8 décembre 2025

Human rights watch. 20 novembre. Cisjor­da­nie: En vidant des camps de réfu­giés, Israël a commis un crime contre l’hu­ma­nité

Cisjor­da­nie : En vidant des camps de réfu­giés,
Israël a commis un crime contre l’hu­ma­nité

Des dizaines de milliers de Pales­ti­niens dépla­cés de force début 2025 sont privés du droit de retour

  • Le dépla­ce­ment forcé par le gouver­ne­ment israé­lien des popu­la­tions de trois camps de réfu­giés de Cisjor­da­nie, en janvier et février 2025, a consti­tué des crimes de guerre et des crimes contre l’hu­ma­nité.

  • Les Conven­tions de Genève inter­disent de dépla­cer des civils de terri­toires occu­pés, sauf tempo­rai­re­ment pour des raisons mili­taires impé­ra­tives ou pour la sécu­rité de la popu­la­tion. Les civils dépla­cés ont droit à la protec­tion et au relo­ge­ment, ainsi qu’au retour dès que les hosti­li­tés ont cessé à proxi­mité.

  • Les hauts respon­sables israé­liens, notam­ment le Premier ministre Benya­min Neta­nya­hou et le ministre de la Défense Israel Katz, devraient faire l’objet d’enquêtes pour les opéra­tions menées dans les camps de réfu­giés et être pour­sui­vis de manière appro­priée pour crimes de guerre et crimes contre l’hu­ma­nité. Les gouver­ne­ments devraient impo­ser des sanc­tions ciblées et prendre d’autres mesures urgentes pour cesser leurs poli­tiques répres­sives.

 

(Jéru­sa­lem) – Le dépla­ce­ment forcé par le gouver­ne­ment israé­lien des popu­la­tions de trois camps de réfu­giés de Cisjor­da­nie en janvier et février 2025 a consti­tué des crimes de guerre et des crimes contre l’hu­ma­nité, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’­hui. Les 32 000 personnesdépla­cées par ces opéra­tions n’ont pas été auto­ri­sées à retour­ner dans leurs domi­ciles, dont beau­coup ont été déli­bé­ré­ment démo­lis par les forces israé­liennes.

Ce rapport de 105 pages, inti­tulé « ‘All My Dreams Have Been Erased’: Israel’s Forced Displa­ce­ment of Pales­ti­nians in the West Bank » (« ‘Tous mes rêves ont été effa­cés’ : Dépla­ce­ment forcé par Israël de Pales­ti­niens en Cisjor­da­nie »), détaille l’« Opéra­tion Mur de fer » (« Opera­tion Iron Wall »), une opéra­tion mili­taire israé­lienne touchant les camps de réfu­giés de Jénine, Tulka­rem et Nour Chams, qui a commencé le 21 janvier 2025, quelques jours après l’an­nonce d’un cessez-le-feu tempo­raire à Gaza. Les forces israé­liennes ont abrup­te­ment ordonné aux civils de quit­ter leur domi­cile, notam­ment à travers des haut-parleurs montés sur des drones. Des témoins ont déclaré que les soldats quadrillaient les camps en faisant bruta­le­ment irrup­tion dans les domi­ciles, en sacca­geant les proprié­tés, en inter­ro­geant les habi­tants et fina­le­ment en forçant toutes les familles à partir.

« Les auto­ri­tés israé­liennes, début 2025, ont chassé 32 000 Pales­ti­niens de leurs foyers situés dans des camps de réfu­giés en Cisjor­da­nie, sans aucun égard pour les protec­tions du droit inter­na­tio­nal, et ne les ont pas auto­ri­sés à reve­nir », a déclaré Nadia Hard­man, cher­cheuse senior auprès de la divi­sion Droits des réfu­giés et migrants à Human Rights Watch. « Alors que l’at­ten­tion du monde était tour­née vers Gaza, les forces israé­liennes ont commis en Cisjor­da­nie des crimes de guerre, des crimes contre l’hu­ma­nité et des actes de nettoyage ethnique qui devraient faire l’objet d’enquêtes et de pour­suites. »

(…)

Le 21 janvier, les forces israé­liennes ont pris d’as­saut le camp de réfu­giés de Jénine en déployant des héli­co­ptères Apache, des drones, des bull­do­zers et des véhi­cules blin­dés pour appuyer des centaines de soldats d’in­fan­te­rie qui forçaient les gens à sortir de chez eux. Des habi­tants ont témoi­gné à Human Rights Watch qu’ils avaient vu des bull­do­zers démo­lir des bâti­ments pendant qu’on les expul­sait. Des opéra­tions simi­laires ont eu lieu dans le camp de réfu­giés de Tulka­rem le 27 janvier et dans le camp voisin de Nour Chams le 9 février.

L’ar­mée israé­lienne n’a fourni aucun abri ni aucune aide huma­ni­taire aux habi­tants dépla­cés. Beau­coup ont cher­ché refuge dans les foyers déjà surpeu­plés de parents ou d’amis, ou bien se sont tour­nés vers les mosquées, les écoles et les asso­cia­tions cari­ta­tives.

(…)

Depuis ces descentes, les auto­ri­tés israé­liennes ont refusé aux habi­tants le droit de retour­ner dans les camps, même en l’ab­sence d’opé­ra­tions mili­taires actives à proxi­mité. Les soldats israé­liens ont tiré sur des personnes qui tentaient de se rendre chez elles, et seul un petit nombre d’ha­bi­tants ont été auto­ri­sés à récu­pé­rer leurs posses­sions. L’ar­mée a rasé et dégagé des espaces au bull­do­zer, appa­rem­ment pour créer des chemins d’ac­cès aux camps plus larges, et a bloqué toutes les entrées.

En analy­sant l’ima­ge­rie satel­li­taire, Human Rights Watch a constaté que six mois plus tard, plus de 850 domi­ciles ou autres bâti­ments avaient été détruits ou grave­ment endom­ma­gés dans l’en­semble des trois camps.(…)

L’Agence des Nations Unies pour les réfu­giés pales­ti­niens (UN Relief and Works Agency for Pales­tine Refu­gees in the Near East, UNRWA) a établi ces trois camps au début des années 1950, afin d’y loger les Pales­ti­niens qui avaient été expul­sés de leurs domi­ciles ou forcés à fuir après la créa­tion d’Is­raël en 1948. Ces réfu­giés – les personnes dépla­cées et ensuite leurs descen­dants – y ont vécu depuis cette époque.

L’article 49 de la Quatrième Conven­tion de Genève, appli­cable aux terri­toires occu­pés, inter­dit de dépla­cer des civils, sauf tempo­rai­re­ment pour des raisons mili­taires impé­ra­tives ou pour la sécu­rité de la popu­la­tion. Les civils dépla­cés ont droit à la protec­tion et à un relo­ge­ment appro­prié. La puis­sance occu­pante doit assu­rer le retour des personnes dépla­cées dès que les hosti­li­tés ont cessé dans la zone.

(…)

Les respon­sables israé­liens n’ont pas répondu aux ques­tions de Human Rights Watch, deman­dant si Israël auto­ri­se­rait les Pales­ti­niens à reve­nir et à quelle date. (…)

Beza­lel Smotrich, ministre des Finances qui est aussi co-ministre au minis­tère de la Défense, a déclaré en février que si les habi­tants du camp « conti­nuaient leurs actes de terro­risme », les camps « seraient des ruines inha­bi­tables » et que « leurs habi­tants seraient forcés à migrer et refaire leur vie dans d’autres pays ».

Le trans­fert forcé des Pales­ti­niens des camps a consti­tué une forme de nettoyage ethnique – un terme non juri­dique décri­vant l’éloi­gne­ment illé­gal d’une zone d’un groupe ethnique ou reli­gieux, par un autre groupe ethnique ou reli­gieux.

Les descentes ont été menés alors que l’at­ten­tion inter­na­tio­nale était concen­trée sur Gaza, où les auto­ri­tés israé­liennes ont commis des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’hu­ma­nité – dont le dépla­ce­ment forcé et l’ex­ter­mi­na­tion –, ainsi que des actes de géno­cide.

Depuis les attaques du 7 octobre 2023 diri­gées par le Hamas dans le sud d’Is­raël, les forces israé­liennes ont tué près de 1 000 Pales­ti­niens en Cisjor­da­nie. Les auto­ri­tés israé­liennes ont de plus en plus employé la déten­tion admi­nis­tra­tive sans incul­pa­tion ni procès, les démo­li­tions de domi­ciles pales­ti­niens et la construc­tion de colo­nies illé­gales, tandis que la violence de la part de colons soute­nus par l’État et la torture de déte­nus pales­ti­niens sont elles aussi en augmen­ta­tion. Le dépla­ce­ment forcé et les autres actes de répres­sion à l’en­contre des Pales­ti­niens en Cisjor­da­nie s’ins­crivent dans les crimes contre l’hu­ma­nité commis par Israël que sont l’apar­theid et la persé­cu­tion.

Les hauts respon­sables israé­liens devraient faire l’objet d’enquêtes pour les opéra­tions menées dans les camps de réfu­giés et, si leur respon­sa­bi­lité est établie, dûment pour­sui­vis pour crimes de guerre et crimes contre l’hu­ma­nité, notam­ment en vertu de la respon­sa­bi­lité du comman­de­ment. Parmi les personnes sur lesquelles il convient d’enquê­ter figurent le major-géné­ral Avi Bluth, le comman­dant du Comman­de­ment central qui était chargé des opéra­tions mili­taires en Cisjor­da­nie et qui a super­visé les descentes dans les camps et les ordres de démo­li­tion, les lieu­te­nants-géné­raux Herzi Halevi et Eyal Zamir, qui tous deux ont occupé la fonc­tion de chef d’état-major de l’ar­mée israé­lienne, le ministre de la Défense Israel Katz, le ministre des Finances Beza­lel Smotrich, qui a aussi le statut de co-ministre au minis­tère de la Défense et qui siège au cabi­net de sécu­rité, ainsi que le Premier ministre Benya­min Neta­nya­hou.

(…)

Les gouver­ne­ments devraient impo­ser des sanc­tions ciblées à Avi Bluth, Eyal Zamir, Beza­lel Smotrich, Israel Katz, Benya­min Neta­nya­hou et aux autres respon­sables israé­liens impliqués dans les graves abus actuel­le­ment commis dans le Terri­toire pales­ti­nien occupé. Ils devraient égale­ment pres­ser les auto­ri­tés israé­liennes de mettre fin à leurs poli­tiques répres­sives, impo­ser un embargo sur les armes, suspendre leurs accords commer­ciaux préfé­ren­tiels avec Israël, inter­dire le commerce avec les colo­nies illé­gales et appliquer les mandats d’ar­rêt de la CPI.

« L’es­ca­lade d’abus commis par Israël en Cisjor­da­nie soulignent pourquoi les autres gouver­ne­ments, en dépit du fragile cessez-le-feu à Gaza, devraient agir d’ urgence pour empê­cher les auto­ri­tés israé­liennes d’ac­cen­tuer leur répres­sion à l’en­contre des Pales­ti­niens », a conclu Nadia Hard­man. « Ils devraient infli­ger des sanc­tions ciblées au Premier ministre, Benya­min Neta­nya­hou, au ministre de la Défense, Israel Katz, et aux autres hauts fonc­tion­naires israé­liens respon­sables de crimes graves envers les Pales­ti­niens ; ils devraient aussi appliquer tous les mandats d’ar­rêt de la Cour pénale inter­na­tio­nale. »

Cartes et illus­tra­tions non repro­duites
https://www.hrw.org/fr/news/2025/11/20/cisjor­da­nie-en-vidant-des-camps-de-refu­gies-israel-a-commis-un-crime-contre

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