Notre orien­ta­tion anti­ra­ciste

  1. Intro­duc­tion

La société française est marquée par une recon­fi­gu­ra­tion poli­tique, idéo­lo­gique, cultu­relle profonde, traduc­tion des consé­quences de son inser­tion au sein de la mondia­li­sa­tion capi­ta­liste et des boule­ver­se­ments majeurs que celle – ci entraîne.

Dans ce contexte, le racisme est un des éléments fonda­men­taux de la stabi­lité du système capi­ta­liste en France où les solu­tions libé­rales font l’objet d’un rejet assez large. Ainsi, pour nous, le racisme n’est pas un faux problème selon une concep­tion étroite de la trans­for­ma­tion sociale. Au contraire, l’an­ti­ra­cisme est un des éléments centraux de toute stra­té­gie de combat contre le capi­ta­lisme.

Le symp­tôme le plus évident de la recon­fi­gu­ra­tion en cours est la résur­gence de la théma­tique de « l’iden­tité natio­nale » au sein de la droite française. La victoire de François Fillon à la primaire de la droite porte un projet natio­nal conser­va­teur, sous la pres­sion d’un Front Natio­nal enra­ciné qui déve­loppe son influence sur le terrain des idées.

À gauche, la crise idéo­lo­gique profonde qui la divise est accen­tuée par l’émer­gence d’un courant parti­san d’une répu­blique auto­ri­taire et de l’ordre, repré­senté par Manuel Valls, qui n’hé­site pas à vouloir contes­ter à la droite le thème de l’iden­tité et face auquel il est néces­saire d’op­po­ser une concep­tion alter­na­tive

Cette évolu­tion du paysage poli­tique s’ap­puie sur des tendances de fond qui travaillent la société française :

  • Les consé­quences des poli­tiques libé­rales : dégra­da­tion des condi­tions de vie, casse des collec­tifs de travail, chômage et préca­rité, accen­tua­tion des inéga­li­tés entre terri­toires, entre les « centres » et les « péri­phé­ries »…
  • C’est aussi une réac­tion conser­va­trice face à une trans­for­ma­tion en profon­deur de la société française. En effet, la popu­la­tion française est diverse, multi­cul­tu­relle, multi reli­gieuse, en parti­cu­lier grâce à la place prise par les descen­dant.es des popu­la­tions issues de l’im­mi­gra­tion et de la colo­ni­sa­tion
  • La société française est égale­ment marquée par l’in­ca­pa­cité à recon­naître offi­ciel­le­ment la réalité du colo­nia­lisme de l’État français, à construire un récit commun pour l’en­semble des citoyens du pays

Des faits plus récents ces dernières années ont accen­tué ces cris­pa­tions « iden­ti­taires » :

  • La crise des migrant.es qui a divisé l’Union euro­péenne inca­pable de rompre avec la poli­tique sécu­ri­taire et répres­sive pour permettre un accueil digne et humain des réfu­gié.es qui fuient les guerres, le terro­risme et la misère
  • Le trau­ma­tisme des atten­tats terro­ristes reven­diqués par Al Qaeda et l’État Isla­mique en 2015 et 2016

La période que nous traver­sons est marquée par ces atten­tats qui ont impacté profon­dé­ment l’opi­nion publique. Même si on peut noter qu’ils ne l’ont pas encore fait bascu­ler, ils renforcent le rejet isla­mo­phobe et la haine raciale, font monter encore un peu plus le vote d’ex­trême-droite (et de droite) qui portent le mieux ces volon­tés d’ex­clu­sions. La stra­té­gie que les terro­ristes djiha­distes comme Al Qaeda ou Daech portent est de pous­ser à la guerre civile pour forcer la majo­rité des « musul­mans » où présu­més tels  à les rejoindre. Notre ferme condam­na­tion des atten­tats parti­cipe de notre combat anti­ra­ciste.

  1. Les diffé­rents types de racisme

La conver­gence de ces diffé­rents phéno­mènes a entraîné ces dernières années une résur­gence des diffé­rentes formes de racisme, de discours réac­tion­naires. Tous les actes rele­vant de ces diffé­rents types de racisme doivent être égale­ment condam­nés quel qu’en soient les auteurs. Ces diffé­rents types de racisme ont des ressorts et des spéci­fi­ci­tés. Ils s’en­ra­cinent dans la mise en concur­rence des peuples à l’échelle mondiale. Certains racismes ont des dimen­sions insti­tu­tion­nelles liés à la construc­tion de la société française. Comprendre leur spéci­fi­cité sans les hiérar­chi­ser est néces­saire pour les combattre tous effi­ca­ce­ment. Nous refu­sons les logiques de divi­sion qui opposent les luttes les unes aux autres et renforcent le senti­ment de « deux poids / deux mesures ».

  • La persis­tance de la xéno­pho­bie et la haine des étran­gers : elles se sont accrues notam­ment ces dernières années vis-à-vis des travailleurs d’Eu­rope de l’Est (le « plom­bier polo­nais », le Rrom qui n’au­rait pas sa place en Fran­ce…) suite à l’élar­gis­se­ment de l’UE et à la mise en concur­rence accrue des sala­rié.es. La crise des migrant.es (Syriens, Irakiens, Afghans, Erythréens…) à laquelle l’Eu­rope est confron­tée a renforcé cette tendance
  • Le racisme anti noir et anti arabe qui peut viser des étran­gers mais surtout, et de façon systé­mique, les citoyens français concer­nés. Profon­dé­ment ancré dans la société française, ses insti­tu­tions, il consti­tue un sous-produit de la colo­ni­sa­tion, qui consi­dé­rait les peuples domi­nés comme infé­rieurs. Le racisme anti noir (aussi dénom­mée « négro­pho­bie » par certaines asso­cia­tions même si ce terme suscite des désac­cords) est renforcé par l’hé­ri­tage de l’es­cla­vage et de la traite massive qui reste encore insuf­fi­sam­ment reconnu aujourd’­hui. Le carac­tère insti­tu­tion­nel se mani­feste notam­ment par l’im­pu­nité vis-à-vis du contrôle au faciès et des violences poli­cières qui consti­tuent un trait parti­cu­liè­re­ment saillant à partir duquel des mobi­li­sa­tions peuvent émer­ger.
  • Le rejet des musul­mans, de l’Is­lam, le refus de recon­naître la place de cette reli­gion, des citoyens qui la pratiquent, dans la société française, a pris ces dernières années des propor­tions de plus en plus impor­tantes. Cette isla­mo­pho­bie (terme qui ne doit pas empê­cher la critique des courants et discours réac­tion­naires se récla­mant de l’Is­lam) fait fonc­tion aujourd’­hui d’un racisme « légi­time », respec­table, qui est défendu ouver­te­ment par une partie de la classe poli­tique (du FN, à l’UMP, jusqu’à une partie de la gauche). Des mesures gouver­ne­men­tales (décret Chatel sur l’in­ter­dic­tion des mamans voilés sur les sorties scolaires, arrê­tés anti burkini) insti­tu­tion­na­lisent ces discri­mi­na­tions.
  • Contre les Rroms se déve­loppe un racisme décom­plexé, spéci­fique, les mettant au banc de la société. Ouver­te­ment mépri­sés et reje­tés, invi­si­bi­li­sés et déshu­ma­ni­sés, ils sont privés de nombreux droits élémen­taires. Leur rejet est reven­diqué par des respon­sables poli­tiques de premier plan comme Nico­las Sarkozy (dans le discours de Grenoble) ou Manuel Valls. Les « gens du voyage » subissent égale­ment des discri­mi­na­tions du même type.
  • L’an­ti­sé­mi­tisme qui se redé­ve­loppe aujourd’­hui comporte plusieurs dimen­sions : un anti­sé­mi­tisme tradi­tion­nel de l’ex­trême droite française (mani­fes­ta­tion « Jour de Colère »), un complo­tisme qui réha­bi­lite les préju­gés anti­sé­mites des « juifs proches du pouvoir, de l’argent, des médias » et utilise souvent, comme chez Dieu­donné et Soral, une pseudo critique d’Is­raël et un pseudo anti­sio­nisme pour avan­cer leurs idées réac­tion­naires, tour­nant en déri­sion la Shoah. Une vision défor­mée du conflit pales­ti­nien entraîne parfois un rejet global des « juifs » assi­mi­lés à l’État d’Is­raël. Dans la jeunesse, notam­ment celle subis­sant un déclas­se­ment social, un échec scolaire ou profes­sion­nel ou des discri­mi­na­tions, le senti­ment existe que les « juifs » seraient favo­ri­sées. Enfin est apparu ces dernières années un anti­sé­mi­tisme meur­trier prêt à assas­si­ner des juifs au nom de l’idéo­lo­gie réac­tion­naire du terro­risme djiha­diste ou de leur préten­due richesse (Assas­si­nat d’Ilan Halimi).
  • Le racisme contre les asia­tiques moins pris en charge par les forces de gauche et du mouve­ment social, consti­tue une réalité crois­sante. Les agres­sions que subissent notam­ment les personnes d’ori­gine chinoise vivant en France sont en recru­des­cence, parfois asso­ciée à la menace écono­mique que repré­sente la puis­sance chinoise en plein essor. Il est néces­saire de prendre au sérieux les problèmes spéci­fiques que rencontrent les asia­tiques et français d’ori­gine asia­tique de 2ème géné­ra­tion et de cher­cher avec eux des solu­tions concrètes qui permettent de répondre à leurs diffi­cul­tés concrètes et inquié­tudes, tout en produi­sant de la soli­da­rité dans les quar­tiers.

D’autres formes de racisme et de discri­mi­na­tions peuvent exis­ter. Des logiques de stig­ma­ti­sa­tion peuvent égale­ment se déve­lop­per entre des personnes discri­mi­nées (comme le cas d’at­taques de camps rroms ou d’asia­tiques par des personnes issues de quar­tiers défa­vo­ri­sés). Mais nous ne recon­nais­sons pas l’idée de « racisme anti blancs ». Il se produit des actes de violences contre des personnes visées en tant que « blanc » mais cela ne consti­tue pas une réalité sociale perma­nente, systé­mique, quoti­dienne, telles que le sont les diffé­rentes formes de racisme qui travaillent la société française.

  1. Combat contre le racisme, pour l’éga­lité et l’uni­ver­sa­lité de l’hu­ma­nité

Le refus de toutes les formes de racisme, la défense d’une concep­tion univer­selle de l’hu­ma­nité fait partie de la bataille idéo­lo­gique, de la construc­tion d’une nouvelle hégé­mo­nie pour une alter­na­tive poli­tique de gauche en France. Un peuple divisé en lui-même ne peut pas être une force de trans­for­ma­tion sociale. C’est une bataille poli­tique spéci­fique que la gauche aujourd’­hui doit prendre à bras le corps.

Le combat contre les diffé­rentes formes de racisme est un combat de longue haleine car elles s’en­ra­cinent dans l’his­toire longue des socié­tés, des insti­tu­tions, des États et du capi­ta­lisme mondia­lisé. Ce n’est pas seule­ment un combat contre les préju­gés mais un véri­table enjeu de société.

L’an­ti­ra­cisme que nous défen­dons parti­cipe du combat contre toutes les formes d’ex­ploi­ta­tion et d’op­pres­sion. Les divi­sions racistes au sein des classes popu­laires, la recherche de bouc émis­saire affai­blissent le combat contre la finance, le patro­nat et le capi­ta­lisme mondia­lisé. L’an­ti­ca­pi­ta­lisme n’a de sens que dans un combat systé­ma­tique contre toutes les formes de racisme. De même le combat contre le racisme va de pair avec d’autres luttes pour l’éman­ci­pa­tion et l’éga­lité comme celles pour les droits des femmes ou contre les discri­mi­na­tions sexuelles.

Le racisme – la néga­tion de l’unité de l’hu­ma­nité et de l’éga­lité entre chacun au profit d’une clas­si­fi­ca­tion et d’une hiérar­chi­sa­tion – déve­loppe aujourd’­hui de nouvelles formes. Un « racisme sans races » a pu se bana­li­ser au nom d’une hiérar­chie des cultures, des iden­ti­tés, des civi­li­sa­tions, des reli­gions… Il existe aussi aujourd’­hui une volonté de réha­bi­li­ter le discours sur les « races », aupa­ra­vant refoulé, mais qui tend à réap­pa­raître dans le discours public.

Les assi­gna­tions iden­ti­taires, reli­gieuses et raciales (la « racia­li­sa­tion des rapports sociaux ») sont des violences sociales qu’il faut recon­naître et rendre visibles pour pouvoir les combattre. Elles ne doivent pas être niées au nom d’un soi-disant univer­sa­lisme abstrait, qui refuse de prendre en compte ces réali­tés. Mais, il est néces­saire de consi­dé­rer chaque indi­vidu comme porteur d’iden­ti­tés plurielles, multiples et mouvantes. Le racisme n’est pas seule­ment une idée à combattre mais une réalité concrète pour celles et ceux qui le subissent tous les jours.

Face aux concep­tions auto­ri­taires et excluantes de la Répu­blique et contre les replis sur soi iden­ti­taires, nous agis­sons pour promou­voir une nouvelle répu­blique démo­cra­tique, sociale, accep­tant la plura­lité des cultures et à portée univer­selle. Nous agis­sons pour l’éga­lité réelle, les liber­tés indi­vi­duelles, la soli­da­rité entre les peuples.

  1. Axes de mobi­li­sa­tion

Combattre les discours et actes racistes 

La multi­pli­ca­tion des paroles ouver­te­ment racistes par les respon­sables poli­tiques, mais égale­ment par des repré­sen­tants insti­tu­tion­nels (Sarkozy sur les musul­mans, Valls sur les Roms…) ont encou­ragé la bana­li­sa­tion et la multi­pli­ca­tion des paroles et des actes racistes dans toute la société.

Dans tous les domaines, sur les lieux de travail, dans l’es­pace public, dans les médias, sur le web et les réseaux sociaux, aucune place ne doit être lais­sée à toutes formes de stig­ma­ti­sa­tion, de violence. Les expres­sions et actes anti­sé­mites, isla­mo­phobes, racistes de tout type… doivent être combat­tus, d’où qu’ils viennent.

C’est une bataille poli­tique qui doit se mener à chaque fois, en cher­chant à mobi­li­ser le plus large­ment, qui concerne les asso­cia­tions, les syndi­cats, les forces poli­tiques, qui passe autant par un travail de décons­truc­tion des discours racistes que par un travail de mobi­li­sa­tion.

Pour une égalité réelle, contre les discri­mi­na­tions insti­tu­tion­na­li­sées 

  • L’ac­cès à l’em­ploi est forte­ment marqué par les discri­mi­na­tions raciales. Le rapport L’Horty a démon­tré le poids de ces discri­mi­na­tions dans les concours de la fonc­tion publique (collec­ti­vi­tés terri­to­riales et hôpi­taux, censée être au fonde­ment de l’éga­li­ta­risme répu­bli­cain. Les personnes issues de l’im­mi­gra­tion ou habi­tant des « zones urbaines sensibles » sont péna­li­sées dans l’ac­cès à l’in­for­ma­tion, l’ac­cès à des entre­tiens et à des emplois. La multi­pli­ca­tion des emplois contrac­tuels et précaires a renforcé ces discri­mi­na­tions. L’ « ethni­ci­sa­tion » des rapports de travail qui amènent à spécia­li­ser certaines caté­go­ries de la popu­la­tion dans certains domaines d’em­plois consti­tue égale­ment une ques­tion à prendre en compte au niveau du mouve­ment social.
  • Concer­nant l’ac­cès au loge­ment, qu’il s’agisse du domaine privé ou de loge­ment social, le poids des discri­mi­na­tions a été posé dans le débat public. L’INSEE a mesuré les délais beau­coup plus longs de trai­te­ments des dossiers pour les familles issues de l’im­mi­gra­tion. Plusieurs actions judi­ciaires ont visé des bailleurs sociaux ces dernières années pour des pratiques discri­mi­na­toires vis-à-vis de personnes noires ou arabes.
  • Les discri­mi­na­tions à l’école sont moins recon­nues que celles exis­tantes sur le marché du travail ou dans l’ac­cès au loge­ment. Elles se combinent forte­ment avec les diffi­cul­tés maté­rielles que rencontrent de nombreux établis­se­ments des quar­tiers popu­laires. Pour­tant, des pratiques éduca­tives, l’orien­ta­tion entre les diffé­rentes filières éduca­tives, l’ac­cès aux stages en entre­prises sont autant de vecteurs de renfor­ce­ment des discri­mi­na­tions systé­miques qui travaillent la société française.
  • Nous défen­dons le prin­cipe d’une citoyen­neté de rési­dence et l’ex­ten­sion du droit de vote et d’éli­gi­bi­lité des étran­gers rési­dant en France aux élec­tions locales comme aux élec­tions natio­nales. La faiblesse de la parti­ci­pa­tion des citoyens qui subissent le racisme, en parti­cu­lier au Parle­ment, illustre les blocages actuels. La mise en avant de quelques « repré­sen­tants » des « mino­ri­tés visibles » ne peut compen­ser cette absence de la parti­ci­pa­tion d’une partie de la popu­la­tion à la vie citoyenne.
  • Les violences poli­cières envers les jeunes des quar­tiers popu­laires, notam­ment noirs et arabes, l’im­pu­nité poli­cière qui domine témoignent de la force du racisme qui gangrène aujourd’­hui l’ins­ti­tu­tion poli­cière. La lutte contre les contrôles au faciès a mis en lumière cette réalité. Une étude du CNRS a montré qu’à Paris, un style « jeune » multi­plie par onze le risque d’être contrôlé et celui d’être perçu comme noir ou arabe le multi­plie respec­ti­ve­ment de 6 ou 8 fois. Des mesures immé­diates sont à mettre en place : récé­pissé de contrôle d’iden­tité, péna­li­sa­tion plus forte des violences poli­cières, forma­tion des poli­ciers aux ques­tions de discri­mi­na­tion, contrôle des pratiques poli­cières par les popu­la­tions et les élu.es.

Une bataille laïque et démo­cra­tique : l’éga­lité de trai­te­ment des reli­gions

Une des ques­tions majeures qui travaille la société française aujourd’­hui tourne autour de l’ac­cep­ta­tion en son sein de l’Is­lam et des citoyens qui pratiquent cette reli­gion.

Pour nous, la laïcité qui s’ap­puie sur la loi de 1905 orga­nise la liberté de conscience et la coexis­tence paci­fique des croyant.es et des non-croyant.es. Elle est l’une des condi­tions rendant possible une société réel­le­ment égali­taire. Elle contri­bue à surmon­ter les tenta­tives de divi­sion entre les diffé­rentes caté­go­ries d’op­primé.es et d’ex­ploité.es. Elle suppose la neutra­lité de l’État et des services publics afin de garan­tir l’éga­lité de trai­te­ment des citoyen.nes et des usagers, mais elle ne doit pas viser à mettre les reli­gions « hors de l’es­pace public ».

Il faut sortir de la spirale morti­fère qui empoi­sonne les débats en France depuis des années. Il faut apai­ser les ques­tions reli­gieuses pour redon­ner toute leur place aux ques­tions démo­cra­tiques et sociales. L’Is­lam en France doit être traité à égalité des autres reli­gions. Cela veut dire le droit de construire ses propres lieux de cultes, rendre possible les carrés musul­mans dans les cime­tières, en finir avec les débats stig­ma­ti­sant sur le « halal ».

Défendre le droit de chaque citoyen de pouvoir vivre selon sa reli­gion n’im­plique nulle­ment de ne pas mener égale­ment la critique des oppres­sions légi­ti­mées au nom de reli­gions.

Les discours reli­gieux qui déve­loppent une certaine vision de la société sont porteurs de visions poli­tiques conser­va­trices, basées sur la soumis­sion (ou la « complé­men­ta­rité ») entre les hommes et les femmes, le refus du droit des femmes à dispo­ser de leurs corps (droit au travail, à l’édu­ca­tion, à l’avor­te­ment, à une sexua­lité libre­ment choi­sie). La polé­mique sur les « ABCD de l’éga­lité » à l’école en consti­tue un exemple récent.

Ces dernières années, le dogma­tisme reli­gieux a visé égale­ment des œuvres d’art, des spec­tacles, au détri­ment de la liberté cultu­relle qu’il faut défendre sans relâche. Si les discours diffa­ma­toires, racistes, atten­ta­toires à la dignité humaine doivent être condam­nés, nous refu­sons toute idée de « péna­li­sa­tion du blas­phème » qui restrein­drait la liberté d’ex­pres­sion et de critique des reli­gions.

Concer­nant la ques­tion du port du voile, elle a pris ces dernières années une dimen­sion irra­tion­nelle dans la société française. Elle est trop souvent instru­men­ta­li­sée par des hommes et femmes poli­tiques pour dési­gner des boucs émis­saires. Les attaques racistes et isla­mo­phobes visant parti­cu­liè­re­ment des femmes n’ont rien à voir avec la laïcité ou les droits des femmes.

Les mères d’élèves qui portent le voile doivent pouvoir accom­pa­gner les sorties scolaires. La circu­laire Chatel doit être abro­gée. Nous sommes ferme­ment oppo­sées au projet de certains diri­geants de droite d’in­ter­dire le port du voile dans les univer­si­tés. Les arrê­tés anti burkini, que certains maires ont impo­sés pendant l’été 2016 montrent la logique de suren­chère de certains courants poli­tiques qui poussent à la multi­pli­ca­tion des agres­sions contre les femmes qui portent le voile.

Combattre les conser­va­tismes reli­gieux, qu’ils soient chré­tiens, musul­mans, juifs…, qui renforcent les rapports de domi­na­tion des hommes sur les femmes, ne peut se faire en dési­gnant systé­ma­tique­ment les citoyen.nes de confes­sion musul­mane comme des étran­ger.es à la société française. Les pres­sions sociales ou d’ins­ti­tu­tions reli­gieuses exigeant des femmes qu’elles portent le voile consti­tuent un moyen de perpé­tuer des rapports de domi­na­tion entre hommes et femmes que nous combat­tons. Mais les choix des femmes qui portent le voile renvoient à une diver­sité de situa­tion. Et aujourd’­hui les droits des femmes sont mena­cés par le sexisme et le machisme « décom­plexés », la montée en puis­sance des discours réac­tion­naires et la marchan­di­sa­tion du corps de femmes. Et ce n’est pas en stig­ma­ti­sant les femmes qui portent le voile, que ce combat néces­saire progres­sera.

Répondre à la crise des migrants 

La crise des « migrants » qui a touché l’Union euro­péenne a exacerbé les tensions et les rejets dans les popu­la­tions. Le choix du gouver­ne­ment français de n’ac­cueillir qu’une poignée des popu­la­tions qui fuient les guerres, le terro­risme, la misère consti­tue une véri­table honte, alors que les poli­tiques euro­péennes (notam­ment à travers les Accords de Parte­na­riat Écono­mique et le soutien aux régimes auto­ri­taires) portent une lourde respon­sa­bi­lité. En 2015, l’UE a accueilli 360 000 réfu­giés sur 1 million de demandes et la France en a accueilli seule­ment 25 000. Dans le même temps, certains pays au Magh­reb ou au Moyen Orient sont confron­tés à l’ac­cueil de plusieurs millions d’hommes et de femmes. Par compa­rai­son, en 1979, la France accueillait plus de 120 000 réfu­giés viet­na­miens et cambod­giens. Aujourd’­hui, ce sont les calculs poli­ti­ciens qui dominent alors que des moyens beau­coup plus impor­tants existent pour pouvoir accueillir ces popu­la­tions digne­ment.

  • Des éner­gies existent, dans les popu­la­tions, les asso­cia­tions, à l’échelle des communes, qui se regroupent en réseau de « villes soli­daires » pour permettre un accueil correct des migrants
  • Il faut rompre avec les poli­tiques répres­sives françaises et euro­péennes, les marchan­dages avec le régime turc, la volonté de s’ap­puyer sur les régimes auto­ri­taires locaux pour conte­nir les popu­la­tions
  • Il faut enga­ger une autre poli­tique euro­péenne à l’échelle médi­ter­ra­néenne qui mette au premier plan les exigences de coopé­ra­tion, de démo­cra­tie, de respect des popu­la­tions plutôt que de faire préva­loir les logiques de préda­tion écono­mique et de répres­sion

Pour une histoire à parts égales 

Les ques­tions « mémo­rielles » sont deve­nues ces dernières années un enjeu du débat poli­tique. Les respon­sables poli­tiques n’ont pas à établir la vérité histo­rique qui relève du travail auto­nome, plura­liste, des histo­riens. Mais ils ont une respon­sa­bi­lité dans la construc­tion d’un discours commun, dans la coexis­tence des histoires multiples que portent aujourd’­hui les socié­tés de plus en plus mondia­li­sées, dans le refus de la concur­rence des mémoires et du néga­tion­nisme.

Cela passe en parti­cu­lier par plusieurs leviers :

  • Le refus de la réduc­tion des programmes scolaires à une vision idéo­lo­gique de l’his­toire de France, au profit d’une approche ouverte, contra­dic­toire, inté­grant la diver­sité des cultures des reli­gions
  • Une poli­tique d’ou­ver­ture des archives de l’état français qui doivent permettre de recon­naître les respon­sa­bi­li­tés de notre société dans les évène­ments majeurs de l’his­toire récente (colo­ni­sa­tion, guerre d’Al­gé­rie, poli­tique étran­gère française notam­ment en Afrique)
  • Une poli­tique commé­mo­ra­tive permet­tant de construire une histoire parta­gée de toutes les compo­santes qui consti­tuent la société française.
  1. Cons­truire les luttes anti­ra­cistes

Le combat contre le racisme concerne l’en­semble des forces du mouve­ment social, asso­cia­tions, syndi­cats, partis de gauche. Aujourd’­hui, la réalité des asso­cia­tions et des mouve­ments anti­ra­cistes est très divi­sée. La gauche en France a trop souvent consi­déré cette ques­tion comme une ques­tion « secon­daire », « qui divise les sala­riés »… Pour déve­lop­per plei­ne­ment cette bataille, la mobi­li­sa­tion auto­nome des premiers concer­nés, de celles et ceux qui subissent racismes et discri­mi­na­tions est un enjeu essen­tiel.

Nous défen­dons la pers­pec­tive d’un large front anti­ra­ciste contre toutes les formes d’op­pres­sions et de discri­mi­na­tions. Travailler à cette conver­gence ne s’op­pose pas au déve­lop­pe­ment de luttes spéci­fiques. Nous refu­sons les logiques de divi­sion qui opposent les luttes les unes aux autres et renforcent le senti­ment du « deux poids deux mesures ». Nous refu­sons toute hiérar­chi­sa­tion des diverses formes de racisme. Il ne faut pas mettre en oppo­si­tion les initia­tives, mais démul­ti­plier les cadres, les campagnes et travailler à les faire conver­ger, non pas abstrai­te­ment mais à partir du rythme réel de déve­lop­pe­ment de ces mobi­li­sa­tions à une échelle large. À propos de ces luttes spéci­fiques contre telle ou telle mani­fes­ta­tion de racisme ou d’an­ti­sé­mi­tisme, nous cher­chons à rassem­bler le plus large­ment possible. Les seules exclu­sives à mettre concernent des courants qui diffusent la haine de l’autre.

Nos combats anti­ra­cistes doivent, bien évidem­ment, prendre en compte les autres oppres­sions spéci­fiques, celles concer­nant les femmes et les homo­sexuels notam­ment.

Des points d’ap­puis existent dans la société française :

  • Si le discours média­tique domi­nant, se foca­lise sur les violences, les agres­sions, certaines situa­tions laissent appa­raître le refus de la stig­ma­ti­sa­tion des boucs émis­saires (réac­tion après le discours de Grenoble de Sarkozy en 2010 contre les Rroms…)
  • Face à la crise des migrant.es, il existe une majo­rité silen­cieuse favo­rable à l’ac­cueil des migrant.es en France (sondage réalisé par Amnesty en mai 2016 : 82% de français.es favo­rables à l’ac­cueil des migrant.es ; 63 % pensent que le gouver­ne­ment devrait en faire plus)
  • La mobi­li­sa­tion des collec­tifs de sans-papiers, des travailleurs sans papiers, ou des réseaux comme RESF, et des asso­cia­tions des popu­la­tions issues de l’im­mi­gra­tion ont consti­tué égale­ment des moments déci­sifs pour faire appa­raître les inté­rêts communs entre l’en­semble des classes popu­laires et des jeunes du pays.
  • Au-delà des néces­saires réac­tions d’in­di­gna­tion morale (face à des agres­sions, des violences) c’est à travers l’ex­pé­rience de la mobi­li­sa­tion, et notam­ment de la mobi­li­sa­tion de ceux qui subissent les racismes et les discri­mi­na­tions que peut se déve­lop­per un large front anti­ra­ciste.
  • Ces derniers mois la mobi­li­sa­tion contre l’État d’ur­gence, suite aux atten­tats du 13 novembre a permis de faire conver­ger, à l’ini­tia­tive de la LDH, un large spectre d’as­so­cia­tions, syndi­cats, et de forces poli­tiques qui consti­tue un point d’ap­puis impor­tant pour l’ave­nir.
  • La lutte contre les violences poli­cières a connu une visi­bi­lité nouvelle notam­ment avec le durcis­se­ment de la répres­sion du mouve­ment social (Sivens, COP 21, loi travail…). La mort d’Adama Traoré en juillet 2016, lors d’une inter­pel­la­tion par la gendar­me­rie a mis en lumière la diffi­culté à faire recon­naître les violences poli­cières massives qui frappent ceux qui subissent le racisme. Le combat contre les contrôles au faciès est égale­ment une bataille poli­tique qui se déve­loppe aujourd’­hui à l’ini­tia­tive de plusieurs collec­tifs mili­tants.

Adopté par le Collec­tif natio­nal d’En­semble! les 4 et 5 février 2017

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