5 décembre 2025

Entre­les­li­gne­sen­tre­les­mots. Plusieurs textes sur la Pales­tine, le géno­cide toujours en cours.

Que valent des actes symbo­liques sans actes réels (et autres textes)

Que valent des actes symbo­liques sans actes réels (et autres textes)

  • Awad Abdel­fat­tah : De Sakh­nin à Ramal­lah, une nouvelle vague de lutte popu­laire pales­ti­nienne prend racine
  • Réunion du Conseil de sécu­rité : l’ONU juge « terri­fiant » le plan israé­lien de prise de contrôle de Gaza
  • Tous les yeux rivés sur Gaza : « Les forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes utilisent la faim comme arme de guerre »
  • Monique Chemil­lier-Gendreau : Que valent des actes symbo­liques sans actes réels face aux souf­frances et à la mort program­mée des Pales­ti­niens de Gaza et de Cisjor­da­nie ?
  • Israël assas­sine le jour­na­liste d’Al Jazeera Anas Al-Sharif et toute son équipe à Gaza
  • Gaza : l’ONU condamne le meurtre de six jour­na­listes pales­ti­niens
  • Gaza : après le meurtre de six profes­sion­nels des médias dans une frappe israé­lienne ciblée, RSF demande une réac­tion inter­na­tio­nale forte
  • Fran­cesca Alba­nese : Couper tous les liens avec Israël
  • A Gaza et en Cisjor­da­nie, la France doit agir !
  • Jewish Voice for Peace : Dites à la NEA : Respec­tez vos membres. Chas­sez l’ADL de nos écoles.
  • La LDH soutient « Put your soul on your hand and walk », un film de Sepi­deh Farsi
  • Arrê­tons Israël main­te­nant ! Appel euro­péen contre le géno­cide du peuple pales­ti­nien
  • Liens vers d’autres textes

 

De Sakh­nin à Ramal­lah, une nouvelle vague de lutte popu­laire pales­ti­nienne prend racine

Alors que l’in­di­gna­tion face à Gaza ne cesse de croître, des mani­fes­ta­tions et des grèves de la faim marquent un renou­veau du mouve­ment pales­ti­nien, déter­miné à surmon­ter les divi­sions et à main­te­nir la résis­tance. Ces dernières semaines, la mobi­li­sa­tion popu­laire pales­ti­nienne a connu un essor remarquable, en parti­cu­lier dans les terri­toires de 1948 (Israël) et en Cisjor­da­nie occu­pée. Cette dyna­mique reflète un effort crois­sant pour renouer avec une vague de soli­da­rité mondiale revi­ta­li­sée, qui perdure, et même s’étend, malgré les répres­sions sévères contre les mouve­ments pro-pales­ti­niens aux États-Unis et dans une grande partie de l’Eu­rope.

Tous les signes indiquent que cette dyna­mique conti­nuera à croître, avec la possi­bi­lité d’abou­tir à une insur­rec­tion popu­laire plus large, capable de faire recu­ler les poli­tiques brutales d’Is­raël envers les Pales­ti­niens sur l’en­semble du terri­toire.

Les images déchi­rantes en prove­nance de Gaza, enfants émaciés, familles sans cesse dépla­cées, civils abat­tus alors qu’ils attendent de la nour­ri­ture, deviennent impos­sibles à igno­rer ou à justi­fier pour les alliés d’Is­raël. Ces images commencent à hanter les gouver­ne­ments occi­den­taux, long­temps complices de la campagne géno­ci­daire israé­lienne, les expo­sant à la honte dans l’opi­nion publique et révé­lant la faillite morale de leur silence. Sous la pres­sion crois­sante de leurs citoyens, plusieurs États occi­den­taux ont récem­ment durci leur ton face à la conduite d’Is­raël à Gaza : rythme effréné des tueries, obstruc­tion déli­bé­rée à l’aide huma­ni­taire, absence mani­feste de plan pour mettre fin à la guerre.

Les reproches les plus visibles sont venus sous forme de recon­nais­sances offi­cielles (ou de menaces de recon­nais­sance) de l’État de Pales­tine par quelques chefs d’État occi­den­taux, notam­ment Emma­nuel Macron. Pour­tant, ces décla­ra­tions, bien que spec­ta­cu­laires sur le papier, restent large­ment symbo­liques. La « solu­tion à deux États » qu’elles évoquent est large­ment perçue comme illu­soire et insuf­fi­sante, elle préserve le régime colo­nial et d’apar­theid d’Is­raël et nie à des millions de réfu­giés pales­ti­niens leur droit au retour.

Même si ces décla­ra­tions ne devraient pas avoir d’im­pacts concrets immé­diats, elles restent néan­moins un geste de soutien impor­tant, et un encou­ra­ge­ment moral néces­saire au mouve­ment popu­laire, ouvrant la voie à une nouvelle phase de réflexion et d’ac­tion.

Un paysage en muta­tion
Les mani­fes­tants pales­ti­niens et leurs alliés suivent de près les évolu­tions de l’équi­libre géopo­li­tique régio­nal. Avec le soutien indé­fec­tible de Washing­ton, Israël agit désor­mais en toute impu­nité sur l’en­semble du terri­toire de ce que l’on appelle « l’Axe de la Résis­tance » dirigé par l’Iran. Et malgré les coups sévères subis par l’Iran lors de sa récente guerre de 12 jours contre Israël, il est loin d’être vaincu. Les deux camps accé­lèrent leur réar­me­ment en vue d’une phase encore plus sanglante du conflit.

Mais pour l’ins­tant, face à une balance des forces forte­ment en faveur d’Is­raël, de nombreux mili­tants pales­ti­niens se tournent vers l’in­té­rieur, vers la résis­tance popu­laire de base, en l’ab­sence de force mili­taire exté­rieure capable de frei­ner l’agres­sion israé­lienne. Et certains éléments laissent penser que cette stra­té­gie peut porter ses fruits.

Malgré sa domi­na­tion mili­taire, la posi­tion mondiale d’Is­raël, y compris parmi les commu­nau­tés juives, est plus fragile que jamais. En juin, en tant que président de la campagne One Demo­cra­tic State (ODSC), j’ai parti­cipé à un événe­ment excep­tion­nel : la première confé­rence juive anti­sio­niste, tenue dans la ville natale de Theo­dor Herzl, fonda­teur du mouve­ment sioniste. Les orga­ni­sa­teurs y ont réuni envi­ron 500 intel­lec­tuels et mili­tants juifs du monde entier, avec pour but d’unir le nombre crois­sant de Juifs anti­sio­nistes et de les inté­grer dans le mouve­ment progres­siste mondial contre le régime géno­ci­daire d’Is­raël.

Face aux horreurs infli­gées à Gaza et à la violence crois­sante en Cisjor­da­nie, Israël ne parvient plus à redo­rer son image à l’étran­ger. Sa propa­gande ne peut plus masquer ses crimes. Certains estiment même qu’Is­raël n’a pas encore pris conscience de l’am­pleur des dégâts, à la fois sur le plan stra­té­gique et de sa répu­ta­tion, qu’il est en train de s’in­fli­ger, des dommages qui pour­raient deve­nir irré­ver­sibles. Dans ce contexte, une stra­té­gie de résis­tance popu­laire soute­nue et connec­tée à l’échelle mondiale n’est plus seule­ment envi­sa­geable ; elle devient une néces­sité histo­rique.

Ces dernières années, plusieurs tenta­tives ont été faites pour emprun­ter cette voie, notam­ment les grandes mani­fes­ta­tions à la fron­tière de Gaza en 2018–2019, connues sous le nom de « Grande Marche du Retour ». Dès le départ, ces marches ont été violem­ment répri­mées par l’ar­mée israé­lienne, dans le but d’étouf­fer leur impact auprès de l’opi­nion publique mondiale.

Pour­tant, cette dyna­mique n’a jamais atteint la Cisjor­da­nie. Cela s’ex­plique en partie par le climat poli­tique fragile et par l’ab­sence de vision cohé­rente de la résis­tance popu­laire au sein de l’Au­to­rité pales­ti­nienne (AP). Liée à sa coor­di­na­tion sécu­ri­taire avec Israël, l’AP a acti­ve­ment saboté les mobi­li­sa­tions indé­pen­dantes, colla­bo­rant étroi­te­ment avec le colo­ni­sa­teur pour empê­cher leur émer­gence.

En mai 2021, un large soulè­ve­ment popu­laire avait balayé toute la Pales­tine, du fleuve à la mer. Un instant, on a cru à l’émer­gence d’une campagne natio­nale et durable de résis­tance civile. Mais l’in­tro­duc­tion d’une dimen­sion mili­taire, par les tirs de roquettes du Hamas, a rompu cet élan et affai­bli le poten­tiel de cette voie civile. L’op­por­tu­nité exis­tait malgré la répres­sion israé­lienne ; elle ne s’est simple­ment pas concré­ti­sée.

Ces occa­sions manquées ont renforcé chez beau­coup la convic­tion que la résis­tance popu­laire, légale, cultu­relle, artis­tique, reste l’un des moyens les plus promet­teurs de défier la domi­na­tion israé­lienne, peut-être même plus que la force mili­taire. Même certains analystes israé­liens admettent désor­mais que les événe­ments du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie ont ébranlé le pres­tige de l’ar­mée israé­lienne, un pres­tige qui, malgré des décen­nies de crimes, était resté éton­nam­ment intact.

Une étin­celle venue de Sakh­nin
Un déve­lop­pe­ment récent marque un possible tour­nant dans la mobi­li­sa­tion des citoyens pales­ti­niens d’Is­raël. Dans la ville de Sakh­nin, au nord, des milliers de personnes se sont réunies pour une grande mani­fes­ta­tion contre le géno­cide à Gaza, tandis qu’à Jaffa, plusieurs figures de proue, y compris des dépu­tés pales­ti­niens et des membres du Haut Comité de suivi des citoyens arabes d’Is­raël, ont lancé une grève de la faim de trois jours. La présence signi­fi­ca­tive de Juifs israé­liens anti-occu­pa­tion fut parti­cu­liè­re­ment marquante, un signe encou­ra­geant pour l’ave­nir d’une véri­table co-résis­tance.

De Sakh­nin, les mani­fes­ta­tions se sont rapi­de­ment éten­dues à d’autres villes pales­ti­niennes des terri­toires de 1948, à travers la Gali­lée, le Triangle, le Naqab et la région côtière. Et désor­mais, fait crucial, l’écho de ce mouve­ment commence à réson­ner en Cisjor­da­nie, bien que les Pales­ti­niens y soient toujours pris entre la répres­sion des forces d’oc­cu­pa­tion israé­liennes et celle de leurs colla­bo­ra­teurs de l’Au­to­rité pales­ti­nienne.

Inspi­rés par la grève de la faim des leaders pales­ti­niens à l’in­té­rieur d’Is­raël, des acti­vistes et figures natio­nales de Cisjor­da­nie ont entamé leur propre grève, non seule­ment en soli­da­rité avec Gaza, mais aussi comme outil de réveil poli­tique. Les grévistes de la faim à Ramal­lah, que j’ai rejoints un jour, parlaient ouver­te­ment de leur inspi­ra­tion directe tirée de la mobi­li­sa­tion des citoyens pales­ti­niens d’Is­raël et de leurs diri­geants. Sommes-nous en train d’as­sis­ter aux premiers pas d’un mouve­ment popu­laire unifié, capable d’im­po­ser un véri­table chan­ge­ment ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais une chose est certaine : les Pales­ti­niens ne peuvent plus se permettre la para­ly­sie de l’im­mo­bi­lisme poli­tique. La suite dépen­dra des dyna­miques internes, et de la capa­cité des leaders du mouve­ment à penser stra­té­gique­ment pour construire le moteur, la struc­ture et le cadre néces­saires à cette trans­for­ma­tion histo­rique.

Awad Abdel­fat­tah, le 6 Août 2025
Source : +972 Maga­zine 
Traduc­tion : ST pour Agence Media Pales­tine
https://agen­ce­me­dia­pa­les­tine.fr/blog/2025/08/07/de-sakh­nin-a-ramal­lah-une-nouvelle-vague-de-lutte-popu­laire-pales­ti­nienne-prend-racine/

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