La crise grecque s’exacerbe de façon alarmante. Chaque jour qui passe peut, soit nous rapprocher d’un accord utile à toute l’Europe, soit d’une rupture dont personne ne peut prévoir les conséquences. L’intransigeance des principaux dirigeants européens peut nous conduire alors au bord de l’abîme. Il est aussi vital que pressant de sortir de ce piège. Le moment est crucial.
La responsabilité de chaque acteur concerné est directement engagée. Il serait sordide – et, au demeurant, parfaitement vain – d’escompter une capitulation du gouvernement grec. La fidélité de celui-ci au mandat que lui a confié son peuple n’est pas un défaut mais un exemple à suivre. S’il refuse la compromission, il s’est, en revanche, montré prêt au compromis. Une solution à la fois digne et réaliste est donc à portée de la main. Le moment ultime est venu pour la concrétiser.
C’est dans ce contexte que nous vous lançons, monsieur le président de la République, un appel solennel : la France ne peut, dans un tel moment, apparaître inerte sinon suiviste des puissants. Son message ne peut se réduire à un rappel docile des « règles » à respecter quand la maison brûle. D’autant que ces règles sont aujourd’hui massivement récusées par les peuples, et reconnues contre-productives par nombre de leurs anciens protagonistes eux-mêmes.
Aujourd’hui, alors que la crise de confiance entre les citoyens et les institutions européennes est à son comble, c’est en se montrant capable d’entendre l’exigence de justice, de dignité et de souveraineté d’un peuple debout, qu’un pays comme le nôtre sert la cause européenne bien comprise. A l’inverse, qui humilie la Grèce obère l’avenir de la construction européenne. Car le refus de l’austérité et l’aspiration démocratique sont en Europe les attentes les plus partagées.
C’est pourquoi nous attendons de vous, que vous preniez une initiative politique de nature à débloquer les négociations entre l’Eurogroupe et les autorités grecques. Nous n’évoquerons pas ici les transformations profondes à promouvoir en Europe qui font débat entre nous. L’acte urgent que nous vous demandons d’accomplir est de refuser de participer à la stratégie d’isolement de la Grèce, concernant en particulier le chantage financier et la nature des « réformes » exigées du gouvernement et du Parlement de ce pays.
Apportez un soutien explicite aux mesures saines prises par les autorités grecques, telles que celles qui s’attaquent à la crise humanitaire en Grèce, ou qui permettent enfin de lutter contre l’évasion fiscale.
Désolidarisez-vous, en revanche, nettement des exigences insoutenables de l’Eurogroupe en matière de dérégulation du marché du travail, de révision du système des retraites ou de privatisations.
Acceptez, enfin, le principe d’une renégociation de la dette grecque, dont une large part est notoirement illégitime.
Cette situation est sans précédent dans l’Union européenne. La France doit prendre la place qui est la sienne dans l’histoire, celle-ci est aux côtés du peuple grec et de son gouvernement.
Parmi les signataires :
Pierre Laurent secrétaire national du PCF, président du PGE, Pouria Amirshahi député PS, Clémentine Autain porte-parole d’Ensemble, Marie Noëlle Lienemann députée PS, Emmanuel Maurel, député PS, Guillaume Balas député européen PS, Marie-George Buffet députée GDR, André Chassaigne président du groupe GDR, Jean-Pierre Dubois militant associatif, Hervé Falciani lanceur d’alerte, Liêm Hoang Ngoc socialiste affligé, Emmanuel Maurel député européen PS, Gus Massiah mouvement social, Jean-Luc Mélenchon député européen GUE-NGL, Jean-Luc Laurent président du MRC, maire du Kremlin-Bicêtre, Isabelle Attard et Pierre Larrouturou Nouvelle donne, Aurélie Trouvé militante associative, Julien Bayou et Sandrine Rousseau (porte-parole d’EELV), Eva Joly, députée europénne EELV, Pierre Khalfa (Fondation Copernic)…
Tribune parue dans Libération, le 18 juin 2015.