« Les attaques contre la gauche au nom de l’an­ti­sé­mi­tisme mettent les juifs et juives en danger

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« Nous dénonçons l’of­fen­sive contre la gauche, et parti­cu­liè­re­ment ses courants les plus porteurs de ruptures, menée à partir de l’ac­cu­sa­tion d’an­ti­sé­mi­tisme. » Un ensemble de person­na­li­tés et de collec­tifs dénonce une campagne de délé­gi­ti­ma­tion et rappelle quelques faits. « Le plus grand danger pour les Juifs et Juives, comme pour toutes les mino­ri­tés oppri­mées, c’est l’ex­trême droite. »

 

Nous dénonçons l’of­fen­sive contre la gauche, et parti­cu­liè­re­ment ses courants les plus porteurs de ruptures, menée à partir de l’ac­cu­sa­tion d’an­ti­sé­mi­tisme.L’an­ti­sé­mi­tisme, comme toutes les formes de racisme, struc­ture notre société entière et traverse tous les groupes sociaux et poli­tiques. Mais face à la campagne de délé­gi­ti­ma­tion en cours, il faut rappe­ler quelques évidences et quelques faits :

Le prin­ci­pal danger pour les Juifs et Juives, comme pour toutes les mino­ri­tés raciales, c’est l’ex­trême droite, hier comme aujourd’­hui.

Le RN a choisi, pour essayer d’ac­cé­der au pouvoir, de mettre son anti­sé­mi­tisme consti­tu­tif sous le tapis, pour construire une alliance fondée avant tout sur l’is­la­mo­pho­bie, le racisme anti­arabe, la négro­pho­bie, l’an­tit­zi­ga­nisme. Mais l’an­ti­sé­mi­tisme n’est pas seule­ment au fonde­ment histo­rique de l’ex­trême droite française, il en est égale­ment une dimen­sion contem­po­raine profonde.

L’his­toire ouver­te­ment anti­sé­mite de l’ex­trême droite française n’y est jamais reniée. Chaque jour on découvre un nouveau candi­dat, un nouvel homme de main, de nouveaux groupes clai­re­ment anti­sé­mites asso­ciés au RN.

Le programme élec­to­ral du RN comporte plusieurs mesures qui sont à la fois isla­mo­phobes et anti­sé­mites : l’in­ter­dic­tion des menus de substi­tu­tion sans porc dans les cantines scolaires ; l’in­ter­dic­tion totale (produc­tion et impor­ta­tion) de la viande halal ou casher en France ; l’in­ter­dic­tion du foulard et de la kippa dans tout l’es­pace public…

Plus profon­dé­ment encore, toute la vision du monde de l’ex­trême droite repose sur l’an­ti­sé­mi­tisme : la dénon­cia­tion des “mondia­listes” et des “élites cosmo­po­lites”, qui struc­ture son discours, vient puiser direc­te­ment dans l’ima­gi­naire complo­tiste et anti­sé­mite.
Plus encore, il ne fait pas de doute que l’ac­cès au pouvoir de l’ex­trême droite déchaî­ne­rait un défer­le­ment de haine et de violences racistes envers toutes les mino­ri­tés du pays, y compris envers les Juifs et Juives. L’an­ti­sé­mi­tisme cultu­rel y prédis­pose, les grou­pus­cules néona­zis n’at­tendent qu’un signal.

Le camp de Macron et de Darma­nin n’a aucune leçon à donner à personne, ni sur le racisme en géné­ral, ni sur l’an­ti­sé­mi­tisme en parti­cu­lier.

Toute sa poli­tique est marquée par le racisme, contrai­re­ment à ce que la première campagne prési­den­tielle de Macron avait pu lais­ser croire : couver­ture des violences poli­cières racistes, loi sépa­ra­tisme isla­mo­phobe, disso­lu­tion d’as­so­cia­tions musul­manes ou de lutte contre le racisme, expul­sion d’imams, perqui­si­tions massives, compli­cité avec le géno­cide contre les Pales­ti­nien-ne-s, poli­tiques anti-migrants de harcè­le­ment, d’ex­ter­na­li­sa­tion meur­trière des fron­tières, trans­for­mant la Médi­ter­ra­née, la Manche ou les Alpes en cime­tières, gestion colo­niale des terri­toires colo­ni­sés et des quar­tiers popu­laires, etc.

Macron et Darma­nin ont fait plus pour norma­li­ser l’an­ti­sé­mi­tisme que n’im­porte quel mili­tant d’ex­trême droite. Macron a voulu réha­bi­li­ter Pétain, ce « grand soldat » ; il a utilisé Maur­ras et son « pays réel/pays légal » comme réfé­rence ; Darma­nin a loué la poli­tique antijuive de Napo­léon pour en faire un modèle pour sa poli­tique contre les musul­mans, disant qu’il « s’in­té­ressa à régler les diffi­cul­tés touchant à la présence de dizaine de milliers de juifs en France. Certains d’entre eux pratiquaient l’usure et faisaient naître troubles et récla­ma­tions ». Etc.

Les mani­fes­ta­tions de soutien aux commu­nau­tés juives orga­ni­sées par le pouvoir relèvent encore d’une mise à part, d’une extrac­tion du corps natio­nal qui marque un proces­sus de raci­sa­tion et qui nous met en danger : la marche contre l’an­ti­sé­mi­tisme de novembre (dont l’ap­pel et les contours portaient des dimen­sions isla­mo­phobes et de soutien à la poli­tique du gouver­ne­ment israé­lien), la céré­mo­nie de Hanouka à l’Ély­sée en contraste total avec les poli­tiques isla­mo­phobes, la dissy­mé­trie entre la valeur accor­dée aux vies israé­liennes et aux vies pales­ti­niennes…, tout cela concourt à expo­ser les Juifs et Juives comme allié.es du pouvoir et revient à nous instru­men­ta­li­ser à des fins racistes. Cela relève en réalité encore d’une forme indi­recte d’an­ti­sé­mi­tisme.

Aucune force parti­ci­pant au Nouveau Front Popu­laire ne porte un programme poli­tique anti­sé­mite, aucune ne défend des mesures contre les Juifs et Juives, ou de projet de société anti­sé­mite.

L’an­ti­sé­mi­tisme est une forme de racisme qui struc­ture les socié­tés occi­den­tales. Comme racisme systé­mique, cultu­rel, il traverse l’en­semble du champ poli­tique français. La gauche n’en est pas par nature immu­ni­sée, des erreurs et des fautes y sont parfois commises et elle n’est pas toujours à la hauteur dans ce combat. Mais il faut souli­gner que ces manque­ments ne sont pas spéci­fiques à l’an­ti­sé­mi­tisme : c’est le cas pour toutes les oppres­sions systé­miques.

Il existe ainsi, envers diverses compo­santes de la gauche, des critiques légi­times, et parfois très lourdes, sur d’autres formes de racisme (en parti­cu­lier sur l’is­la­mo­pho­bie), sur le fémi­nisme, les luttes LGBT, l’anti-vali­dis­me…
Reste que c’est dans ce camp poli­tique que ces combats trouvent le plus d’écho, de soutiens et de conver­gence de valeurs. Car le cœur de la gauche c’est le combat pour l’éga­lité.

Loin de l’in­ver­sion accu­sa­toire en cours qui voudrait faire de la gauche, ou de ses compo­santes les plus porteuses de ruptures, l’es­pace poli­tique qui porte­rait le plus de dangers pour les Juifs et Juives, il faut rappe­ler que ce camp est celui du projet de l’éman­ci­pa­tion, de l’éga­lité, de la soli­da­rité.

Cette instru­men­ta­li­sa­tion de l’an­ti­sé­mi­tisme pour discré­di­ter la gauche de rupture et les soutiens des droits de Pales­ti­niens met véri­ta­ble­ment les Juifs et Juives en danger. Elle utilise les Juifs et Juives à des fins poli­ti­ciennes, sans consi­dé­ra­tion des condi­tions réelles de notre sécu­rité et de nos droits. Elle nour­rit l’an­ti­sé­mi­tisme et elle relève elle-même d’une démarche anti­sé­mite.

Aujourd’­hui, le soutien à Israël semble faire office de substi­tut à la lutte contre l’an­ti­sé­mi­tisme. Il faut rappe­ler que les moti­va­tions des soutiens à Israël peuvent être très diverses. L’an­ti­sé­mi­tisme peut en faire partie, dans une logique de sépa­ra­tion et de chacun chez soi, qui fait des Juifs des étran­gers par essence partout ailleurs qu’en Israël. En iden­ti­fiant la cause des Juifs et Juives à la défense d’Is­raël, ce dévoie­ment de la lutte contre l’an­ti­sé­mi­tisme est extrê­me­ment dange­reux.

Cette instru­men­ta­li­sa­tion géné­rale, ce dévoie­ment de la lutte contre l’an­ti­sé­mi­tisme, amènent à ce que beau­coup de gens ne comprennent plus rien à ce qu’est l’an­ti­sé­mi­tisme et au combat contre cette forme de racisme. La dilu­tion et la déna­tu­ra­tion de l’im­pu­ta­tion d’an­ti­sé­mi­tisme fragi­lisent le combat à mener. Cette surex­po­si­tion des Juifs et Juives à des fins poli­ti­ciennes est angois­sante et inquié­tante.

La lutte contre le système raciste et contre chacune des formes de racisme doit se pour­suivre, se renfor­cer, de manière auto­nome. Contre l’an­ti­sé­mi­tisme, nous devons déve­lop­per la forma­tion et les rapports de forces pour :

  • faire prendre conscience de la profon­deur et de l’am­pleur de l’an­ti­sé­mi­tisme dans notre culture, et refu­ser tout ce qui l’ali­mente ou le mini­mise ;
  • faire comprendre et analy­ser la nature de l’an­ti­sé­mi­tisme comme racisme stuc­tu­rel, avec ses parti­cu­la­ri­tés, sans pour autant le mettre à part et encore moins au-dessus des autres oppres­sions ;
  • iden­ti­fier les groupes et les dyna­miques sociales et poli­tiques qui portent le déve­lop­pe­ment de l’an­ti­sé­mi­tisme, en parti­cu­lier comme réponse complo­tiste à la domi­na­tion du système capi­ta­liste ;
  • construire des mobi­li­sa­tions et des temps collec­tifs pour réagir aux violences anti­sé­mites sur des bases anti­ra­cistes et donc anti­co­lo­niales, pour dépas­ser les obstacles aux alliances néces­saires pour combattre le système raciste, les domi­na­tions et l’ex­ploi­ta­tion.

Reste que le plus grand danger pour les Juifs et Juives, comme pour toutes les mino­ri­tés oppri­mées, c’est l’ex­trême droite. Macron et sa bande ne sont en rien une alter­na­tive, car ils empruntent des pans entiers du programme et des idées de l’ex­trême droite.

Sur le plan élec­to­ral, seule la gauche aujourd’­hui rassem­blée sous la bannière du Nouveau Front popu­laire, peut contrer ce danger. Il faudra pour­suivre le travail anti­ra­ciste en profon­deur. Mais pour les semaines qui viennent, défendre les Juifs et Juives et toutes les mino­ri­tés oppri­mées, c’est soute­nir et déve­lop­per le Nouveau Front Popu­laire.

Premiers signa­taires (la liste complète est à retrou­ver ici et pour signer c’est là) :

  • Simon ASSOUN, TSEDEK!
  • Manon BOLTANSKY, NPA – L’An­ti­ca­pi­ta­liste
  • Rony BRAUMAN, Méde­cin, essayiste (ex président de MSF)
  • Eléo­nore BRONSTEIN, De-Colo­ni­zer
  • Aaron COHEN-YANAY, Oy Gevalt
  • Sonia DAYAN-HERZBRUN, Socio­logue Profes­seure émérite à l’Uni­ver­sité Paris Cité, Survi­vante du Géno­cide des Juifs d’Eu­rope
  • Sonia FAYMAN, UJFP, ATL Jenine
  • Gérard HADDAD, Auteur psycha­na­lyste
  • Samuel HAYAT, Sud Recherche
  • Nadav JOFFE, TSEDEK!
  • Naruna KAPLAN DE MACEDO, Cinéaste
  • Adam LALOUM, TSEDEK!
  • Olivier LEK LAFFERRIÈRE, Coor­di­na­tion natio­nale de l’UJFP, anima­teur de forma­tions anti­ra­cistes sur l’an­ti­sé­mi­tisme
  • Debo­rah LETER, TSEDEK!
  • Gustave MASSIAH, Écono­miste alter­mon­dia­liste
  • Sophie MENDELSOHN, Psycha­na­lyste, autrice
  • Domi­nique NATANSON, Anima­teur du site Mémoire juive et Éduca­tion, porte-parole de l’UJFP
  • Béatrice ORÈS, Coor­di­na­tion natio­nale de l’UJFP
  • Nitzan PERELMAN, Docto­rante en socio­lo­gie, blog Yaani
  • Mathieu RIGOUSTE, Cher­cheur et mili­tant
  • Cathe­rine SAMARY, Membre de l’UJFP, du NPA, mili­tante fémi­niste alter­mon­dia­liste
  • Jean-Marc SCHIAPPA, Histo­rien
  • Daniel SHAPIRA, POI
  • Michèle SIBONY, UJFP
  • Bernard SIRKIS, Syndi­ca­liste
  • Eyal SIVAN, Cinéaste
  • Joan STAVO-DEBAUGE, Socio­logue

 

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