Nous nous étions inquiétés du flou que le texte du congrès [organisé du 7 au 10 avril à Marseille (Bouches-du-Rhône)] entretenait sur les choix stratégiques du Parti communiste français [PCF]. Prônant vaguement l’union à gauche, sans proposer ni stratégie, ni cadre précis, ni contenu, ce texte évitait en effet soigneusement d’évoquer la Nouvelle Union populaire écologique et sociale [Nupes] autrement que pour insister sur ses limites.
Mais nous étions loin d’imaginer que Fabien Roussel, déclarant la Nupes « dépassée », se tournerait avec empressement vers les « naufragés du hollandisme » (L’Express du 3 avril), à l’image de Bernard Cazeneuve, qui, comme premier ministre, conserva jusqu’au bout et sans le moindre repentir depuis, le cap d’une gauche aussi sécuritaire qu’austéritaire. Un virage stratégique confirmé par ce dernier qui fait même état de rencontres visant à l’union des gauches « responsables » (Le Parisien du 4 avril).
On comprend mieux pourquoi le très centriste Parti radical de gauche, qui avait soutenu Fabien Roussel à la présidentielle, a annoncé rejoindre M. Cazeneuve dès l’annonce de son mouvement, début mars. Qui peut croire sérieusement que ce dernier pourrait devenir le militant de la lutte contre le capitalisme ? Les véritables arêtes d’un débat de congrès jusqu’ici réduit à un très caricatural « pour ou contre Fabien Roussel » se révèlent brutalement : ce qui est à l’ordre du jour du Parti communiste, c’est donc un changement d’alliances politiques. Renonçant ainsi à situer les forces visant la rupture avec le capitalisme au cœur du rassemblement de la gauche, nous basculerions désormais sur un axe politique privilégiant le centre gauche voire le social-libéralisme. Ce serait là un étrange reniement qui, loin de conduire à un élargissement, ouvrirait la voie à de nouvelles déconvenues électorales.
Un coup de théâtre antidémocratique
Au moment même où l’entêtement présidentiel nourrit à la fois une colère noire dans le pays et l’impatience d’une extrême droite qui sent son heure venue, il serait tout à fait irresponsable de jeter la Nupes avec l’eau du bain, seule capable de porter ici et maintenant une alternative progressiste crédible.
Cela tournerait le dos à l’aspiration unitaire très forte qui s’exprime dans le mouvement contre la réforme des retraites, aspiration à laquelle les forces de la Nupes ont jusqu’ici su répondre en organisant, partout en France, des centaines de réunions publiques et de meetings communs.
Ce serait en outre un véritable coup de théâtre antidémocratique puisque le texte de base commune discuté par les communistes ne mentionne pas une telle orientation, qui déboule dans le débat public alors même que l’ensemble des conférences de section ou départementales se sont déjà prononcées.
Certes, la Nupes rencontre des difficultés réelles. Raison de plus pour porter une proposition politique de nature à ouvrir un espace qui, en plus des quatre partis qui constituent la Nupes, permettrait à tant d’énergie, d’initiatives, de dynamiques sociales, culturelles, féministes, climatiques, pacifiques et citoyennes d’écrire ensemble une nouvelle page d’espoir.
L’intelligence des dirigeants syndicaux offre à la France un formidable mouvement de résistance. La gauche politique devrait en prendre de la graine et se hisser à ce niveau de responsabilité.
Le congrès de Marseille doit être un moment de clarification. Le Parti communiste serait bien inspiré de mettre en débat une proposition politique radicalement moderne visant le changement de société.
Liste des signataires : Hugo Blossier, Nicole Borvo, Patrice Cohen-Séat, Anaïs Fley, Frédérick Genevée, Vanessa Ghiati, Fabienne Haloui, Robert Injey, Isabelle Lorand, Frank Mouly, François Salamone, Pascale Soulard, membres ou ex-membres du conseil national du Parti communiste français (PCF).