet contestable, le cautionne par son silence, quel autre recours a-t-on que de poser la question aux autres membres ?
La vraie frayeur, c’est la perte de crédibilité. La crédibilité serait-elle liée à l’acceptation indiscutée des décisions d’en haut ? Comment expliquer tant d’empressement à satisfaire les goûts du Prince ? Au cours du Conseil Municipal auquel le collectif a assisté, Monsieur Stupart s’était enflammé « Nous allons renouer avec la Renaissance italienne qui a vu l’alliance du Commerce et des Arts… ! » Les Médicis, marchands devenus princes, ressuscités ? Chers politiciens et chers artistes retranchés derrière le Miroir, vous êtes en retard d’une ère, pas d’une guerre, non, d’une ère !
Au XVe siècle, on pouvait croire à l’action civilisatrice du capitalisme naissant mais son soutien intéressé aux artistes en a fait des adulateurs mendiant une obole. Les bureaucrates ont pris le relais des princes, en faussant tout autant les cartes… et en détestant tout autant qu’eux la liberté. Pourtant, sans libre quête de sens, l’art se dégrade en savoir-faire ou en imitation servile.
Si les artistes acceptaient de s’enterrer sous la destruction du Théâtre, en faire-valoir de marchandises, ils auraient peu de chance d’entrer dans un dialogue fécond avec le public.
Faisons vivre des arts à l’écoute de l’imaginaire collectif, répondant à notre besoin de beauté et d’interrogations sur le sens de notre présence sur terre. Ces exigences, incompatibles avec l’exercice outrecuidant du pouvoir, dessinent une société solidaire, affranchie de l’emprise des marchands… Semons des fleurs de liberté !
F. Argile, AT-Poitou