Mitterrand et le Front National : 33 ans après.
Quels sont l’historique réel et les causes de la montée électorale du Front National ? (…) Curieusement, l’actuel débat politicien et médiatique oublie les origines de la montée électorale du FN. Nos articles récents « Mitterrand et le Front National : 33 ans après » (I) et (II) rappellent l’opération de promotion du Front National entreprise par François Mitterrand et le Parti Socialiste depuis 1982. Au premier tour de l’élection présidentielle de 1988, Jean-Marie Le Pen obtiendra déjà plus de quatre millions trois cent mille voix et 14.38% des suffrages exprimés.
Dès 1990, l’ouvrage Le Président de Franz-Olivier Giesbert (Editions du Seuil) rapportait ces propos de Pierre Bérégovoy : « On a tout intérêt à pousser le Front National. Il rend la droite inéligible. Plus il sera fort, plus on sera imbattables. C’est la chance historique des socialistes ».
Sur cette politique, La main droite de Dieu d’Emmanuel Faux, Thomas Legrand et Gilles Perez, Seuil 1994, expose les résultats d’une enquête détaillée. Un extrait du chapitre L’ombre de l’Elysée (partie La politique du Front fort) est accessible en ligne. Par rapport au résultat de 1988, il ne faudra à Jean-Marie Le Pen qu’une progression modérée (quatre millions huit cent mille voix et 16.86% des suffrages exprimés) pour accéder au second tour de l’élection présidentielle de 2002 au détriment de Lionel Jospin, en pleine déroute de la « gauche plurielle » désavouée par les citoyens après cinq ans de politique antisociale.
Dix ans plus tard, Marine Le Pen obtiendra au premier tour un peu plus de six millions quatre cent mille voix et 17.90% des suffrages exprimés. En vingt-quatre ans, les candidats du Front National aux élections présidentielles ont donc connu une progression d’environ 50% en nombre de voix par rapport au résultat de 1988 qui avait été le produit direct du « coup de pouce » initial reçu de François Mitterrand et du Parti Socialiste.
Le rejet populaire des politiques des différents gouvernements a été de toute évidence à l’origine de cette montée progressive, sauf pour les élections de 2007 où François Bayrou s’était présenté comme un candidat de rupture et prétendument « révolutionnaire ». En réalité, la promotion du FN par Mitterrand et le Parti Socialiste a accompagné la mise en place progressive d’une politique opposée à celle annoncée dans les années 1970 avec la propagande de l’Union de la Gauche. Sous François Mitterrand et Jacques Delors, la « gauche » française deviendra un exécutant zélé, et un promoteur actif, de la mondialisation du capitalisme et de la politique des instances européennes.
[la suite, sur le lien http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2015/03/27/mitterrand-et-le-front-national-33-ans-apres-iiii-50774.html ]
et pour rappel : http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2015/03/02/mitterrand-et-le-front-national-33-ans-apres-i-50718.html
(…) Quel est à présent le bilan de l’aventure politique qui a fait suite à ce soutien médiatique apporté par une certaine « gauche » gouvernementale au Front National ? L’objectif de Mitterrand et du PS étant d’empêcher la « droite » de récupérer le mécontentement populaire engendré par leur politique.
Trente-trois ans après, le dernier sondage sur la montée électorale prévisible du FN n’est pas une vraie surprise pour la presse internationale.The New York Times Magazine analysait il y a deux semaines : « France’s ultranationalist fringe party isn’t so fringe anymore ». Il y a une semaine, Reuters rapportait notamment « France’s National Front seen leading local elections: poll ». Ce week-end, The Independent écrivait explicitement « Rise of the French far right: Front National party could make sweeping gains at this month’s local elections ». De même, la semaine dernière El Mundo commentait « El Frente Nacional se confirma como primer partido de Francia ». Le 2 mars, avec le titre « El avance de los populismos », La Región n’hésite pas à comparer le Front National avec Syriza. Hier, El Temps s’interrogeait sur l’actuelle « Efervescència nacionalista ». L’auteur se demandait d’emblée « ce que peuvent avoir en commun » des mouvements comme le FN, Syriza, Ukip, Podemos… Une question devenue de plus en plus fréquente, sous des formes diverses. Dans un article intitulé « Roma, Lega in piazza con CasaPound. « Vaffa » di Salvini a Renzi e Fornero », Corriere della Sera rapporte « E’ stato letto dal palco anche un messaggio della presidente del Fronte Nazionale francese Marine Le Pen ».
Mais comment a-t-on pu en arriver à une telle situation de crise politique où, partout en Europe, le discrédit des partis « de gouvernement » actuels et précédents ne cesse de s’aggraver ? Une chose paraît évidente : l’amertume et la colère populaires après trois décennies de mondialisation à outrance et de politique musclée des représentants du capitalisme est en passe d’atteindre un seuil critique. Quels que soient les partis qui récupèrent à présent (et jusqu’à quand ?), sur le plan électoral, cette détresse croissante des populations.
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Mitterrand et le Front National : 33 ans après (II)
Mars 2015: En réalité, le contenu de la campagne lancée par le gouvernement et le Parti Socialiste contre le FN vise, au-delà de cette organisation et de ses dirigeants, le rejet populaire d’une politique clairement antisociale. (…) Certes, le FN récupère sur le plan électoral une partie de cette détresse générale, mais la source des problèmes que rencontre le Parti Socialiste auprès d’une majorité croissante de la population est bien plus profonde et résulte de sa propre stratégie. Ce n’est pas par une campagne apparemment dirigée contre le Front National mais essayant de tout amalgamer dans la pratique, que le gouvernement parviendra à persuader les citoyens du bien-fondé de sa politique et de celle de l’Union Européenne. (…)
Et quelle a été l’origine historique de la montée progressive du Front National, si ce n’est la volonté de François Mitterrand et du secteur dominant de la « gauche » de l’époque ? Encore un calcul politicien. Notre article « Mitterrand et le Front National : 33 ans après (I) » rappelle l’opération de promotion du FN lancée par François Mitterrand et le Parti Socialiste depuis 1982
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