Voici un communiqué de Ensemble!, un du Syndicat des avocats de France et deux autres références .
Communiqué de Ensemble ! daté du 24 octobre
« Manifestations de « policiers en colère »: une menace contre la démocratie. »
La semaine passée a vu l’émergence de « policiers en colère », des manifestations de nuit de policiers dont la plupart étaient en service, certains armés et/ou masqués. Le déclencheur en a été l’embuscade de Viry-Châtillon où des policiers ont été gravement blessés. « Ensemble! » condamne cette agression.
Le malaise existant parmi les policiers en raison des politiques d’austérité, de la « recherche du chiffre », élevées en principe suprême par la présidence Sarkozy, poursuivies par François Hollande, des conditions de travail liées notamment aux prescriptions sécuritaires décidées par la hiérarchie, est compréhensible.
Mais cela ne peut pas faire oublier que la police, en tant qu’appareil de coercition armée ne saurait être considérée comme un service public comme un autre et bénéficie de l’impunité pour les violences commises contre des populations victimes de discriminations racistes, le mouvement social de ce printemps ou les mobilisations écologistes. Le contraste est d’ailleurs saisissant avec la mansuétude du gouvernement envers les « policiers en colère » qui défilent de nuit sans autorisation au mépris d’un état d’urgence qu’ils ont revendiqué.
Ce mouvement, concernant une minorité de policiers, est d’abord porté, légitimé, par le discours dominant dans l’espace politique en France : sécuritaire, réactionnaire et raciste . Si elles sont alimentées par des revendications corporatistes, les manifestations réclament particulièrement l’absence du moindre contrôle juridique sur les actes de la police et prônent une vision ultra-répressive de l’action policière et judiciaire. Or ce n’est pas à certains policiers, ni même à la police comme institution, de décider quelle doit être la politique pénale, mais à la société dans son ensemble, et ce démocratiquement.
Alors que le gouvernement a procédé à un tournant sécuritaire, qui, sous couvert d’antiterrorisme, remet en cause l’Etat de droit, ces manifestations, en se situant sur le terrain de l’extrême droite et la droite extrême, constituent une menace anti-démocratique. D’autant plus que la présidence Hollande est en voie de décomposition. Pour ces raisons, « Ensemble! » appelle à la plus grande vigilance et à la constitution d’un front de défense des droits démocratiques et au combat antiraciste.
Au-delà, « Ensemble! » propose qu’un grand débat associant toutes les organisations démocratiques, du mouvement ouvrier et de l’écologie permette de discuter des fondamentaux des politiques de sûreté publique. La tranquillité de toutes et tous ne pourra être réelle qu’en mettant fin à l’insécurité sociale, aux oppressions racistes et sexistes et la construction d’un lien social renouvelé permettant l’implication populaire. »
Le 24 octobre 2016.
Ce communiqué a été suivi, quelques jours plus tard, d’un article faisant un historique de certaines relations entre policiers, extrême-droite et truands.
https://www.ensemble-fdg.org/content/police-et-extreme-droite-un-melange-explosif
La conclusion sur notre époque est :
« Aujourd’hui, l’hégémonie du FN sur l’ensemble de l’extrême-droite est telle que son influence chez les policiers a été mesurée par divers instituts de sondage à environ 37% des intentions de vote. Les pratiques de provocation n’ont pas cessé et tant dans les manifestations contre l’aéroport de Notre Dame des Landes, que dans celles contre la loi El Khomri, on a pu voir de policiers en civil, sans signes distinctifs, infiltrer les cortèges. Côté officines barbouzardes, il faut maintenant regarder vers les sociétés privées de sécurité et leurs liens avec les grands flics de la Sarkozye, comme le montre l’affaire Squarcini.
Dans la situation politique complexe, mouvante, de cette fin d’année, les manifestations nocturnes de policiers, qui mêlent besoin de reconnaissance, revendications corporatistes et relents anti-démocratiques doivent nous inciter à être toujours plus vigilants. »
Le communiqué du Syndicat des avocats de France est , lui aussi,cinglant :
http://lesaf.org/insurrection-policiere-democratie-en-danger/
« Depuis plusieurs jours et plusieurs nuits, les policiers défilent dans les rues sans déclaration préalable, pour certains cagoulés, voire avec leurs véhicules de fonctions, leurs insignes et parfois leurs armes de service. Depuis le 25 octobre 2016, ils ont choisi de se rassembler devant les Palais de Justice à l’appel de certains de leurs syndicats (ALLIANCE, UNSA).
Ni le caractère dramatique de l’événement déclencheur de ce mouvement, ni les difficultés avérées des conditions de travail de nombre de policiers, ne rendent acceptable cette volonté désormais officielle d’intimider l’institution judiciaire.
Les revendications portant sur les moyens matériels (commissariats, voitures, équipements de protection) ou sur les conditions de travail (RTT, congés, sous-effectifs, paie), laissent place à une explosion des revendications politiques à l’égard, notamment, de la magistrature, taxée de faire preuve de « tolérance, complaisance, laisser-aller, laxisme », mais également à l’égard des avocats, « complices de ce laxisme ».
Au mépris de l’indépendance nécessaire de la Justice et de la séparation des pouvoirs, ces actions ont manifestement pour objectif d’exercer une pression en faveur d’une politique pénale toujours plus répressive et d’inciter le gouvernement à brider davantage la magistrature.
Contrairement aux affirmations policières, les statistiques, les chiffres record de la surpopulation pénale, montrent que l’institution judiciaire n’est pas, épargnée par cette tendance sécuritaire et fait au contraire preuve d’une surdité grandissante aux questions sociétales à l’égard desquelles le tout carcéral serait l’unique et utile réponse.
Au demeurant, le rôle de la justice n’est pas de tenter d’apaiser une soif inextinguible de répression et de vengeance, que se plait à aviver l’extrême droite sous toutes ses formes.
Face à cela, les politiques ne semblent avoir d’autre réaction que de se montrer tolérants, compréhensifs, et de se contenter d’assurer que les auteurs d’actions contre les policiers seront sévèrement punis. Cette attitude du pouvoir, oublieuse notamment de ce que le Président de la République est constitutionnellement le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire (article 64 de la Constitution), est symptomatique du glissement des gouvernants vers une logique de jusqu’au-boutisme sécuritaire.
Le fait que ces réactions policières surviennent peu de jours après qu’ait fuité la phrase du Président de la République sur les magistrats interroge également sur le positionnement du premier d’entre eux.
Quand certains tracts, laissés sur les murs des tribunaux, proclament « Policiers agressés – République en danger », il est utile de rappeler que si les agressions de policiers mettent en danger les policiers, et affectent le maintien de l’ordre, ce sont les manifestations illégales de policiers et leur tentative d’intimidation de toute l’institution judiciaire qui mettent, elles, en danger la Démocratie et l’Etat de droit. »
Dans Mediapart du 28 octobre, un texte collectif, « Contre le coup de force. Non à l’impunité policière et au droit de tuer »est publié.
On y lit un rappel utile de morts sous des balles policières.
le 26 octobre 2013, Rémi Fraisse, « jeune étudiant écologiste tué par une grenade de gendarme à Sivens il y a deux ans, tout simplement parce qu’il manifestait contre un projet de barrage qui n’est même plus, aujourd’hui, considéré comme d’« intérêt public ».
27 octobre 2005 « est un autre jour de deuil, celui de la mort à Clichy de Zyed et Bouna »,
Et les noms de Amine Bentousi, d’ Amadou Koume, et d’ Adama Traoré, suivent.
Ils concluent:
« les responsables sont protégés, et les victimes stigmatisées. L’histoire malheureusement se répète, mais notre mémoire est intacte ».
Et par cet autre rappel fort utile de ce qui s’annonce :
« La répression de masse qui s’annonce à Notre-Dame-des-Landes rivalisera ainsi avec la chasse aux migrant.e.s calaisien.ne.s, dispositifs quasi-militaires à l’appui. »