Le 17 mars 2020
Bureau exécutif de la IVe Internationale
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article52478
(…) La politique du déni de danger n’est pas le propre du régime chinois. Donald Trump aux États-Unis s’est moqué de ce « virus étranger ». Jair Bolsonaro, avec le Brésil déjà plongé dans la pandémie, a déclaré que « l’interdiction des matchs de football est une hystérie » et a défié les lois et les directives des autorités sanitaires pour participer à une manifestation contre la Justice et le Parlement. Boris Johnson au Royaume-Uni a d’abord prôné « l’immunisation de groupe » (permettre la propagation du virus afin que l’épidémie atteigne librement ses limites intrinsèques, quand autour de 70 % de la population sera infectée) Sophie Wilmès, Première ministre belge, a longtemps fait la sourde oreille à toute alerte. La présidence française n’a pas reconstitué les stocks stratégiques (tenues et produits de protection…) dès que les premiers cas sont apparus en janvier 2020. Les gouvernements de pays peu touchés à l’est de l’Europe ne tirent pas les leçons de la crise sanitaire qui frappe l’ouest du continent. L’Union européenne n’a pas été capable d’organiser la plus élémentaire des solidarités envers l’Italie, frappée de plein fouet, alors qu’elle ne produit même pas de masques sur son sol… La raison essentielle de ce retard est la volonté des gouvernements de ne pas compromettre l’activité économique et la circulation des marchandises, de consacrer le minimum de ressources à la protection des populations. La volonté de poursuivre des politiques d’austérité dans le cadre de l’offensive du capital contre le travail et le spectre de la récession ont été plus forts que la préservation de la santé des populations.
(…)La pandémie de Covid-19 est donc à prendre très au sérieux par nos organisations et tous les réseaux militants progressistes. Là où l’épidémie se développe, des mesures très fermes pour l’endiguer et protéger les populations doivent être prises. Là où ce n’est pas le cas, les leçons des pays les premiers touchés doivent être tirées pour s’y préparer, au cas où elle se développerait, et imposer aux gouvernements de réelles mesures préventives.
Les mesures immédiates exigibles:
» l’augmentation immédiate du personnel des services de santé qui sont déjà en grave sous-effectif.
Les services privés de soins, de production de médicaments et de matériel médical doivent être réquisitionnés, sous contrôle public et social. Le gouvernement de l’État espagnol a pris l’initiative de réquisitionner les lits d’hôpitaux privés.
Des stocks stratégiques de tenues de protection, de gels hydro-alcooliques, de kits de dépistage doivent être constitués en priorité pour les personnels de la santé et autres travailleur·es essentiels, et pour les secteurs les plus à risque de la population.
Les plans préventifs comprennent aussi la recherche médicale et scientifique. Or, là encore, du fait des logiques austéritaires, le financement des recherches a été réduit ou coupé, notamment concernant les coronavirus. Toutes les entreprises privées travaillant dans ce domaine doivent être nationalisées sous contrôle public et social.
La Corée du Sud a montré l’utilité des tests massifs de dépistage pour comprendre la dynamique de l’épidémie et intervenir aussi tôt que possible. Or, pour des raisons de restrictions budgétaires, ces stocks n’ont pas été maintenus à niveau quand ils existaient. En conséquence, la pénurie de moyens crée des situations dramatiques. En situation de pénurie, les moyens de protection doivent être réservés en priorité au personnel soignant, qui peut néanmoins se retrouver lui-même en situation de sous-équipement, et à leurs proches.
Les conditions de vie doivent être garanties par la suspension du paiement des loyers, des emprunts et des services de l’eau, du gaz et de l’électricité.
(…)
L’importance vitale de l’auto-organisation sociale
Nous devons exiger des autorités qu’elles prennent toutes les mesures nécessaires à la protection sanitaire et sociale de la population, mais rien ne serait plus dangereux que de s’en remettre à elles seules. La mobilisation indépendante des acteurs sociaux est indispensable.
Le mouvement ouvrier doit combattre pour que les conditions maximales de sécurité sanitaire soient respectées sur les lieux de travail et que les revenus des travailleur·es soient intégralement maintenus en cas de chômage total ou partiel. Des grèves ont déjà eu lieu pour exiger la fermeture des lieux de travail consacrés à des productions sans utilité immédiate, comme l’automobile, par exemple à Mercedes Benz, Vitoria au Pays Basque. Ailleurs, des travailleur·es essentiels, dans les hôpitaux en France ou dans la collecte des ordures ménagères en Écosse, ont pris des mesures pour exiger de meilleures conditions de sécurité.
Les organisations locales ont un rôle essentiel à jouer sur de nombreux plans. Elles permettent de briser l’isolement dans lequel peuvent se retrouver des personnes, entre autres les femmes qui se trouveront sans doute obligées de prendre une charge encore plus lourde de tâches domestiques et de garde d’enfant en période de confinement. En combattant les racismes, xénophobies, LGBT+phobies elles peuvent s’assurer que les précaires, migrant·es, sans-papier·es, minorités discriminées ne soient pas exclu·es de fait des protections auxquelles elles et ils ont droit. Elles peuvent aider les femmes qui se retrouveraient dans un huis clos mortifère avec un conjoint violent. Elles peuvent s’assurer que les gestes quotidiens de « distanciation sociale » sont respectés.
De nombreux exemples d’organisation de base au niveau d’un quartier, d’un immeuble, avec des personnes se mettant en contact, entre celles proposant de l’aide et celles ayant besoin d’aide (personnes âgées, handicapées, en quarantaine) existent, souvent pour la première fois, dans différents pays, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en France. En Italie, parallèlement à l’aide pratique, des communautés se sont réunies pour rompre l’isolement social et faire preuve de solidarité en chantant en masse depuis leur balcon et fenêtre.
Les mouvements sociaux doivent pouvoir s’appuyer sur une expertise indépendante, médicale et scientifique, pour savoir quelles mesures sont efficaces et indispensables, et pour favoriser les échanges internationaux. Médecins et chercheurs doivent s’engager avec eux.
Enfin, l’auto-activité du mouvement social est une garantie démocratique irremplaçable. L’autoritarisme des pouvoirs peut se renforcer en temps d’urgence sanitaire, au nom de l’efficacité. Il faut opposer à cette tendance lourde un front de mobilisation unitaire aussi large que possible.
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Combattre la crise sanitaire exige concrètement de combattre la dictature des transnationales et des lobbies pharmaceutiques ou agro-industriels, en opposant à ces derniers une agroécologie paysanne et une agroforesterie permettant la reconstitution d’écosystèmes équilibrés. Cela exige d’imposer une réforme urbaine pour en finir avec les mégapoles insalubres, d’opposer de façon générale à la logique du profit celle de la gratuité : toute personne malade doit être soignée gratuitement, quel que soit son statut social… Nos vies valent plus que leurs profits !
L’écosocialisme représente l’alternative à cette crise globale de la société capitaliste. (…)