Depuis les élections du 25 mai, nous savons que l’électorat du FN est plus fidèle et plus déterminé que tous les électorats de gauche. Nous savons qu’il est actuellement plus populaire et plus nombreux que celui du Front de gauche.
Un Front de gauche qui il y a quelques semaines encore affirmait vouloir contester la majorité à gauche au PS… Il est nécessaire que les porte-parole du Front de gauche cessent de dire n’importe quelle sottise. Soit ils savent qu’ils disent des paroles de petite propagande, et ils découragent les militants syndicalistes qui sont intéressés. Soit ils se leurrent et ils apparaissent comme des buses politiques à qui les lit avec intérêt.
Parmi ces dirigeants, il y en a qui assurent qu’il n’y a rien d’étonnant dans ce résultat électoral. Je fus, pour ma part, abasourdi par par l’ampleur de la victoire électorale du FN, par la médiocrité du score du Front de gauche, par la quasi-disparition électorale de LO-NPA.
Si la colère populaire contre le gouvernement social-libéral de Hollande, qui a trahi toutes ses maigres promesses électorales au-delà du prévisible, était palpable, notre incapacité à être un pôle de résistance massive à ce gouvernement, à être une opposition de gauche politique, tant nationale qu’ à l’échelle européenne, doit nous surprendre, nous secouer.
Que dire du FN ?
Faut-il rappeler que le FN est un parti de filiation fasciste ? Que qualifier de « fasciste », cela signifie non une injure à l’emporte-pièce, mais un constat concernant l’origine du FN, de ses cadres politiques. On glose, dans les médias et bien au-delà, sur la « dédiabolisation » du FN, sur ce qui serait le constat que le FN serait un parti qui n’est plus du tout en lien avec fascistes, avec les néo-nazis. Le débat n’est pas historique mais politique et actuel.
Tenons-nous en à deux événements politiques de la fin de la campagne européenne du FN. Deux faits largement rapportés par les médias.
1. Jean-Marie Le Pen souhaite une épidémie Ebola dévastatrice de l’Afrique.
Parlant à Marseille dans un meeting, avec sa fille, héritière du FN et de la fortune familiale, il a déclaré que « Monsieur Ebola » pourrait « régler » le « problème » de l’immigration-invasion « en trois mois ».
Le virus Ebola responsable de fièvre hémorragique mortelle a réapparu en Afrique. Selon wikipedia : « au 20 avril 2014 on comptait au total 208 cas dont 136 morts en Guinée et 34 cas dont 11 morts au Liberia. Cette souche, appartenant à l’espèce Zaïre, serait une souche spécifique ayant évolué séparément ; il est possible qu’elle circule depuis quelque temps dans la région, bien qu’elle soit inconnue jusqu’alors. ». Cette information a stimulé l’imagination de l’ignoble qui a toujours su faire rire ses amis, anciens de la Waffen SS, pétainistes, OAS, etc, tous ces ennemis de nos valeurs les plus simples, avec lesquels il fonda le FN.
« La fièvre hémorragique Ebola se caractérise par une soudaine montée de fièvre accompagnée d’asthénie, de myalgie, de céphalées ainsi que de maux de gorge. (..)Des hémorragies internes et externes surviennent ensuite, suivies du décès par choc cardio-respiratoire dans 50 à 90 % des cas. Le décès survient dans un tableau de choc avec défaillance multi-viscérale, au bout de 6 à 16 jours » Vous ne riez pas à l’évocation de la possibilité de centaines de milliers d’Africains mourant dans de telles conditions ?
2. Florian Philippot polarise la haine xénophobe sur une mineure.
Florian Philippot c’est l’intellectuel du FN, le gars qui passe à la télé et qui a l’air de ne pas jouir aux récits des massacres coloniaux ou de ceux de la dernière Guerre mondiale, qui fut tête de liste aux dernières élections européennes dans l’Est. Il a diffusé via son réseau social, et très largement, et ce fut repris par Marine Le Pen, une photographie de la lycéenne rom, Léonarda (Léonarda Dibrani) qui fut expulsée de France, le 9 octobre 2013 avec sa famille.
Sous la photo volée de l’adolescente de 15 ans, le FN place une citation de propos qu’elle aurait tenus : « on attend que notre passeport croate soit prêt et on est libres, on peut aller où on veut après ». Puis le chef FN ajoute : « votez FN! ».
Pour en savoir plus, nous consultons le portail du site du FN. Nous cliquons sur le mot « immigration ». Nous lisons le premier article qui s’affiche : il fait référence à l’hebdo de la droite de la droite, « Valeurs Actuelles » qui annonce que Léonarda Dibrani et sa famille souhaitent revenir en France (ce n’est pas un scoop) ; alors le FN « exige une prise de parole officielle et une explication détaillée du ministre de l’Intérieur » à ce propos. Ils en profitent que dire que c’est de la faute de l’UMP si on est si bons avec les étrangers (surtout les roms), ils poursuivent finement :« En matière de laxisme, UMP et PS sont décidément aussi bons l’un que l’autre… ». Et puis le communiqué FN se conclut :« La France doit retrouver la pleine maîtrise de ses frontières nationales, et la famille de Leonarda n’a rien à faire dans notre pays. »
Pour ces gens-là, une adolescente qui fut longuement scolarisée en France, plus sa famille, veulent revenir dans pays, et voilà leur « patrie » en danger. Tant leur France hallucinée est sans ressort, au bord du gouffre. Cette famille est l’objet de leur détestation.
Face à une adolescente rom et à sa famille, tous les relais médiatiques du FN se déchaînent. Son image est jetée aux chiens.
Qu’ajouter ?
Utiliser la photographie d’une mineure pour polariser sur elle la haine xénophobe est sans doute illégal, c’est surtout répugnant. Digne des journaux des collaborateurs de l’armée d’occupation allemande des années 40 qui publiaient des listes de noms de personnes nuisibles à l’ordre hitlérien.
Même JF Copé, le dirigeant maintenant déchu de l’UMP tant la corruption était mal dissimulée, lorsqu’il parlait des enfants musulmans voleurs de « pain au chocolat » des petits blancs dans les écoles, ne poursuivit pas l’ignominie jusqu’à publier la photo d’un enfant qui eût été à lyncher.
3. Pour une gauche radicale qui se ressaisisse. Contre les néolibéraux, contre le gouvernement Hollande.
Dans ce contexte, les sentences de journalistes et autres observateurs de la vie politique du type « bien sûr, il n’ y a pas 25% de fascistes en France » sont hors de propos. Souhaiter une épidémie ravageuse en Afrique comme polariser la haine publique sur une adolescente sont deux attitudes qui ne relèvent pas du champ politique, ce sont des propos de haine contre des personnes en détresse, ce sont des propos de guerre. Car dans les guerres modernes on massacre systématiquement les populations sans défense. Pour l’équipe Le Pen, la France est bien en grand danger, ce qui nécessite une attitude impitoyable, une mobilisation typique des temps de guerre.
Dans la vie ordinaire, on compatit pour les malades atteints de maladies mortelles, on voit dans toute adolescente une potentialité de vie et de création. Sauf quand on rit avec Dieudonné, qu’on trouve que le nazisme fut calomnié, et que Pétain était un homme d’honneur. Sauf quand on est dirigeant appointé du FN.
L’électorat du FN n’ignore pas cela. Il n’est pas moins fasciste que ces électorats déboussolés, l’un qui dans les années 20 apporta une minorité d’importance au parti fasciste en Italie, et de même au parti nazi dans les années 30 en Allemagne. Des électorats qui ne souhaitaient pas massivement la logique de mort de ces partis pour lesquels ils votaient.
Précisons les responsabilités. C’est l’État français qui par la politique de Sarkozy puis de Valls (et auparavant aussi) a suscité et cultivé le ressentiment xénophobe et islamophobe. Ces haines sont aussi propagées benoîtement par les éditorialistes qui bavardent dans les médias et dans leurs journaux.
Le 26 janvier 2014, eut lieu la convergence de toutes les bases d’un nouveau fascisme à la française. Ils étaient pas loin de 20 000 malgré une pluie glaciale, à Paris, contre l’avortement, le chômage, les homosexuels, l’école républicaine, les médias, les impôts, les francs-maçons, les juifs, Satan, Hollande. Réplique d’ultra-droite du mouvement des réactionnaires de « la manif pour tous ».
Les élections montrent qu’ils sont beaucoup plus de 20000 en France.
Nous devons constituer des groupes politiques, activistes et déterminés, pour porter notre alternative politique face aux néolibéraux et aux FN. Toutes celles et eux qui perçoivent le danger accru pour nos libertés doivent se regrouper. Sans les amis du PS et du gouvernement ni de sa police.
C’est une défaite sans combat pour nos idéaux qui s’annonce; ne pas réagir serait une lâcheté. Pour ce qui est du courage, nous en reparlerons plus tard.
Pascal Boissel