Exposé et débat sur les communs

Cet exposé suivi d’un débat s’est déroulé le samedi 29 novembre 2015 à l’Au­berge de jeunesse de Poitiers à l’oc­ca­sion des mani­fes­ta­tions propo­sées par la Coali­tion Climat 21 de la Vienne.

Je ne suis pas du tout un spécia­liste des communs. On m’a demandé d’in­ter­ve­nir aujourd’­hui au prétexte que j’ai relayé loca­le­ment le festi­val Le temps des communs qui s’est déroulé du 5 au 18 octobre dernier. A cette occa­sion, j’ai orga­nisé une table ronde à l’Es­pace Mendès France avec des cher­cheurs et des acteurs locaux (l’en­re­gis­tre­ment est dispo­nible en ligne). J’avais aussi précé­dem­ment animé une session sur ce sujet dans le cadre du campus euro­péen d’été orga­nisé mi-septembre par l’uni­ver­sité de Poitiers sur le thème « Numé­rique : faire ensemble et autre­ment » (l’en­re­gis­tre­ment est aussi en ligne).

Par ailleurs, j’ar­rive à la fin de cette jour­née ou vous avez échangé sur de nombreux sujets et des projets auxquels vous parti­ci­pez. En fait vous connais­sez bien le sujet. Tout le monde ici fait du commun. Sur la place, vous êtes peut être partie prenante de diverses initia­tives : préser­va­tion de la biodi­ver­sité (semences paysannes, croqueurs de pommes, etc.), accès à la terre pour des agri­cul­teurs bios (Terre de liens), recy­cle­rie, réali­sa­tion de logi­ciels ou de carto­gra­phies libres (APP3L), entre­tien de jardins parta­gés, AMAP, mise en place d’une monnaie complé­men­taire locale, partage des connais­sances et de savoirs critiques, anima­tion d’un fablab, publi­ca­tion d’ar­ticles scien­ti­fiques ou de ressources péda­go­giques en accès libre, etc. le fil conduc­teur n’est pas évident tant la diver­sité de ces acti­vi­tés est grande.

je ne vais donc pas m’avan­cer à vous faire la leçon et me canton­ner à amener quelques éléments d’in­for­ma­tion et de débat, des cita­tions et quelques réflexions person­nelles.

Les compor­te­ments altruistes, de partage et de coopé­ra­tion perdurent — et c’est heureux et néces­saire —, courant entre voisins, entre collègues, entre géné­ra­tions, dans les luttes, etc. J’ai grandi à quelques dizaines de kilo­mètres d’ici, dans les années soixante et soixante-dix, dans une famille de paysans où la coopé­ra­tion et la soli­da­rité allaient de soi en dehors de tout calcul écono­mique. Lorsqu’on la grati­fie d’un remer­cie­ment, ma mère réplique souvent d’une gentille injonc­tion : « ça ne se remer­cie pas ! ça ce remet » ; elle n’a pas lu l’Essai sur le don de Marcel Mauss, mais elle sait l’im­por­tance de la gratuité et du retour dans l’échange (à ce sujet je vous invite à lire Éloge de la gratuité sous la direc­tion de Alain Caillé et Philippe Chanial) .

Souve­nons aussi que nous vivons dans un terri­toire qui histo­rique­ment a vu naître et se déve­lop­per nombre de mutuelles et de coopé­ra­tives ; s’ins­ti­tuer ce qu’on nomme l’éco­no­mie sociale et soli­daire.

Il n’en reste pas moins, que ces pratiques de coopé­ra­tion hors marché et  l’idée de service ou de bien publics sont extrê­me­ment déva­lo­ri­sées depuis les années quatre-vingt, époque de l’ex­ten­sion à l’échelle mondiale du néoli­bé­ra­lisme. On tente de nous convaincre que le marché peut résoudre tous les problèmes et besoins, par exemple ceux posés par le chan­ge­ment clima­tique. Pensons au busi­ness du carbone, aux droits à polluer, avec leurs crédits et quotas ; spécu­la­tions, fraudes, pertes pour tous & profits pour quelque uns à la clé.

Le bien commun ou le commun tout court est à la mode !! Ça me fait vrai­ment plai­sir car je me souviens qu’il y a quelques années, un rapide sondage auprès d’usa­gers m’avait dissuadé d’uti­li­ser ce terme pour nommer un site inter­net car pour tous il était pris dans son sens domes­tique… les communs, les lieux communs, etc. enfin très néga­tif. Plus géné­ra­le­ment , les communs étaient, jusqu’à il a peu, consi­dé­rés comme un système de gestion inef­fi­cace (la fameuse légende de la « tragé­die des communs »), une relique archaïque moyen­âgeuse (le glanage, etc) ou une curio­sité exotique qui subsis­te­rait dans quelques coins recu­lés et attar­dés.

On a coutume de dire que le commun concerne ce que nous avons ensemble et ce que nous faisons ensemble. La formule est sympa­thique mais le verbe avoir ne me semble pas appro­prié pour parler notam­ment de notre rela­tion à la Terre, à la biosphère. Élysée Reclus, un anar­chiste et géographe du XIXe, avait mis au fron­tis­pice de son livre L’homme et la Terre, la phrase : « l’homme est la nature prenant conscience d’elle-même ». J’aime cette idée, à la place de que ce que nous avons ensemble, je préfère : ce que nous sommes ensemble en société, dans l’éco­sys­tème terrestre ; à la biodi­ver­sité et aux éléments s’ajoute alors les connais­sances, les savoir-faire, les savoir-être, les cultures, etc. Dans la même idée, j’aime aussi assez l’af­fiche de Pascal Colrat, verte et jaune, qui annonce certaines mani­fes­ta­tions de la ville pour la COP21 : « Quel temps faisons nous ? » Donc ce que nous sommes et ce que nous faisons ensemble et autre­ment ;)

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Aujourd’­hui, le neoli­bé­ra­lisme est hégé­mo­nique les pratiques de préda­tions et d’ap­pro­pria­tion privée se géné­ra­lisent, s’étendent toujours plus ; le commun ne peut pas être pas non plus le secteur public qui se réduit avec la compli­cité des États à ce que le secteur marchand ne peut pas (encore) s’ac­ca­pa­rer avec profit. Cepen­dant, l’ex­ten­sion du numé­rique par les capa­ci­tés de commu­ni­ca­tion qu’il offre à tous et les spéci­fi­ci­tés des ressources numé­riques ont contri­bué a chan­ger la donne.

Qu’est ce qu’un commun ?

Pour aller vite et faire court : je pense qu’un commun n’existe que parce qu’une commu­nauté s’or­ga­nise indé­pen­dam­ment, du marché et de l’État, pour gérer de manière pérenne et économe une ressource ou une produc­tion sur la base d’un ensemble de règles évolu­tives.

Quelques exemple dans le champ du numé­rique …

Wiki­pe­dia, ency­clo­pé­die en ligne basé sur le système du wikis où tout un chacun est libre d’édi­ter les pages, par exemple pour corri­ger des fautes d’or­tho­graphe, amener des infor­ma­tions supplé­men­taires ou des préci­sions, voire rédi­ger un article complet. Des règles strictes, de neutra­lité par exemple, régissent cette pratique colla­bo­ra­tive qui a conduit à la mise à dispo­si­tion de tous de conte­nus souvent de qualité (par exemple, les articles scien­ti­fiques ; garder tout de même un œil critique…).

Depuis les années quatre-vingt des infor­ma­ti­ciens ont entre­pris de « hacker » le code de la propriété intel­lec­tuelle pour déve­lop­per les logi­ciels libres, coopé­rer à leur réali­sa­tion et les mettre à la dispo­si­tion de tous. Un logi­ciel est dit libre s’il est diffusé avec son code source et que sa licence, qui lie ses concep­teurs et ses usagers, n’im­pose aucune restric­tion, de quelque nature que ce soit, à son usage, auto­rise sa copie, garan­tit que les usagers puissent l’amé­lio­rer et l’adap­ter à leurs propres besoins, et encou­rage la diffu­sion de ces amélio­ra­tions pour le bien de tous. Un des exemples, le plus connu est GNU/Linux, initié en 1991 par Linus Torvalds, un étudiant finlan­dais, qui concur­rence les systèmes d’ex­ploi­ta­tion de multi­na­tio­nales comme Micro­soft, Apple ou IBM. L’In­ter­net et ses services fonc­tion­ne­ment essen­tiel­le­ment grâce à des logi­ciels libres. On peut consi­dé­rer les fonde­ments de l’In­ter­net comme un commun, élabo­rés et gérés collec­ti­ve­ment par qui veut, pour autant qu’il en est les compé­tences ; en revanche sa réali­sa­tion maté­rielle (fibres optiques, serveurs, etc.) est large­ment contrô­lée par des grands groupes privés et les états.

… et en dehors

Autour de ressources dites « natu­relles ». Glanage dans les champs, les commu­naux où faire paître les bêtes , la cueillette des cham­pi­gnons dans les forêts, les ayrault en Charente qui orga­nise les usagers des rivières, etc.

Un exemple que je connais : les écluses à pois­sons. En Charente-Mari­time. Sur l’île d’Olé­ron et l’île de Ré, cette méthode de pêche tradi­tion­nelle subsiste depuis le Moyen Âge.  Une écluse à pois­sons est un long mur de pierres sèches, bâti à même la roche de la côte, présen­tant la forme d’un fer à cheval ouvert vers la plage. les écluses sont gérées et restau­rées par des équipes de codé­ten­teurs, aujourd’­hui sous le régime de conces­sions attri­buées par les Affaires mari­times. L’usage des écluses est régi par des règles strictes. Il est auto­risé à un nombre limité de codé­ten­teurs qui doivent se coop­ter. Le droit de pêche est fonc­tion de la part d’écluse : le déten­teur béné­fi­cie d’un nombre de marées propor­tion­nel à cette part. Ce droit exclu­sif s’ac­com­pagne d’un devoir d’en­tre­tien et de restau­ra­tion des murs de l’écluse. (source Wiki­pe­dia)

La remu­ni­ci­pa­li­sa­tion de l’eau à Naples : En juin 2011, à l’oc­ca­sion d’un refe­ren­dum issu d’une impor­tante mobi­li­sa­tion popu­laire à l’échelle de l’Ita­lie, les Italiens ont voté massi­ve­ment pour refu­ser la priva­ti­sa­tion (entre autre) de la gestion de l’eau. Naples fut la première mairie en Italie a consi­dé­rer l’eau comme un bien commun et à s’or­ga­ni­ser pour que le service de l’eau soit géré en dehors du marché, du profit et de la concur­rence. Qui plus est, des citoyens sont présents dans la gouver­nance au niveau de la gestion comme au niveau des propo­si­tions et du contrôle. Cette mobi­li­sa­tion a conduit au Mani­feste de Naples du mouve­ment euro­péen pour l’eau comme bien commun. Un réseau ouvert, parti­ci­pa­tif et plura­liste, ayant pour objec­tif de renfor­cer la recon­nais­sance de l’eau comme bien commun et comme droit fonda­men­tal univer­sel.

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Pour Ugo Mattei, juriste impliqué dans ces mobi­li­sa­tions des Italiens pour la défense des biens communs :

« les biens communs ne sont pas des marchan­dises, mais une pratique poli­tique et cultu­relle qui appar­tient au domaine de l’être ensemble. Il avance que les biens communs (contrai­re­ment aux biens privés) ne sont pas garan­tis par le droit face aux appé­tits des sujets écono­miques trans­na­tio­naux et appellent à leur recon­nais­sance juri­dique. »

Deux types de communs ?

Super­fi­ciel­le­ment, les communs numé­riques, « imma­té­riels », et les communs « natu­rels », maté­riels, paraissent très diffé­rents. Pour David Bollier, auteur d’un petit livre1 de réfé­rence sur ce sujet, le prin­cipe des communs n’est pas la ressource elle-même : c’est la péren­nité de la commu­nauté qui gère cette ressource, et ce sont les règles, les valeurs et l’éthique sociales spéci­fiques que cette commu­nauté met en oeuvre à cette fin. Il pour­suit :

tous les communs sont des communs de la connais­sance (même les communs natu­rels), et tout les communs ont un fonde­ment maté­riel (même les communs numé­riques ont besoin d’or­di­na­teurs, d’élec­tri­cité et autres).
tous les communs sont des communs, partagé par des usagers, chaque usager a des droits (accès à une ressour­ce­ma­té­rielle ou imma­té­rielle, co-produc­tion, etc.) comme des devoirs.

Mécon­nus, à la jonc­tion entre le maté­riel et l’im­ma­té­riel, Il existe par exemple toutes sortes de « communs éco-numé­riques », à travers lesquels des citoyens ordi­naires ou des amateurs plus ou moins éclai­rés partagent des infor­ma­tions sur les espèces d’oi­seaux ou de papillons qu’ils ont obser­vées, sur la qualité des eaux d’une rivière, ou sur les espèces inva­sives qu’ils ont repé­rées dans leur région. Ces démarches sont quali­fiées de « obser­va­tion parti­ci­pa­tive » ou de « science citoyenne » et d’une grande aide pour la recherche.

Contrai­re­ment aux biens maté­riels, les biens numé­riques ne sont pas rivaux. C’est à dire que l’usage par l’un ne remet nulle­ment en cause l’usage par l’autre, car sa repro­duc­tion a un coût margi­nal qui tend vers zéro. On pour­rait en déduire que ces communs sont « inépui­sables » or on remarque au contraire que ces nouveaux communs de la connais­sance sont fragiles car à l’ins­tar des champs qui ont été clôturé à partir du Moyen-Ages, les biens imma­té­riels peuvent faire l’objet de tenta­tives d’ap­pro­pria­tions privées notam­ment par un usages toujours plus exten­sif de de la propriété intel­lec­tuelle  (droit d’au­teur, droit des marques, droit à l’image) et de la propriété indus­trielle (brevet sur le  vivant ou les algo­rithmes et donc des idées) ;  voir aussi les enjeux autour de la libre publi­ca­tion des articles scien­ti­fiques .

Pour résu­mer

En 2009, l’at­tri­bu­tion du « prix Nobel » d’éco­no­mie à Oscar William­son et Elinor Ostrom (première femme nobé­li­sée), spécia­listes, respec­ti­ve­ment, des formes de gouver­nance et des biens communs, n’est proba­ble­ment pas un hasard. Comme le remarque l’éco­no­miste Alain Lipietz, les jurés pariaient sur le succès de la confé­rence de Copen­hague pour sauver le climat de la planète. Cette année pour la COP 21 à Paris, il n’y a pas eu de surprises …

Elinor Ostrom2 a iden­ti­fié, à partir de l’étude de nombreux exemples, huit « prin­cipes fonda­men­taux » pour la créa­tion et le main­tien d’un bassin commun de ressources :

  • les droits d’ac­cès doivent être clai­re­ment défi­nis ;
  • les avan­tages doivent être propor­tion­nels aux coûts assu­més ;
  • des procé­dures doivent être mise en place pour faire des choix collec­tifs ;
  • des règles de super­vi­sion et surveillance doivent exis­ter ;
  • des sanc­tions graduelles et diffé­ren­ciées doivent être appliquées ;
  • des méca­nismes de réso­lu­tion des conflits doivent être insti­tués ;
  • l’État doit recon­naître l’or­ga­ni­sa­tion en place ;
  • l’en­semble du système est orga­nisé à plusieurs niveaux.

Quelques remarques très rapides : effet réseau / levier. L’ex­pé­rience de Barce­lone suivie de la campagne de « Barce­lone en commun », coali­tion citoyenne qui vient de rempor­ter les élec­tions muni­ci­pales à Barce­lone. Ce ne sont pas les coopé­ra­tives à elles seules, mais bien la constel­la­tion d’in­fra­struc­tures auto­nomes dans les quar­tiers qui a fait la diffé­rence.
Michel Bauwens3 promeut la consti­tu­tion d’as­sem­blées et de chambres des communs.

La ques­tion de l’hé­gé­mo­nie, de l’Al­ter­na­tive poli­tique
Pour termi­ner en pour­sui­vant la réflexion sur la ques­tion poli­tique, je vais vous citer à nouveau David Bollier, qui exprime bien mieux les choses que moi :

Fonda­men­ta­le­ment, le para­digme des communs affirme que nous sommes capables et que nous devrions pouvoir déter­mi­ner nos propres condi­tions de vie. Nous devrions avoir l’au­to­rité d’iden­ti­fier et de résoudre les problèmes, de négo­cier avec les autres, d’in­ven­ter nos propres solu­tions, et pouvoir comp­ter sur une gouver­nance légi­time et réac­tive.
Ces prin­cipes sont au coeur même des communs – et pour­tant ils ne peuvent exis­ter que dans des espaces sociaux et poli­tiques que ni l’État ni le marché ne veulent recon­naître. De sorte que le commo­neurs doivent lutter pour obte­nir recon­nais­sance et protec­tion de leurs communs.

Pierre Dardot et Chris­tian Laval dans leur bouquin 4 consi­dère le commun comme un prin­cipe poli­tique, voire même Le prin­cipe poli­tique : qui réha­bi­lite la déli­bé­ra­tion par laquelle des hommes et des femmes s’ef­forcent de déter­mi­ner ensemble le juste, ainsi que la déci­sion et l’ac­tion qui procèdent de cette acti­vité collec­tive. Ils formulent neufs propo­si­tions poli­tiques en forme de mani­feste à la fin de l’ou­vrage :

  1. il faut construire une poli­tique des communs ;
  2. il faut oppo­ser le droit d’usage à la propriété ;
  3. le commun est le prin­cipe de l’éman­ci­pa­tion du travail ;
  4. il faut insti­tuer l’en­tre­prise commune ;
  5. l’as­so­cia­tion dans l’éco­no­mie doit prépa­rer la société du commun ;
  6. le commun doit fonder la démo­cra­tie sociale ;
  7. les services publics doivent deve­nir des insti­tu­tions du commun ;
  8. il faut insti­tuer les communs mondiaux ;
  9. il faut insti­tuer une fédé­ra­tion des communs

Enfin, comme l’écrit Coriat, qui a coor­donné la réali­sa­tion d’un ouvrage collec­tif que je vous conseille aussi : Commo­neurs de tous les pays. Unis­sez vous ! Ou plutôt (évitons d’être trop distan­cié;) Commo­neurs de tous les pays. Unis­sons vous !

Débat

Sur l’eau

Ques­tion posée sur la gestion de l’eau et l’ar­bi­trage des conflits d’ac­cès entre les diffé­rents usagers : agri­cul­teurs irri­gants , ostréi­cul­teurs, esti­vants, pécheurs,habi­tants, etc.

À-propos des logi­ciels libres.

Préci­sion sur la défi­ni­tion du libre : ne veux pas dire gratuit.

Discus­sion sur les logi­ciels libres et de leur inté­rêt pour le service public : lorsque l’argent public est dépensé une fois pour payer un logi­ciel ou un déve­lop­pe­ment infor­ma­tique, il ne devrait pas être dépensé une seconde fois par une autre collec­ti­vité pour le même produit.

Les biens communs ( Pan)

Inter­ven­tion de Françoise

Merci Thierry : tu as dit ce que nous atten­dions tous. Nous venions de donner notre part au tour­nant histo­rique concer­nant ce bien commun qu’est le climat et c’était le moment de se réjouir de cette phase : « le faire ensemble ».

Je suis inter­ve­nue pour placer cette phase dans un cycle.

Quel est ce démon qui me pousse à remon­ter vers la source au risque de faire fuir ceux qui ne parti­cipent à la discus­sion que pour être confor­tés dans ce qu’ils ont déjà compris… ??  Toujours est-il que, souvent, pour être comprise, je dois remettre l’idée sur le métier …

Alors j’y reviens : le « faire » est impor­tant, vital même, mais c’est la fin d’un cycle, qu’il faut enchaî­ner avec d’autres.

J-Louis Jolli­vet a raison de dire : « Que faire dans une assem­blée pour conci­lier maïs et eau ? » C’est trop tard ! Si l’ir­ri­guant a fait ses comptes avec les subven­tions et autres profits escomp­tés, on ne le fera pas reve­nir sur sa déci­sion.

D’où l’idée de remon­ter vers la source et de couvrir le bassin de comi­tés afin de défi­nir les besoins revus à la baisse par la volonté de sobriété puis de choi­sir les moyens de satis­faire ces besoins le plus possible dans la proxi­mité.

Tout ça en ayant à l’es­prit complé­men­ta­rité et soli­da­rité avec les voisins.
En amont du « faire » commun, il faut avoir une commu­nauté de désirs. Et on tombe sur la néces­saire distinc­tion :

  1. savoir se restreindre pour que nos désirs maté­riels n’em­piètent pas sur la part des autres (non à Hubris)
  2. savoir se libé­rer en dési­rant surtout ce qui croît dans le partage (oui à Eros).

Les 2 niveaux ne sont pas sépa­rés ex : le savoir a souvent besoin d’un support maté­riel pour se trans­mettre. Le temps aussi, diffi­cile à étirer, est en partie un facteur limi­tant… Rien n’est simple, tout se discute. Ces choix sont « cosa mentale ». La source est dans nos têtes, dans le désir ou non de tenir compte des autres.

Ce que je veux dire – et que tu dis aussi – c’est que le bien commun est un proces­sus : sentir un besoin > dési­rer et imagi­ner > discu­ter > faire. Ce cycle, sans cesse renou­velé, sera d’au­tant plus harmo­nieux que nous aurons une vue claire de ce qui est en jeu.
L’édu­ca­tion doit nous prépa­rer à passer du besoin impé­rieux de téter au désir inépui­sable de sourire, bouger, entendre et émettre des sons, comprendre. Pas pour exer­cer un pouvoir mais pour se relier au « premier mobile », le plus géné­ral étant aussi le plus inti­me…

Avoir conscience des biens communs, c’est les consi­dé­rer comme sacrés. Des reli­gions dogma­tiques ont semé la confu­sion. La réac­tion a été de bannir le sacré, ce qui est une muti­la­tion affreuse de notre huma­nité. Et des fana­tismes naissent de cette drama­tique carence.
Pourquoi ne pas reprendre l’idée d’un esprit traver­sant les êtres et les choses : les Grecs anciens le nommait Pan = tout. Une riche méta­phore avec sa double nature humaine et animale unie par un rire… divin !

Il paraît qu’il est dit dans le Coran que le fou rire vient de Dieu et « Islam » signi­fie « aban­don à Dieu ». Le nom de Dieu n’étant qu’af­faire de conven­tion, pas la peine de s’étri­per pour un nom !

Je propose quand même le nom d’Hu­bris pour dési­gner clai­re­ment la direc­tion vers laquelle nous refu­sons d’al­ler et je fais le voeu que l’Hu­bris de nos diri­geants se dissolve dans le fou rire de Pan ( ou d’Al­lah ou d’Elie ou… de votre Esprit !)

F. Argile

En prime, un clin d’oeil aux amis de la conf qui nous montrent le chemin : PAN, l’es­prit du tout, est d’abord le dieu des bergers et de la musique pasto­rale. Syrinx est tout à la fois le nom du roseau, de la nymphe aimée de Pan trans­for­mée en roseaux et de la flûte de roseau qui permet à Pan d’en­tendre la voix de sa bien-aimée….  Le chris­tia­nisme s’est inspiré de ce paci­fique berger pour donner forme au diable : ces bigots ne respectent rien ! Mais Pan a donné son nom à toute une famille sympa­thique : païen, paga­nisme, pays, paysage, paysan…
On l’a cru mort à l’aube du Chris­tia­nisme mais il n’était que prison­nier des griffes d’Hu­bris : console toi, Bras­sens, nous allons le faire revivre !

TP : Aujourd’­hui, le monde s’est sécu­la­risé et nous n’avons plus cette concep­tion d’une Nature sacrée. Il me semble que l’ap­proche du commun permet de réha­bi­li­ter le sujet agis­sant collec­ti­ve­ment et consciem­ment dans les champs cultu­rels, poli­tiques et écono­miques.

Réfé­rences

  1. David Biller, La renais­sance des communs : Pour une société de coopé­ra­tion et de partage, Éditions Charles Léopold Mayer , 2014, cet ouvrage est dispo­nible en libre télé­char­ge­ment sur le site de l’édi­teur
  2. Elinor Ostrom, La gouver­nance des biens communs : Pour une nouvelle approche des ressources natu­relles, De Boeck, 2010
  3. Voir Réponse de Michel Bauwens à trois ques­tions sur les assem­blées des communs  https://youtu.be/OCgq0m4q7-I 
  4. Pierre Dardot et Chris­tian Laval, Commun Essai sur la révo­lu­tion au XXIe
    siècle, La Décou­verte, 2015

Une réflexion sur « Exposé et débat sur les communs »

  1. Grand merci Thierry pour cet excellent article qui nous fait entrer dans un espace dont tu nous fais sentir  toutes les promesses.J’ai particulièrement apprécié le déroulé à partir de la distinction associant les communs à l’être et non pas à l’avoir,et de là impliquant une responsabilisation en actions communes,contre toute appropriation du marché et des Etats reconduisant la déresponsabilisation et la dépolitisation

    Bravo et merci encore

    Philippe B

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