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antifascisme / Extrême droite / Presse

Le Monde. Comment les idées d’ex­trême droite se sont bana­li­sées dans le monde intel­lec­tuel français

pascal bpar pascal b6 juillet 2024
« Lextrême-droite française gagne la bataille des écrans » Cynthia Fleury
« Comment les idées d’ex­trême droite se sont bana­li­sées dans le monde intel­lec­tuel français » Le Monde, 5–7. Extraits

Enquête La propa­ga­tion conti­nue des idéo­lo­gies ultra­con­ser­va­trices et néoréac­tion­naires dans l’es­pace public depuis une ving­taine d’an­nées explique pourquoi une partie des intel­lec­tuels média­tiques inclinent vers le Rassem­ble­ment natio­nal et renoncent désor­mais au front répu­bli­cain.

La période d’ex­trême tension poli­tique accen­tue le senti­ment de confu­sion idéo­lo­gique. Vendredi 28 juin, à deux jours du premier tour des élec­tions légis­la­tives, lors desquelles la France peut bascu­ler à l’ex­trême droite pour la première fois depuis le régime de Vichy (1940–1944), l’es­sayiste Alain Finkiel­kraut devait donner une confé­rence au Cercle de Flore, l’es­pace de rencontres de l’Ac­tion française, à Paris. (…)

« Le juif n’est plus un ennemi pour l’ex­trême droite, confirme l’his­to­rien Laurent Joly, spécia­liste de la France de Vichy. L’en­nemi qui ronge le pays de l’in­té­rieur pour ce courant, c’est le musul­man. » Mais, précise l’au­teur de Nais­sance de l’Ac­tion française (Gras­set, 2015), le mouve­ment monar­chiste reste profon­dé­ment « révi­sion­niste », au sens où « il consi­dère que le maré­chal Pétain fut un “bouclier” qui sauva des juifs français, au mépris de la vérité histo­rique ».

(…)  Toute­fois, le rappro­che­ment, et parfois même le bascu­le­ment, d’une partie du monde intel­lec­tuel français vers les idées d’ex­trême droite est un long proces­sus, qui s’est accé­léré depuis une ving­taine d’an­nées. Dans Le Rappel à l’ordre (Seuil, 2002), l’his­to­rien des idées Daniel Linden­berg (1940–2018) esti­mait que cette inflexion prove­nait de la « libido réac­tion­naire » et de la « levée géné­rale des tabous »portées au tour­nant des années 1990–2000 par des intel­lec­tuels souvent venus de la gauche. Dans sa post­face de 2016, il écri­vait qu’elle s’était trans­for­mée en une véri­table « révo­lu­tion conser­va­trice ». Mais, dès 1981, l’écri­vain Alain de Benoist, alors rédac­teur en chef de Nouvelle cole, quali­fiait la « guerre cultu­relle » occi­den­ta­liste qu’il voulait mener de « gram­scisme de droite »

(…)Les intel­lec­tuels d’ex­trême droite ont pris le temps de comprendre pourquoi la gauche était cultu­rel­le­ment domi­nante depuis Mai 68 et les mouve­ments d’éman­ci­pa­tion des années 1970. Ils ont veillé à ne plus se canton­ner aux offi­cines confi­den­tielles,(…) Non sans compli­ci­tés jour­na­lis­tiques, ils se sont engouf­frés dans les émis­sions de commen­taires où s’est répan­due leur idéo­lo­gie réac­tion­naire. Et les médias du milliar­daire défen­seur de l’Oc­ci­dent chré­tien Vincent Bolloré sont arri­vés, accen­tuant un mouve­ment qui avait déjà commencé.

« L’ex­trême droite ne gagne pas la bataille des idées, elle gagne la bataille des “écrans”, qu’ils soient télé­vi­suels ou ceux des réseaux sociaux », d’au­tant que « le mode algo­rith­mique privi­lé­gie la bina­ri­sa­tion et la radi­ca­li­sa­tion », précise la philo­sophe Cynthia Fleury. « Comment voulez-vous que les gens qui pensent “s’in­for­mer” en regar­dant des chaînes foca­li­sées sur le trai­te­ment des faits divers, des crimes, des catas­trophes, etc., ne soient pas enclins à croire des partis dont le fonds de commerce consiste à les exploi­ter pour alimen­ter des discours sécu­ri­taires qu’ils présentent comme des programmes poli­tiques ? », se demande l’his­to­rien Gérard Noiriel. (…)

 Des conver­gences idéo­lo­giques se sont opérées et une « extrême droite “de gauche” », comme le dit le philo­sophe Jacques Rancière dans Les Trente Inglo­rieuses (La Fabrique, 2022), s’est peu à peu instal­lée. La bataille idéo­lo­gique de l’ex­trême droite a en effet consisté à capter des grandes valeurs démo­cra­tiques et de gauche en les vidant de leur substance éman­ci­pa­trice et univer­sa­liste. Ainsi, « la Répu­blique est deve­nue syno­nyme de l’ordre et de l’au­to­rité ; l’Etat social est devenu l’Etat natio­nal réservé aux autoch­tones ; la laïcité a été lestée d’un contenu “civi­li­sa­tion­nel” anti­mu­sul­mans. En somme, l’iden­ti­ta­risme réac­tion­naire s’est niché au cœur du socle qui fait le “commun” de la Répu­blique », relève Serge Audier.

« Toute une partie de la gauche a sous-estimé la constance de cette droite contre-révo­lu­tion­naire », insiste le poli­tiste Laurent Jean­pierre, qui a notam­ment dirigé, avec Chris­tophe Charle, La Vie intel­lec­tuelle en France. Tome 2 (Seuil, 2016). Par paresse ou dédain, nombre d’in­tel­lec­tuels progres­sistes n’ont pas été curieux du ressort idéo­lo­gique de ces propa­gan­distes du déclin. (…) L’his­to­rien des idées Daniel Linden­berg fut l’un des premiers à en repé­rer l’émer­gence, notam­ment chez des roman­ciers tel Michel Houel­le­becq.

Jacques Rancière a montré comment l’an­cienne critique du commu­nisme s’est muée en une critique de l’in­di­vi­dua­lisme démo­cra­tique (La Haine de la démo­cra­tie, La Fabrique, 2005) ; les histo­riens des idées François Cusset et Serge Audier ont montré les ressorts d’un vaste « contre-Mai 68 » ; dans Réci­dive (PUF, 2018), le philo­sophe Michaël Fœssel a réflé­chi aux échos contem­po­rains de l’an­née 1938 ; et, dans Le Venin dans la plume (La Décou­verte, 2019), Gérard Noiriel a établi les corres­pon­dances entre le pamphlé­taire anti­sé­mite et raciste Edouard Drumont (1844–1917) et Eric Zemmour, qui « légi­time une forme de délinquance de la pensée ». Mais l’alerte ne fut jamais vrai­ment prise très au sérieux. Et, peu à peu, tous les étages de la fusée se sont agen­cés : des jour­na­listes, des écri­vains, des humo­ristes, des spor­tifs ou des cuisi­niers ont rejoint les partis de la réac­tion française.

La droite extrême, par contre, a lu les auteurs de gauche. Président de l’ins­ti­tut de sondage PollingVox, direc­teur de la forma­tion des cadres au RN et actuel­le­ment en campagne dans la première circons­crip­tion des Hautes-Alpes, Jérôme Sainte-Marie fut sans doute l’un des arti­sans les plus actifs de ce retour­ne­ment. (…)

 D’un côté, un bloc quali­fié d’éli­taire, libé­ral, bobo et mondia­liste ; de l’autre, un bloc popu­laire consi­déré comme péri­phé­rique, local et patriote natio­nal. Une vision de la France « d’au­tant plus puis­sante que le clivage entre ouver­ture et repli carac­té­ri­sait aussi l’idéo­lo­gie macro­niste qui pensait ainsi dispo­ser d’une rente élec­to­rale », pour­suit Serge Audier. C’est ainsi que, sur le plan idéo­lo­gique, le RN a su trou­ver sa colonne verté­brale. D’au­tant que, en ciblant au moins autant Jean-Luc Mélen­chon que Marine Le Pen, toute une partie de l’in­tel­li­gent­sia a changé de diable.

((…)Cela dit, pour­suit Gérard Noiriel, dans les années 1930, l’ex­trême droite anti­dé­mo­cra­tique « ne cher­chait pas à prendre le pouvoir par les urnes ». Le carac­tère inédit de la situa­tion dans laquelle nous sommes, explique l’au­teur de Préfé­rence natio­nale (Galli­mard, collec­tion « Tracts » no 55, 64 pages, 3,90 euros), c’est que, « pour la première fois dans l’his­toire de la France, il est possible que l’ex­trême droite accède au pouvoir d’Etat par la voie élec­to­rale ».

(…)«  Emma­nuel Macron n’est pas un rempart au RN, mais une passe­relle, déclare au contraire l’his­to­rien des idées François Dosse. Il a contri­bué à bana­li­ser ses idées. »(…) Emma­nuel Macron juge désor­mais le programme du Nouveau Front popu­laire « tota­le­ment immi­gra­tion­niste », a-t-il déclaré lors des commé­mo­ra­tions du 84e anni­ver­saire de l’ap­pel du 18 juin. Comme le fait remarquer François Dosse, « c’est le mot employé par Jean-Marie Le Pen et tous les idéo­logues de l’ex­trême droite consa­crés par Le Figaro, d’Eric Zemmour à Ivan Riou­fol ».

Dans une tribune parue le 21 juin dans Libé­ra­tion, l’his­to­rien Patrick Bouche­ron, profes­seur au Collège de France, estime qu’« Emma­nuel Macron est sorti de l’his­toire ». Ou bien il y rentrera « pour y occu­per la place la plus infâme qui soit en Répu­blique, celle des diri­geants ayant trahi la confiance que le peuple leur a accor­dée en ouvrant la porte à l’ex­trême droite, d’abord en parlant comme elle »(…) Frédé­rique Vidal, alors ministre de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche, annonçant, le 14 février 2021, dili­gen­ter une enquête sur l’« islamo-gauchisme à l’uni­ver­sité », ou bien du ministre de l’édu­ca­tion natio­nale Jean-Michel Blanquer, assu­rant dans un colloque à la Sorbonne, en janvier 2022, que le « wokisme » était un « virus » auquel il fallait trou­ver le « vaccin ».(…)

Si le RN parvient au pouvoir, « un certain nombre d’in­tel­lec­tuels de droite, mais aussi de gauche, porte­ront une grave respon­sa­bi­lité », prévient Serge Audier, notam­ment en raison de « la guerre cultu­relle quoti­dienne pour accu­ler l’en­semble de la gauche et des écolo­gistes dans un statut de mino­rité clivante, bobo, islamo-gauchiste, woke, etc. ».(…)

La gauche n’est pas non plus épar­gnée dans ses respon­sa­bi­li­tés. Histo­rien de l’im­mi­gra­tion, Gérard Noiriel trouve « symp­to­ma­tique » que « le cri d’alarme » lancé il y a une ving­taine d’an­nées par le philo­sophe améri­cain Richard Rorty (1931–2007) ait été « complè­te­ment ignoré chez nous ». Celui-ci crai­gnait que « le ressen­ti­ment qu’é­prouvent les Améri­cains peu instruits à l’idée de se voir dicter leurs manières par les diplô­més univer­si­taires » abou­tisse à l’élec­tion d’un « homme fort qui remet­trait en cause les acquis dans la lutte contre les discri­mi­na­tions, le sexisme et le racisme »,écri­vait-il en 1998. (…)

 La préca­ri­sa­tion et le senti­ment de déclas­se­ment des classes popu­laires sont des ferments puis­sants. (…) En résumé, une partie des Français ne votent pas à l’ex­trême droite simple­ment parce qu’ils sont éloi­gnés d’un pôle de santé, mais aussi parce que certains d’entre eux sont animés par un puis­sant rejet de l’étran­ger.

L’un des points d’orgue de la confu­sion préci­pi­tée par la disso­lu­tion de l’As­sem­blée, c’est celui d’une partie des intel­lec­tuels français juifs prêts à voter pour le RN. Le retour­ne­ment le plus saisis­sant est sans doute celui de Serge Klars­feld. (…) l’an­cien leader du Front natio­nal qui expliquait en 1987 que les chambres à gaz étaient « un point de détail » de l’his­toire de la seconde guerre mondiale.  (…)

Justi­fiant son choix, Serge Klars­feld dit aujourd’­hui que le RN est devenu « philo­sé­mite » et que « les musul­mans ne mani­festent pas leur atta­che­ment à la France ». Pour­tant, remarque Régis Debray, « depuis l’af­faire Drey­fus, les juifs sont ancrés à gauche. Et une partie de mes amis, que je consi­dé­rais comme parti­sans de l’uni­ver­sel, semblent s’être repliés, face aux attaques, sur leur parti­cu­la­risme ». Si la recru­des­cence de l’an­ti­sé­mi­tisme est indé­niable depuis l’at­taque terro­riste du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, « elle doit nous aler­ter mais pas nous faire oublier le massacre en cours à Gaza appuyé par l’ex­trême droite israé­lienne », explique Régis Debray. (…) Il signale qu’il a voté de son côté NFP.

(…)

(…) Sans doute ne faut-il pas mino­rer ce « trans­cen­dan­tal pétai­niste de la France », analysé par le philo­sophe Alain Badiou, qui consiste à impu­ter une crise morale natio­nale à un événe­ment éman­ci­pa­teur : 1789 pour les contre-révo­lu­tion­naires, le Front popu­laire pour Pétain, Mai 1968 pour la droite extrême d’aujourd’­hui. Sans doute convient-il égale­ment de rappe­ler, avec l’his­to­rien israé­lien Zeev Stern­hell (1935–2020), que le parti de la famille Le Pen incarne « le refus des valeurs intel­lec­tuelles et morales des Lumières françaises ». Contrai­re­ment à ce que disait Marx, l’his­toire ne se répète pas toujours sous la forme d’une farce. Il est encore temps d’em­pê­cher cette étrange défaite et, afin d’évi­ter une nouvelle trahi­son des clercs, toujours possible de sortir d’un « ni-ni » morti­fère.

Nico­las Truong

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