Darma­nin veut trans­for­mer la psychia­trie en dépen­dance du Minis­tère de l’in­té­rieur

Darma­nin, à la suite de Sarkozy, s’est permis de  diagnos­tiquer une patho­lo­gie de la psychia­trie suite au meurtre dans la rue à Paris par un affidé de Daesh, fiché S, suivi par les services de rensei­gne­ments, qui avait été empri­sonné pour projet terro­riste et connu un suivi psychia­trique en prison et ensuite.

Une psychia­trie pas assez répres­sive selon lui. Une psychia­trie à bout de souffle selon les profes­sion­nels de ce champ.

Ce commu­niqué ci dessous, co-signé par des respon­sables du monde psychia­trique montre l’inquié­tude susci­tée par les propos déma­go­giques de Darma­nin:

PB, 9–12–2023

Mala­die mentale et actes terro­ristes : la tenta­tion des amal­games ? 

Nous parta­geons l’émo­tion susci­tée au sein de la popu­la­tion et nous compre­nons les préoc­cu­pa­tions face au phéno­mène de radi­ca­li­sa­tion à l’ori­gine des actes terro­ristes. 

Face à cette horreur, la tenta­tion est grande de donner à penser que nous pour­rions avoir prise sur une part de ses causa­li­tés en suggé­rant que ces actes de violence extrêmes pour­raient rele­ver, pour partie, d’une patho­lo­gie psychia­trique : un tiers de ces personnes, avance-t-on, présen­te­raient des troubles psycho­lo­giques… Le Ministre de l’in­té­rieur vient d’an­non­cer le chiffre de 20 %. Mais selon quels critères, quelles études épidé­mio­lo­giques ? 

Selon toutes les études inter­na­tio­nales, la préva­lence des troubles psychia­triques parmi les sujets radi­ca­li­sés et commet­tant des actes terro­ristes est d’en­vi­ron 5 à 6 %. Selon les données commu­niquées par l’ad­mi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire en 2022, seule­ment 8 % des personnes incar­cé­rées pour des faits de terro­risme présentent des troubles psychia­triques. 

Toute­fois certains éléments du discours du Ministre de l’In­té­rieur nous préoc­cupent et nous inquiètent : selon ses propos « il y a un ratage mani­fes­te­ment psychia­trique dans le suivi de l’au­teur de l’at­ten­tat mortel de samedi dernier à Paris … » et il envi­sage « qu’il faudrait sans doute faire une injonc­tion admi­nis­tra­tive » pour ces cas. 

Pour rappel, les auto­ri­tés qui suivent les personnes radi­ca­li­sées disposent depuis des années d’un accès aux dossiers d’hos­pi­ta­li­sa­tion sans consen­te­ment en psychia­trie et le Repré­sen­tant de l’État dispose déjà de la possi­bi­lité de pronon­cer une hospi­ta­li­sa­tion sans son consen­te­ment d’une personne pour trouble de l’ordre public. 

Ainsi, Monsieur le Ministre, asso­cier les troubles psychia­triques aux actes terro­ristes est pour le moins hasar­deux ! 

Ce glis­se­ment séman­tique peut induire impli­ci­te­ment une confu­sion entre délinquance et mala­die mentale, soins psychia­triques, incar­cé­ra­tion et injonc­tion admi­nis­tra­tive et risque d’ag­gra­ver la stig­ma­ti­sa­tion des malades que nous soignons.

Qu’est-ce qui a prévalu chez cet assaillant ? : L’idéo­lo­gie djiha­diste, l’in­fluença­bi­lité de l’au­teur ou une patho­lo­gie mentale ?
Comme à chaque fois que se produit un grave passage à l’acte de la part d’une personne radi­ca­li­sée, la Psychia­trie est direc­te­ment mise en cause et même rendue respon­sable dans le discours offi­ciel et média­tique.
Comme à chaque fois l’émo­tion collec­tive appelle à l’im­pos­sible anti­ci­pa­tion de ces passages à l’acte et à toujours plus de contraintes légales et admi­nis­tra­tives. 

La ques­tion du passage à l’acte et des états dange­reux fait partie de la clinique psychia­trique et des actions préven­tives et théra­peu­tiques des Psychiatres des Établis­se­ments Publics qui y sont quoti­dien­ne­ment confron­tés et auxquels ils sont constam­ment atten­tifs. 

Les nouvelles formes de rupture de radi­ca­li­sa­tion et de violences de masse néces­sitent sans aucun doute de larges concer­ta­tions pluri­pro­fes­sion­nelles au sein desquelles pédo­psy­chiatres et psychiatres auront toute leur place, mais rien que leur place, pour poser un diagnos­tic, évaluer, comprendre, soigner, accom­pa­gner et réin­sé­rer.
Rappe­lons de surcroit que la psychia­trie publique a subi pendant trois décen­nies des baisses budgé­taires majeures la lais­sant dans un état d’aban­don et de grande fragi­lité, parti­cu­liè­re­ment concer­nant la clinique quoti­dienne des patients les plus diffi­ciles.

Norbert SKURNIK
Président de l’In­ter­syn­di­cale de la Défense de la Psychia­trie Publique (IDEPP)EPP)

Michel TRIANTAFYLLOU
Président du Syndi­cat des Psychiatres d’Exer­cice Public (SPEP)

Marie-José CORTÈS
Prési­dente du Syndi­cat des Psychiatres des Hôpi­taux (SPH)

Charles-Olivier PONS
Président de l’Union Syndi­cale de la Psychia­trie (USP)

Une réflexion sur « Darma­nin veut trans­for­mer la psychia­trie en dépen­dance du Minis­tère de l’in­té­rieur »

  1. Communiqué de l’Usp du 11 décembre 2023

    Il a osé !

    Monsieur Darmanin a osé utiliser les termes : « Encore un ratage de la psychiatrie » dans les premières heures qui ont suivi un acte terroriste meurtrier.

    Il a osé faire ce lien hasardeux alors que les terroristes ne présenteraient une pathologie psychiatrique que dans 10 % des cas.

    Monsieur le ministre de l’Intérieur a donc osé une fois de plus parler de santé alors que cela ne fait partie, ni de ses compétences, ni de ses attributions.

    Alors qu’il savait déjà que le criminel avait respecté son suivi psychiatrique obligatoire, que la loi peut l’imposer dans le cadre d’une injonction de soins et que la garde à vue n’avait pas été interrompue en raison de l’état psychiatrique du prévenu (ce qui peut être fait à tout moment par un examen psychiatrique à la demande de la police), ces premiers mots ne sont-ils pas venus détourner l’attention des affaires qui regardent le ministre de l’Intérieur, à savoir la surveillance des personnes à risque terroriste ?

    Pourquoi parler de la nécessité d’injonctions de soins par les préfets alors que cette possibilité existe déjà sous la forme des Soins psychiatriques sur Décision du Représentant de l’Etat (SDRE), en l’occurrence le préfet ? Et aussi d’injonction de soins par les policiers ? Quelles seraient leurs compétences d’évaluation ?

    Ne s’agit-il pas simplement d’instaurer une nouvelle strate de contrôle social, alors que ces dernières années se sont multipliées les atteintes aux libertés fondamentales de la population ?

    C’est encore une fois pointer du doigt la psychiatrie, stigmatisant ainsi les personnes qui sont suivies pour des troubles mentaux et disqualifiant des professionnels sérieux qui chaque jour, en toute vigilance, sont auprès de ce public des plus vulnérables.

    La psychiatrie est exsangue, abandonnée pendant des dizaines d’années par les pouvoirs publics et les gouvernements successifs, avec des budgets très insuffisants. Or, répétons-le, soigner dans des conditions dignes et éthiques, préserver et travailler un espace de pensée pour les patients est un combat quotidien.

    Charles-Olivier Pons, président

    Delphine Glachant, vice-présidente

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