Sur le site national d’Ensemble:
Derrière la grève des médecins libéraux, le lobby des cliniques privées lucratives et des groupes financiers est à l’offensive.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir les partisans de la santé marchandisée lucrative monter au créneau contre le projet de loi santé de Marissol Touraine.
En effet, ce projet s’inscrit totalement dans les pas de la loi HPST de Roselyne Bachelot, mettant en place les ARS, organisant la nouvelle gouvernance hospitalière, sans aucune remise en cause de la tarification à l’activité, fer de lance de l’hôpital-entreprise, et mettant en place le partage de l’activité entre privé et public sous prétexte de coopération. On sait ce que cela donne déjà dans certaines villes : l’opération chirurgicale et les actes rémunérateurs dans le privé les soins postopératoires dans le public.
La nouvelle définition du service public hospitalier contenue dans ce projet de loi ne désigne plus les établissements publics de santé. Par une véritable entourloupe sémantique, ce terme désigne maintenant les prestations de santé offertes, qui pour être considérées comme publics doivent théoriquement répondre à une série de critères, mais qui pour les cliniques privées peuvent faire l’objet de compensations. Cela permet ainsi d’écrire tranquillement que le service public hospitalier peut être mis en œuvre par….des cliniques privées.
L’offensive actuelle de la Fédération de l’hospitalisation privée vise à pousser l’avantage et à faire effacer toutes différences entre public et privé, sauf sur les tarifs évidemment. L’objectif sera d’obtenir que, quelques soient les tarifs pratiqués, on ne parle plus que d’établissements de santé et, qu’à ce titre, les cliniques privées rebaptisées par la FHP ‘’entreprise de santé ‘’ obtiennent un financement pour des missions de service public ! Tout cela au nom de l’égalité du droit des malades à choisir son médecin, alors que dans la réalité, ce sont les cliniques qui choisissent les pathologies, les malades et les activités jugées rentables.
Ce projet de loi santé contient bien quelques intentions qui seraient bonnes si elles étaient rendues un peu concrètes et ne faisaient pas figure de vœux pieux.
Par exemple, l’article 2 qui parlent de l’importance de la prévention, notamment des jeunes en milieu scolaire, et l’article 3 sur la contraception d’urgence. Le seul problème, c’est que l’état désastreux du système de santé scolaire avec une pénurie de professionnels notamment de médecins laisse pour le moins songeur sur la mise en œuvre.
Le principal point sur lequel la ministre insiste et fait sa communication concerne le projet de tiers payant à généraliser. C’est également le point qui suscite le plus de réactions parmi les médecins libéraux.
Le tiers-payant, cela veut dire que lors d’une consultation pour le malade, il n’y a plus paiement de la consultation puis, ensuite, remboursement, mais c’est la Sécurité Sociale et la complémentaire qui payent directement le médecin.
Pour les malades, cela évite l’avance des frais, du moins pour ceux qui ont la Sécu et une complémentaire.
Le problème se complique quand on sait qu’il y a plusieurs régimes de Sécu et surtout, des centaines de complémentaires. Le dispositif risque fort d’être une usine à gaz ingérable et fort complexe.
Il faut dire que cette complexité est délibérément organisée pour effacer la frontière entre Sécu et complémentaires et pour camoufler le recul progressif de la place de la Sécurité Sociale universelle, au profit des complémentaires assurantielles, machines à dividendes pour leurs actionnaires, offrant des prestations variables selon le contrat choisi et à l’avenir selon l’entreprise ou la branche professionnelle depuis les accords de l’ANI.
La droite médicale libérale mobilise sur plusieurs aspects.
‘’De profession libérale nous devenons petits fonctionnaires : ça s’est fait lentement durant ces 40 dernières années, en quelques mois nous allons revivre une forme de bolchevisme, en pire. Bon courage mes amis ! »
C’est le genre de commentaires aussi méprisants que cocasses que l’on peut lire dans les forums de réactions du très libéral Quotidien du médecin qui se fait l’agent actif de la grève annoncée pour début 2015.
Et puis, surtout pour certains médecins libéraux pratiquant des dépassements d’honoraires, cela ferait apparaitre clairement auprès du malade-client le reste à charge non remboursé. Le dépassement d’honoraires, il faudra bien le lui faire payer directement.
Cette situation met en évidence les contradictions du système : la première étant celle de la persistance du paiement à l’acte qui, d’une part constitue un frein au développement de la coordination des soins en réseaux, à la prévention ou à l’éducation sanitaire et, d’autre part est tendanciellement générateur d’actes inutiles.
La deuxième contradiction, c’est la complexité des différents dispositifs de remboursements, variables selon les types de contrats ou la situation de l’assuré. On peut citer en exemple les prestations des mutuelles d’entreprises qui sont suspendues en cas de congé parental.
Une réponse immédiate s’impose : interdiction des dépassements d’honoraires, pour le tiers-payant un seul interlocuteur pour les médecins : la Sécurité Sociale. C’est d’ailleurs le point de vue défendu par le Syndicat de la Médecine Générale.
– Pour une Sécurité Sociale prenant en charge à 100%, vers l’extinction-intégration dans la Sécurité Sociale des complémentaires ce qui simplifierait le système et surtout garantirait effectivement que la santé et la protection sociale sont un bien public qui ne peut être laissé aux intérêts financiers privés.
– Pour un service public de santé composé d’établissements publics avec des personnels de statut public garantissant la proximité et l’accès aux soins dans des délais raisonnables.
– A plus long terme, c’est vers la mise en place d’un vrai réseau de centre de santé sur tout le territoire qui sera à construire.
C’est notamment ce que propose le front thématique santé du Front de Gauche.
Roland Foret, le 21 décembre 2014.