Des entre­prises qui massacrent au Soudan, en Ukraine, en Pales­tine vont tenir salon au Bour­get

Deux assi­gna­tions en justice visent l’or­ga­ni­sa­teur du salon du Bour­get

Survie fait partie d’un collec­tif d’as­so­cia­tions qui a envoyé deux recours en justice pour empê­cher le salon aéro­nau­tique du Bour­get (93), qui aura lieu du 16 au 22 juin, d’ac­cueillir des entre­prises israé­liennes, mais aussi des socié­tés alimen­tant les guerres en Ukraine et au Soudan.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE (Paris, le 23 mai 2025)

Du 16 au 22 Juin 2025, le parc des expo­si­tions du Bour­get (93) accueillera l’un des plus grand salon mondiaux de l’aé­ro­nau­tique et de l’es­pace civil et mili­taire. 2500 expo­sants, indus­triels et start-up venus de 48 pays viennent présen­ter leurs derniers produits (missiles, drones, bombar­diers…) pour signer des contrats avec des Etats du monde entier.

D’après les infor­ma­tions publiées sur le site inter­net de la société SIAE, orga­ni­sa­trice du salon, huit entre­prises d’ar­me­ment israé­liennes expo­se­raient leurs produits et leurs acti­vi­tés lors de l’évé­ne­ment. Il ne devrait pour­tant exis­ter aucun doute quant au soutien que ces entre­prises appor­te­raient à l’ef­fort de guerre mené par Israël dans les terri­toires pales­ti­niens occu­pés (TPO), au vu des éléments acces­sibles sur leurs sites ou réseaux offi­ciels. Certaines iraient même jusqu’à promou­voir leurs arme­ments comme ayant été « testés au combat » à Gaza. Le SIBAT, Direc­tion de la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale du minis­tère israé­lien de la Défense, figure égale­ment sur la liste offi­cielle des expo­sants.

De plus, plusieurs entre­prises d’ar­me­ment, d’autres natio­na­li­tés, qui conti­nue­raient à four­nir direc­te­ment ou indi­rec­te­ment du maté­riel mili­taire à des entre­prises, délé­ga­tions ou inter­mé­diaires israé­liens, seraient elles aussi annon­cées parmi les expo­sants.

Une assi­gna­tion en justice a donc été envoyée au tribu­nal judi­ciaire de Bobi­gny pour une procé­dure de référé, portée par les asso­cia­tions Al-Haq, Union juive française pour la paix (UJFP), Attac-France, Stop Fuel­ling War (SFW) et Survie, repro­chant à la SIAE d’ac­cueillir ces enti­tés alors que la Cour Inter­na­tio­nale de Justice (CIJ) a affirmé et rappelé à plusieurs reprises la plau­si­bi­lité du géno­cide à Gaza et que la Cour Pénale Inter­na­tio­nale (CPI) a émis des mandats d’ar­rêts pour crimes de guerre et crimes contre l’hu­ma­nité à l’en­contre du Premier Ministre israé­lien Benja­min Neta­nyahu et de l’an­cien ministre israé­lien de la défense Yoav Gallant. Les crimes visés comprennent le meurtre et le recours à la famine comme arme de guerre.

(…)

On compte aujourd’­hui plus de 52 000 morts selon l’ONU dont au moins la moitié de femmes et d’en­fants, et plus de 118 000 bles­sé·e·s à Gaza et en Cisjor­da­nie. Gaza compte le plus grand nombre d’en­fants ampu­tés par habi­tant au monde [2]. L’ache­mi­ne­ment de l’aide huma­ni­taire est rendu chaque jour plus diffi­cile – et ce alors que dès mars 2024, les Nations Unies esti­maient déjà que « 100% de la popu­la­tion de Gaza [était] dans une situa­tion d’in­sé­cu­rité alimen­taire grave (ou de famine). Ces éléments ne font que renfor­cer la conclu­sion de la CIJ portant sur la plau­si­bi­lité du géno­cide [3] à Gaza.

Par ailleurs, une seconde assi­gna­tion distincte portée par Attac-France, Survie et Stop fuel­ling War, a été envoyée conjoin­te­ment au même tribu­nal. Les asso­cia­tions plai­gnantes reprochent au SIAE la promo­tion et la parti­ci­pa­tion au salon d’en­tre­prises qui alimen­te­raient indi­rec­te­ment les conflits en Ukraine et au Soudan, à travers la livrai­son d’armes à des entre­prises de pays tiers, tels que les Emirats Arabes Unis.

Depuis l’in­va­sion russe du 24 février 2022, la guerre conti­nue de faire rage en Ukraine, faisant plus de 40 000 victimes civiles dans le pays : 12 000 tués et 29 000 bles­sés. La CPI a ouvert une enquête sur les crimes commis en Ukraine dès mars 2022 et a depuis émis 6 mandats d’ar­rêt dont un contre le président russe Vladi­mir Poutine pour les crimes de guerre de dépor­ta­tion et trans­fert illé­gal de popu­la­tion.

Enfin depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre civile dévas­ta­trice oppo­sant l’ar­mée régu­lière aux milices para­mi­li­taires des Forces de Soutien Rapide (FSR), recon­nues par la commu­nauté inter­na­tio­nale comme étant respon­sables de graves crimes inter­na­tio­naux, incluant pillages, exécu­tions et violences sexuelles, parti­cu­liè­re­ment dans la région du Darfour où un risque réel de géno­cide a été iden­ti­fié contre la commu­nauté Masa­lit. Ce conflit a causé plus de 150 000 morts et déplacé près de 13 millions de personnes tandis que la moitié des 44 millions de Souda­nais sont aujourd’­hui mena­cés par la famine.

Par ces deux assi­gna­tions, il est demandé à la société SIAE de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour faire cesser un « trouble mani­fes­te­ment illi­cite » et de préve­nir un risque de « dommages immi­nents », dans la mesure où le salon pour­rait servir de plate-forme commer­ciale renforçant le pouvoir écono­miques d’en­tre­prises, délé­ga­tions ou inter­mé­diaires suscep­tibles de parti­ci­per direc­te­ment ou indi­rec­te­ment à la perpé­tua­tion des crimes inter­na­tio­naux en ques­tion.

Sans les armes et compo­sants prove­nant de multi­na­tio­nales du monde entier, ces crimes ne pour­raient être perpé­trés avec une telle inten­sité. Ce commerce s’ap­prête à avoir lieu sur notre sol, à quelques kilo­mètres de Paris.

Tout en dénonçant l’inac­tion persis­tante des auto­ri­tés françaises face au risque sérieux de géno­cide à Gaza, ainsi que celle de la commu­nauté inter­na­tio­nale, qui n’a toujours pas adopté de sanc­tions écono­miques à l’en­contre d’Is­raël — alors qu’elle a su le faire dans les cas de la Russie et du Soudan —, ces assi­gna­tions rappellent avec insis­tance la néces­sité de ne pas occul­ter la respon­sa­bi­lité des acteurs privés dans le soutien parfois même indi­rect à la commis­sion de crimes inter­na­tio­naux graves, prévus et sanc­tion­nés par notre Code Pénal.

Les deux assi­gna­tions ont été rédi­gées avec la coor­di­na­tion, l’aide juri­dique et stra­té­gique de la coali­tion Droit et mouve­ments sociaux, et grâce aux recherches de membres des collec­tifs en soutien. Elles s’ins­crivent dans un contexte de mobi­li­sa­tion sociale crois­sante contre les poli­tiques de mili­ta­ri­sa­tion de la France et de l’Eu­rope, contre l’im­pu­nité d’ac­teurs qui tirent profit de la guerre, contre la tenue du salon du Bour­get dans ces condi­tions, et contre la répres­sion gran­dis­sante des défen­seurs des droits des peuples visés dans ces recours (en témoigne la menace récente de disso­lu­tion d’Ur­gence Pales­tine), mobi­li­sa­tion menée notam­ment par la coali­tion Guerre à la guerre et la dyna­mique Stop Bour­get, qui soutiennent cette démarche judi­ciaire.

Contacts presse
Al-Haq, joel.alhaq@g­mail.com
Droits et Mouve­ments Sociaux
Droi­tet­mou­ve­ments­so­ciaux@­pro­ton.me
Survie, contact@­sur­vie.org
Coali­tion guerre à la guerre (qui regroupe une ving­taine de collec­tifs dont les Soulè­ve­ments de la Terre, Stop Arming Israel France, Urgence Pales­tine, la Marche des Soli­da­ri­tés).
Domi­nique Cochain, avocate et cofon­da­trice d’Avo­cats pour la Justice au Proche Orient (AJPO) dcochain@­ca­bi­net­co­chain.fr, qui repré­sente les asso­cia­tions, aux côtés de Laura Monnier, Matteo Bona­glia, et Amélie Beau­che­min.

[1] https://www.ipcinfo.org/ipc-coun­try-analy­sis/details-map/en/c/1159596/
[2] https://blogs.media­part.fr/les-invites-de-media­part/blog/040325/pas-d-espoir-de-paix-durable-sans-justice-des-juristes-du-monde-entier-se-mobi­lisent-p
[3] https://www.unge­neva.org/fr/news-media/news/2024/12/101341/gaza-compte-le-plus-grand-nombre-denfants-amputes-par-habi­tant-au

https://survie.org/l-asso­cia­tion/mob/article/deux-assi­gna­tions-en-justice-visent-l-orga­ni­sa­teur-du-salon-du-bour­get

Camille Lesaffre

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