Source : Nous sommes tous des Rifains ! | Le Club de Mediapart
Alors qu’un mouvement populaire dans le nord du Maroc, qui se bat pour la justice sociale, la dignité et la liberté, est durement réprimé, on ne peut qu’être révoltés par la complaisance du gouvernement français avec le régime de Mohamed VI.
Depuis 9 mois, un mouvement social pacifique a pris de l’ampleur dans la région du Rif au Maroc, suite à la mort tragique de Mohcine Fikri, jeune vendeur de poisson, écrasé le 28 octobre 2016 par la benne à ordures qui engloutissait sa marchandise confisquée par la police.
La visite d’Emmanuel Macron au Roi Mohamed VI le 14 juin dernier a été présentée comme un « séjour privé » afin de « faire connaissance » avec dernier. Elle n’a fait que confirmer la continuité des politiques menées par les gouvernements français successifs depuis des décennies. Sur le plan « sécuritaire », Macron considère le Maroc comme un partenaire efficace et fiable dans « la lutte antiterroriste et migratoire et souhaite renforcer les coopérations sécuritaires à l’avenir.
La monarchie se positionne comme un relais et une tête de pont de pénétration des marchés par le biais des filiales des entreprises du CAC 40 implantées au Maroc et en même temps comme un garant des intérêts politiques généraux de l’impérialisme français dans cette région du monde, où la concurrence internationale est devenue plus vive, les chasses gardées plus instables et les facteurs de décomposition plus importants.
Le président Macron a réitéré la position de l’État français de soutien à la thèse marocaine, refusant tout référendum d’autodétermination au Sahara occidental, pourtant demandé par l’ONU depuis des décennies.
Il s’est érigé, en ce qui concerne la lutte actuelle dans le Rif, en porte-parole du Palais : « J’ai senti que le Roi considère qu’il est normal qu’il y ait des manifestations (….) que son souhait est d’apaiser la situation en apportant de la considération à ces régions et des réponses très concrètes, en termes de politiques publiques. La discussion que nous avons eu ne donne pas, loin de là, de craindre à une volonté de répression ».
Ces propos sont une insulte à la société civile indépendante, aux mouvements sociaux et démocratiques, qui sont confrontés depuis des années à une répression systématique :
Le jour même de l’arrivée de Macron, le procureur du Roi a annoncé sa demande de longues peines de réclusion pour 25 détenus sahraouis de Gdeim Izik sur la base d’aveux extorquées sous la torture, et 28 jeunes du « Hirak », ont été condamnés à 18 mois de prison ferme et de lourdes amendes en raison de leur participation au soulèvement social dans le Rif.
Depuis la visite d’Emmanuel Macron, la répression n’a cessé de s’accentuer : arrestations quotidiennes, à l’heure d’aujourd’hui plus de 176 emprisonnés, et, pour la seule journée de la fin du Ramadan, des dizaines de blessés et d’arrestations suite à une manifestation pour la demande de libération des détenus.
Ce 20 juillet, jour anniversaire de la bataille d’Anoual en en 1921 où les troupes d’Abdelkrim El Khattabi ont décimé l’armée espagnole, l’appel à une manifestation nationale à Al Hoceima a donné lieu à un matraquage systématique. La ville a été assiégée de l’extérieur et de l’intérieur, et soumise à des jets continuels de gaz lacrymogènes et de dizaines d’arrestations.
Depuis toujours les présidents de la Vème république ont protégé la monarchie marocaine.
Malgré l’assassinat de Medhi Ben Barka, malgré les emprisonnements arbitraires, les tortures, ils ont soutenu Hassan II. Avec son fils Mohamed VI, Ils entretiennent l’illusion d’une transition démocratique éclairée engagée par le roi là où derrière la monarchie, règne un pouvoir absolu, prédateur, hostile à toute expression indépendante ou contestation. L’État français, de père en fils est du côté du pouvoir, quel qu’en soit le prix. La monarchie se replie sur son appareil sécuritaire et judiciaire en s’appuyant sur les législations antiterroristes.
Nous sommes toujours aux côtés du peuple rifain, dont l’histoire garde la mémoire d’une répression sauvage par l’action conjointe de Pétain et de Franco, lorsqu’il s’était révolté contre le colonialisme. Nous dénonçons la stratégie de criminalisation du mouvement social menée par le pouvoir. Nous saluons la détermination et la résistance des manifestants.
Nous exigeons des autorités marocaines :
– L’arrêt de la répression et la libération immédiate de tous les prisonnier-es politiques
– Le respect des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion,
– La satisfaction des revendications et la réponse aux aspirations de dignité et de justice économique et sociale du mouvement des rifains .
Premières signatures :
Jean-Claude Amara (Droits Devant),
Verveine Angeli (Solidaires),
Olivier Besancenot (ancien candidat présidentielle, NPA),
Sergio Coronado (ancien député, Ecologie Sociale),
Annick Coupé (ATTAC),
Bernard Dreano (Assemblée Européenne des Citoyens),
Patrick Farbiaz (Sortir du colonialisme),
Noël Mamère (ancien député),
Myriam Martin (porte-parole Ensemble),
Gustave Massiah (CEDETIM),
Christine Poupin (porte-parole NPA),
Lydia Samarbakhsh (chargée des Relations internationales du PCF).