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Gaza

Haaretz (Israël). 31 juillet. Le néga­tion­nisme du géno­cide: les géno­cides armé­nien, juif, pales­ti­nien

pascal bpar pascal b8 août 2025

L’iden­tité de victime construite par Israël au fil des géné­ra­tions alimente désor­mais son déni du géno­cide à Gaza

Les Israé­liens recourent à une tactique clas­sique de néga­tion du géno­cide : brouiller les pistes arith­mé­tiques pour expliquer les atro­ci­tés. Toute mention des souf­frances pales­ti­niennes est perçue comme une menace pour l’image et la survie de la nation.

Daniel Blat­man
31 juillet 2025, 15h24 IDT

Depuis plus d’un siècle, la Turquie pour­suit une poli­tique de déni du géno­cide armé­nien perpé­tré par l’Em­pire otto­man entre 1915 et 1918. Son méca­nisme de déni est évident dans de nombreux domaines, notam­ment la diplo­ma­tie, l’édi­tion univer­si­taire, l’opi­nion publique inter­na­tio­nale et une commu­nauté univer­si­taire coop­tée.

Son objec­tif est d’em­pê­cher l’uti­li­sa­tion du terme « géno­cide » pour dési­gner les actions de la Turquie et de promou­voir un récit alter­na­tif – un récit qui présente la dépor­ta­tion et le massacre de masse des Armé­niens comme des mesures néces­saires prises en réponse à une menace à la sécu­rité inté­rieure, plutôt que comme le résul­tat d’une poli­tique déli­bé­rée d’ex­ter­mi­na­tion.
Le déni est au cœur de l’iden­tité natio­nale turque moderne. Les gouver­ne­ments succes­sifs d’An­kara ont présenté les massacres comme une réponse légi­time à un soulè­ve­ment armé, affir­mant qu’il s’agis­sait d’une guerre civile ayant coûté la vie à des Armé­niens et à des Turcs, plutôt que d’un géno­cide.

Occul­ter les faits et jeter le doute sur le nombre de victimes est une stra­té­gie courante dans la poli­tique du déni. Parmi les spécia­listes, un large consen­sus se dégage : envi­ron 1,2 million d’Ar­mé­niens ont été tués ou sont morts. La version turque, quant à elle, affirme que ce nombre est nette­ment infé­rieur, envi­ron 350 000, et que beau­coup ont péri de mala­die, d’af­fron­te­ments avec les tribus locales ou des diffi­cul­tés du voyage, plutôt que d’ordres expli­cites d’ex­ter­mi­na­tion.

Israël en guerre : rapports, analyses et mises à jour véri­fiées

Mettre en doute la crédi­bi­lité des sources armé­niennes et occi­den­tales, notam­ment au moyen de rapports prove­nant de fonc­tion­naires consu­laires, de mission­naires et de membres du clergé améri­cains, sert à occul­ter la respon­sa­bi­lité poli­tique des diri­geants otto­mans, qui ont entre­pris de détruire un groupe ethnique tout entier.

Le néga­tion­nisme a égale­ment déve­loppé ses propres sché­mas après la Seconde Guerre mondiale, bien qu’il demeure un phéno­mène distinct de celui du géno­cide armé­nien. En 1980, Robert Fauris­son, profes­seur de lettres à l’Uni­ver­sité de Lyon, a publié un ouvrage inti­tulé « Mémo­ran­dum de défense contre ceux qui m’ac­cusent de falsi­fier l’his­toire ». Il y affir­mait que l’ex­ter­mi­na­tion massive par gaz n’avait pas pu avoir lieu au camp d’Au­sch­witz-Birke­nau.

(…) Les affir­ma­tions de Fauris­son ont été complè­te­ment réfu­tées par des histo­riens, des ingé­nieurs, des chimistes et d’autres experts. Il illustre parfai­te­ment comment un géno­cide peut être décon­tex­tua­lisé par des calculs mani­pu­la­teurs et pseudo-scien­ti­fiques. (…)

Fauris­son a systé­ma­tique­ment ignoré la docu­men­ta­tion alle­mande, les photo­gra­phies aériennes, les plans archi­tec­tu­raux des créma­toires, les témoi­gnages des gardes du camp et, à l’in­verse, de nombreux récits de survi­vants et décou­vertes archéo­lo­giques. Ses calculs pseudo-scien­ti­fiques sont deve­nus un exemple clas­sique de tactique néga­tion­niste : présen­ter des affir­ma­tions vagues, soi-disant scien­ti­fiques, tout en posant des ques­tions qui ignorent déli­bé­ré­ment le contexte histo­rique de l’évé­ne­ment.

Une tendance tout aussi dange­reuse se dessine en Israël concer­nant les crimes atroces commis dans la bande de Gaza. En juin 2024, le Dr Lee Morde­chai, histo­rien à l’Uni­ver­sité hébraïque de Jéru­sa­lem, a publié un rapport inti­tulé « Témoi­gner de la guerre Israël-Gaza », qui a depuis été mis à jour à plusieurs reprises en fonc­tion de l’évo­lu­tion de la situa­tion, la dernière en date datant de juillet 2025.

Le docu­ment offre un compte rendu métho­dique et détaillé des actions israé­liennes à Gaza , y compris celles qui pour­raient consti­tuer des crimes de guerre, voire un géno­cide. Il s’ap­puie sur des témoi­gnages oculaires, des images satel­lite, des docu­ments vidéo, des rapports d’or­ga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales et de nombreux témoi­gnages de soldats et de civils israé­liens sur le terrain. Il décrit le massacre de Pales­ti­niens non armés, les attaques répé­tées contre les camps de réfu­giés, le ciblage des personnes en quête d’aide médi­cale, la famine déli­bé­rée de la popu­la­tion et la destruc­tion d’in­fra­struc­tures, notam­ment d’hô­pi­taux, de réseaux d’eau, de centrales élec­triques, d’uni­ver­si­tés et de mosquées. Le rapport fait égale­ment état de dizaines de milliers de morts, prin­ci­pa­le­ment des femmes et des enfants, ainsi que d’une famine géné­ra­li­sée .

Paral­lè­le­ment à cette docu­men­ta­tion, Morde­chai propose une analyse de dizaines de décla­ra­tions publiques de poli­ti­ciens, de rabbins et d’autres person­na­li­tés publiques israé­liennes appe­lant à la destruc­tion collec­tive de Gaza depuis le début de la guerre – comme preuve d’une inten­tion géno­ci­daire.

La Rappor­teuse spéciale des Nations Unies sur les terri­toires pales­ti­niens occu­pés, Fran­cesca Alba­nese, a égale­ment déclaré, à propos de la guerre, que des appels expli­cites à la destruc­tion et à l’agres­sion aveugle contre les Gazaouis étaient enten­dus en Israël, créant un envi­ron­ne­ment propice au géno­cide. Un tableau simi­laire se dégage des rapports d’Am­nesty Inter­na­tio­nal, du Haut-Commis­saire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, et d’autres orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales. Nombre d’entre elles ont mis en garde contre le nombre élevé de décès d’en­fants, de femmes et de personnes âgées pales­ti­niens, qui reflète l’in­ca­pa­cité systé­mique d’Is­raël à respec­ter les prin­cipes de propor­tion­na­lité et de distinc­tion, pierres angu­laires du droit inter­na­tio­nal huma­ni­taire.

Dans une tribune publiée plus tôt ce mois-ci dans Haaretz, le profes­seur Michael Spagat, expert mondia­le­ment reconnu en matière de calcul des pertes en zones de conflit, esti­mait que le nombre de morts à Gaza dépas­sait les 100 000. Israël a réduit Gaza en ruines – un lieu inha­bi­table. Il a tué sans discri­mi­na­tion des femmes et des enfants inno­cents, pris pour cible des méde­cins et des travailleurs médi­caux et huma­ni­taires, et créé des condi­tions de famine et de priva­tion.
C’est un géno­cide.

(…)

Marchands de doute

Nir Hasson a examiné les problèmes et les demi-véri­tés conte­nus dans le docu­ment rédigé par les cher­cheurs du Centre Begin-Sadat dans un article publié plus tôt ce mois-ci. Il classe à juste titre leur rapport comme appar­te­nant à la caté­go­rie des « marchands du doute », qui emploient une tactique de déni bien connue. Ces personnes ne nient pas néces­sai­re­ment qu’un événe­ment s’est produit, mais elles utilisent des tactiques de déni pour mettre en doute les données et géné­rer des chiffres alter­na­tifs. (…) C’est égale­ment la tactique utili­sée par les néga­tion­nistes du géno­cide armé­nien et de l’Ho­lo­causte. De son côté, Fauris­son a mesuré le volume des chambres à gaz et a affirmé qu’il était physique­ment impos­sible d’y conte­nir le nombre de victimes décrit par les témoins oculaires ; par consé­quent, a-t-il soutenu, le géno­cide ne pouvait être prouvé.

(…) Une autre tactique courante de déni consiste à rela­ti­vi­ser le nombre de victimes. Les mêmes auteurs soutiennent qu’il est impos­sible de déter­mi­ner le nombre exact de morts à Gaza. Fauris­son, de même, a soutenu que des millions de personnes n’ont pas été assas­si­nées dans les chambres à gaz d’Au­sch­witz-Birki­nau – seule­ment quelques milliers sont mortes de mala­dies et d’épi­dé­mies dans les camps.

Mais même si les esti­ma­tions du nombre de victimes à Gaza étaient réduites – disons à 30 000 Pales­ti­niens inno­cents – un massacre d’une telle ampleur n’exi­ge­rait-il pas tout de même que des comptes soient rendus ? L’in­sis­tance même à réduire l’am­pleur d’un tel crime à un chiffre précis est, entre autres, un trait clas­sique du déni du géno­cide : une tenta­tive de brouiller l’atro­cité par l’arith­mé­tique.

(…) Ce faisant, une telle tenta­tive érige un mur entre l’atro­cité et sa véri­table signi­fi­ca­tion – préci­sé­ment le danger contre lequel Raphael Lemkin, inven­teur du terme « géno­cide » et archi­tecte de la Conven­tion des Nations Unies sur le géno­cide, avait mis en garde : l’ef­fa­ce­ment des iden­ti­tés et des circons­tances du décès des victimes au profit de chiffres, de défi­ni­tions et de modèles statis­tiques.

Cette approche contraste forte­ment non seule­ment avec la défi­ni­tion origi­nale du géno­cide de Lemkin, qui mettait l’ac­cent sur la destruc­tion progres­sive, insti­tu­tion­nelle et cultu­relle des groupes ethniques, mais aussi avec les inter­pré­ta­tions univer­si­taires ulté­rieures qui mettent l’ac­cent sur le concept d’« inten­tion cumu­la­tive ».

Le géno­cide ne néces­site pas une direc­tive unique et expli­cite ; il est plutôt le résul­tat d’un proces­sus dans lequel la rhéto­rique, la poli­tique, le discours poli­tique, la déshu­ma­ni­sa­tion collec­tive et les sché­mas d’ac­tion répé­tés convergent vers des actes de destruc­tion de masse.

Lorsque les poli­ti­ciens affirment qu’il n’y a pas d’in­no­cents à Gaza, lorsqu’un ministre israé­lien appelle à larguer une bombe atomique sur la bande de Gaza et que d’autres proposent des expul­sions massives d’un million d’ha­bi­tants ou suggèrent de sépa­rer les hommes des femmes et des enfants afin de les élimi­ner, ce discours accu­mulé fait partie de la machi­ne­rie qui permet et légi­time les actions sur le terrain.

(…) Le meurtre de six millions de Juifs n’a-t-il pas été rendu possible par le rejet de toute respon­sa­bi­lité par de nombreuses personnes à travers le monde ? L’af­fir­ma­tion de Yad Vashem selon laquelle son exper­tise se limite à la Shoah consti­tue un acte de faillite morale, un déni de respon­sa­bi­lité fondé sur la commo­dité insti­tu­tion­nelle et l’adop­tion idéo­lo­gique d’une poli­tique gouver­ne­men­tale respon­sable d’atroces crimes de guerre. C’est une trahi­son flagrante des valeurs de liberté, de justice et de sacra­lité de la vie humaine, que la mémoire de la Shoah est censée nous ensei­gner.

Lorsqu’une insti­tu­tion commé­mo­ra­tive comme Yad Vashem choi­sit non seule­ment de garder le silence, mais de l’ad­mettre ouver­te­ment, elle ne peut plus être consi­dé­rée comme une insti­tu­tion de commé­mo­ra­tion. Elle devient, volon­tai­re­ment ou non, une insti­tu­tion d’au­to­sa­tis­fac­tion et de déni. Et lorsque des crimes odieux sont perpé­trés à quelques dizaines de kilo­mètres de là, par les mêmes jeunes qui ont visité l’ins­ti­tu­tion il y a quelques années et qui sont aujourd’­hui enrô­lés dans l’ar­mée, un tel silence n’est pas de la neutra­lité, mais de la compli­cité.

La socio­logue turco-améri­caine Fatma Müge Göçek examine, dans son ouvrage « Déni de la violence : passé otto­man, présent turc et violence collec­tive contre les Armé­niens, 1789–2009 » (2015), les racines du déni du géno­cide armé­nien comme un proces­sus psycho­so­cial prolongé et continu. Elle affirme que ce déni est une réponse psycho­so­ciale collec­tive, présente sur quatre géné­ra­tions de Turcs, face à un crime incon­ce­vable.

(….) Pendant des géné­ra­tions, la Turquie a construit un récit de dissi­mu­la­tion, de justi­fi­ca­tion et de muse­lage qui a non seule­ment étouffé la voix des « autres » (les Armé­niens), mais a égale­ment entravé l’évo­lu­tion morale des Turcs eux-mêmes. Ce déni découle d’une peur profonde de l’ef­fon­dre­ment de l’iden­tité natio­nale si la vérité histo­rique est recon­nue, et cette peur se trans­forme en agres­si­vité envers quiconque tente d’adop­ter une approche critique du crime.

Depuis trois géné­ra­tions, Israël construit lui aussi une iden­tité victi­maire, allant des actes perpé­trés pendant l’Ho­lo­causte à ceux du Hamas le 7 octobre. Il nie ses propres crimes et vit donc dans une réalité constam­ment défor­mée. Toute tenta­tive de parler des crimes d’Is­raël contre les Pales­ti­niens est perçue comme une menace non seule­ment pour l’image de la nation, mais aussi pour sa survie même. Ce discours défen­sif est devenu un fonde­ment de l’iden­tité natio­nale israé­lienne, et toute critique de ce discours se heurte à la violence insti­tu­tion­nelle et publique dont nous sommes témoins aujourd’­hui.

Le profes­seur Daniel Blat­man est un histo­rien de l’Ho­lo­causte et du géno­cide.

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