5 décembre 2025

La famine au Soudan; toujours pire.

Famine au Soudan : le cri d’alerte des collec­tifs d’ur­gence à El Fasher

Le 25 juillet, la coor­di­na­tion des collec­tifs d’ur­gence du Darfour Nord a publié un commu­niqué aler­tant de l’état de famine géné­ra­lisé dans la ville d’El Fasher, assié­gée par la milice des Forces de Soutien Rapide. Face à la violence extrême de la situa­tion, la commu­nauté inter­na­tio­nale doit réagir immé­dia­te­ment.

Il y a quatre jours, la coor­di­na­tion des salles d’in­ter­ven­tion d’ur­gence – collec­tifs de terrain auto­gé­rés par les Souda­nais-es pour soute­nir les victimes de la guerre – a publié un commu­niqué alar­mant dans lequel elle alerte les auto­ri­tés et la commu­nauté inter­na­tio­nale du niveau extrême atteint par la famine dans la ville d’El Fasher, capi­tale du Nord Darfour. 

Depuis mai 2024, les Forces de soutien rapide (RSF), diri­gées Moha­med Hamdan Dagalo, dit Hemeti, assiègent El Fasher dans le but de s’em­pa­rer de cette ville stra­té­gique, dernier bastion au Darfour non contrôlé par les RSF. Les Forces de Soutien Rapide ont pris posses­sion de quatre des cinq États de la région. Depuis le début de la guerre, les groupes armés darfou­ris à El Fasher, alliés à l’ar­mée souda­naise régu­lière, résistent aux attaques des RSF pour empê­cher la ville de tomber aux mains de la milice. De nombreux-ses habi­tant-es ont pris les armes pour oppo­ser une résis­tance armée aux RSF.

En repré­sailles, les RSF bloquent les routes menant à la ville, empê­chant les habi­tant-es de sortir de la ville et bloquant l’ache­mi­ne­ment de l’aide huma­ni­taire. C’est cet état de siège qui a conduit la famine, déjà avan­cée au cours des derniers mois, à un niveau d’ur­gence sans précé­dent. 

Voici une traduc­tion du commu­niqué de la coor­di­na­tion des salles d’ur­gence, publiée sur les réseaux sociaux :

Décla­ra­tion urgente du Conseil de Coor­di­na­tion des Salles d’In­ter­ven­tion d’Ur­gence du Nord du Darfour – 25 juillet

Ville d’El-Fasher
À toutes les parties prenantes locales, natio­nales et inter­na­tio­nales,
Aux orga­ni­sa­tions huma­ni­taires et de secours,
À l’opi­nion publique locale et inter­na­tio­nale,

Le Conseil de Coor­di­na­tion des Salles d’Ur­gence du Nord du Darfour publie cette décla­ra­tion pour dres­ser le sombre tableau de la réalité huma­ni­taire catas­tro­phique vécue par des milliers de personnes dépla­cées et de citoyens à l’in­té­rieur de la ville d’El-Fasher.

Les niveaux d’in­sé­cu­rité alimen­taire ont atteint un seuil sans précé­dent : nos esti­ma­tions de terrain indiquent une quasi-absence des denrées alimen­taires de base, attei­gnant jusqu’à 88% de pénu­rie. La crise a dépassé le stade d’alerte pour deve­nir une véri­table tragé­die huma­ni­taire.

Les enfants et les femmes — les plus vulné­rables — souffrent d’une faim extrême. Les scènes d’éma­cia­tion et de malnu­tri­tion aiguë sont deve­nues tris­te­ment courantes dans les camps et les commu­nau­tés hôtes. Nous confir­mons avec une profonde tris­tesse que des décès dus à la faim et à la malnu­tri­tion sont déjà consta­tés — une perte irré­pa­rable et inac­cep­table.

Nous, au Conseil de Coor­di­na­tion des Salles d’Ur­gence du Nord du Darfour, suivons de près cette catas­trophe huma­ni­taire qui s’ag­grave de jour en jour. La situa­tion à El-Fasher exige une inter­ven­tion immé­diate et conti­nue, 24 heures sur 24. Tout retard signi­fie davan­tage de souf­frances et plus de pertes de vies inno­centes. Il n’y a pas de place pour la bureau­cra­tie ni pour les compli­ca­tions face à la famine.

Nous tenons les parties prenantes et les orga­ni­sa­tions huma­ni­taires pour respon­sables, mora­le­ment et éthique­ment, de répondre immé­dia­te­ment à cet appel et de prendre des mesures concrètes pour sauver ce qui peut encore l’être avant qu’il ne soit trop tard.

La salle d’ur­gence de camp de déplacé-es d’Abou Shouk, à l’ouest d’El Fasher, a égale­ment signalé l’épui­se­ment de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment en eau du camp, en raison de pénu­ries de carbu­rant ayant entraîné la ferme­ture des puits. Elle a égale­ment alerté sur la situa­tion écono­mique extrê­me­ment diffi­cile que traversent des dizaines de milliers de civils, tant dans le camp qu’à El Fasher. Selon ses données, quatre personnes meurent chaque semaine de faim parmi les personnes dépla­cées dans le camp d’Abou Shouk.

Dans un commu­niqué publié le 28 juillet, la coor­di­na­tion des comi­tés de résis­tance d’El Fasher décla­rait : « La faim nous dévore. Il n’y a plus de nour­ri­ture dans nos foyers, plus de pain sur les marchés, plus de force dans nos corps. La mort nous entoure à chaque instant. »

La région est égale­ment en proie à une épidé­mie de choléra, qui se propage du fait de la destruc­tion de plus de 80% des infra­struc­tures médi­cales à cause de la guerre. Adam Rijal, porte-parole de la coor­di­na­tion des personnes dépla­cées et réfu­gié-es, a annoncé : « Le nombre de cas de choléra au Darfour a atteint 1 195 cas, entraî­nant 19 décès ces derniers jours ». Le Darfour est un des épicentres de l’épi­dé­mie, qui frappe de nombreuses régions au Soudan.

La famine sévit aussi dans la région du Kordo­fan : selon les travailleur-euses huma­ni­taires, plus de deux millions de personnes vivent cette région, dont la moitié est désor­mais confron­tée à un risque de famine immi­nente. Jusqu’à récem­ment, cette région monta­gneuse isolée avait été rela­ti­ve­ment épar­gnée par les opéra­tions mili­taires, les combats ayant prin­ci­pa­le­ment eu lieu à Khar­toum et dans les zones centrales. Toute­fois, à partir du début de l’an­née 2025, la situa­tion s’est rapi­de­ment dété­rio­rée, et les Forces de soutien rapide ont pris le contrôle de vastes éten­dues de la région.

A travers tout le pays, les comi­tés de résis­tance dénoncent la créa­tion d’un gouver­ne­ment paral­lèle par les RSF et leur aspi­ra­tion à divi­ser le Soudan en deux pays pour prendre le contrôle de plusieurs régions. A travers les RSF, ce sont des puis­sances étran­gères (notam­ment les Emirats Arabes Unis) qui cherchent à s’em­pa­rer des terres et des ressources du Soudan. Les comi­tés de résis­tance dénoncent égale­ment le soutien mili­taire, finan­cier et diplo­ma­tique, direct ou indi­rect, de nombreux acteurs inter­na­tio­naux envers la milice, renforçant ce projet de parti­tion du pays.

Face à l’aban­don du Soudan par la commu­nauté inter­na­tio­nale des États, la coor­di­na­tion des comi­tés de résis­tance d’El Fasher appelle à la soli­da­rité inter­na­tio­nale entre les peuples : « D’El Fasher à Gaza, nous unis­sons nos voix pour dire : non à l’agres­sion, non à l’injus­tice. Nous avons le même ennemi, notre combat est le même, et nous demeu­re­rons fidèles à notre terre.  » Ce commu­niqué témoigne de leur soli­da­rité des habi­tant-es envers la popu­la­tion de Gaza, qui endure des condi­tions de vie semblables à celles des citoyen-nes d’El Fasher. Les comi­tés de résis­tance analysent les violences extrêmes commises contre les deux popu­la­tion comme une stra­té­gie néo-colo­niale par laquelle des acteurs exté­rieurs cherchent à prendre le contrôle d’un terri­toire en éradiquant et déplaçant la popu­la­tion. 

Pour soute­nir la popu­la­tion locale à El Fasher, les seuls moyens de faire pres­sion sont de mobi­li­ser les élu-es pour que la commu­nauté inter­na­tio­nale impose l’ou­ver­ture de passages de l’aide huma­ni­taire, et de faire des dons aux initia­tives de levées de fonds montées par la diaspora souda­naise en exil, qui vont direc­te­ment aux collec­tifs auto­gé­rés qui inter­viennent sur le terrain. L’une d’elle, Displa­ce­ment and Health Relief Network, montée au Canada, a pu collec­ter 10 000 dollars pour soute­nir les salles d’in­ter­ven­tion d’ur­gence d’El Fasher. Vous pouvez parti­ci­per en faisant un don sur ce lien.

Équipe de Sudfa
Traduc­tion du commu­niqué : Salah Shigaf
https://blogs.media­part.fr/sudfa/blog/290725/famine-au-soudan-le-cri-dalerte-des-collec­tifs-durgence-el-fasher

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