https://blogs.mediapart.fr/hendrik-davi/blog/041225/la-menace-russe-la-plus-imminente-le-rn-l-elysee
La menace russe la plus imminente : le RN à l’Élysée !
Est-ce que la menace est celle d’une invasion russe sur le sol français dans un avenir proche, ce qui justifierait la mobilisation dès maintenant de l’ensemble de la population française et le retour d’un service militaire ? Non, la menace pour la France est avant tout et d’abord une menace politique.
Emmanuel Macron a de nouveau revêtu les habits martiaux de chef de guerre. Mais sa méthode pourrait s’avérer totalement contreproductive.
Il existe bien une menace russe pour l’Europe. Vladimir Poutine a agressé en 2022 un pays souverain, l’Ukraine, et a annexé une partie de son territoire. Cette annexion doit se comprendre dans le contexte plus global d’une politique impériale de la Russie. Avant, il y a eu la seconde guerre de Tchétchénie entre 1999 et 2009 qui a coûté la vie à 300 000 tchétchènes, le conflit en Ossétie avec la Géorgie 2008 et l’annexion de la Crimée en 2014. Les tensions sont toujours vives en Moldavie, candidate à l’adhésion à l’UE, autour de la Transnistrie.
Cette menace peut potentiellement toucher l’Europe, car minorités russes vivent aussi en Lituanie, Estonie[1] et Lettonie. Ces pays pourraient être agressés par la Russie au nom de la protection de ces minorités, comme pour l’Ukraine.
Cette menace s’accentue dans un paysage géopolitique complètement transformée par la victoire de Trump et la construction d’un axe néofasciste entre Trump et Poutine. Dans ce contexte de rapprochement politique et stratégique entre la Russie et les USA, l’OTAN n’a plus la même signification. L’Europe ne peut plus compter sur l’OTAN pour assurer sa défense et doit donc complètement revoir sa stratégie de défense.
Mais est ce que la menace est celle d’une invasion russe sur le sol français dans un avenir proche, ce qui justifierait la mobilisation dès maintenant de l’ensemble de la population française et le retour d’un service militaire ? Non la menace pour la France est avant tout et d’abord une menace politique.
La principale menace est celle d’une victoire en France de forces politiques sous influence du régime de Poutine. L’intrusion de la Russie dans les politiques intérieures et les processus électoraux est une méthode plus efficace que les armes. En Slovaquie ou en Hongrie les pro-russes sont déjà au pouvoir. En Roumanie, il s’en est fallu de peu. La Russie a financé la Ligue de Salvini[2] en Italie et le FPO autrichien[3] est lui aussi très clairement pro-russe depuis très longtemps.
Évidemment, le Rassemblement National est aussi sous influence russe. Ces liens sont anciens, en amont du prêt russe à Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2017, il y avait eu des contacts étroits entre le pouvoir russe et le Front national (FN) entre 2014 et 2016[4]. Depuis, le prêt a été remboursé, mais les relations se sont poursuivies. En 2024, le RN a investi au moins quinze candidats ayant des liens avec la Russie[5]. Depuis, le RN et surtout Bardella sont plus prudents[6].
La menace d’avoir un président de la République sous influence russe est bien plus problématique que le survol de quelques aéroports par des drones.
Or – et c’est bien le problème – toute la politique martiale de Macron et ses choix politiques conduisent à une victoire du RN. La droite « républicaine » et même le bloc central reprennent de plus en plus l’agenda de l’extrême droite en stigmatisant les étrangers, en renforçant le discours sécuritaire et en faisant monter les angoisses de guerre imminente. A ce titre, les discours du chef d’État-major, Fabien Mandon, ou de Macron lui-même sont totalement contreproductifs. Évidemment qu’aucun français aujourd’hui n’a envie que son fils ou sa fille meurt pour l’Ukraine. Agiter cette menace c’est assurer encore plus de voix au RN aux prochaines élections. Les Ukrainiens ont démontré une fois de plus que la mobilisation de toute la population est nécessaire pour défendre sa souveraineté. Mais nous ne tirerons pas les leçons de cette guerre par la création à la va-vite d’un service militaire volontaire.
La gauche de son côté doit se rassembler et trouver un chemin pour proposer une alternative.N Sur le plan intérieur, elle doit réaffirmer que la justice sociale et la justice écologique sont les meilleurs remparts à la montée des néofascismes. Sur le plan extérieur, notre souveraineté passe d’abord par notre souveraineté alimentaire, sanitaire, industrielle et énergétique et pas seulement par notre investissement dans la défense. Nous devons reconstruire un discours stratégique cohérent qui sorte à la fois de l’atlantisme et du campisme[7]. Il faut reconnaître la menace russe d’une part et d’autre part l’incapacité de l’OTAN à assurer à terme la défense des pays européens. Du côté de la défense, nous devons réinventer une doctrine stratégique : la dissuasion nucléaire et la focalisation sur nos capacités de projections montrent leurs limites.
Mais seule l’unité de la gauche sur un programme vraiment transformateur est en mesure de conjurer une victoire du RN et donc la vraie menace russe.
Hendrik Davi, membre fondateur de l’APRES, député du groupe Écologiste et Social
[1] https://www.mediapart.fr/journal/international/040425/face-la-russie-l-estonie-est-deja-sur-le-pied-de-guerre
[2] https://www.mediapart.fr/journal/international/220219/la-ligue-de-matteo-salvini-la-recherche-de-financements-russes-l-approche-des-europeennes
[3] https://www.france24.com/fr/20190521-ibiza-gate-fpo-autriche-russie-strache-gudenus-extreme-droite
[4] https://www.mediapart.fr/journal/international/140923/pret-russe-des-mails-hackes-revelent-la-proximite-entre-marine-le-pen-et-le-pouvoir-poutinien
[5] https://www.mediapart.fr/journal/politique/180624/legislatives-quinze-candidats-rn-ont-entretenu-des-liens-directs-avec-la-russie-de-poutine
[6] https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/11/27/au-rassemblement-national-la-ligne-pacifiste-vis-a-vis-de-la-russie-prend-le-dessus_6655151_823448.html
[7] Le campisme est une vision du monde fondée sur le soutien systématique à un des blocs dominants, le bloc soviétique pour le PCF pendant des décennies.
