Depuis leur découverte à Civaux, puis sur d’autres centrales, les fissures sur des canalisations ont obligé EDF à programmer l’inspection de l’ensemble du parc. Et donc de les mettre à l’arrêt, réduisant ainsi la production d’électricité nucléaire.
Jacques Terracher, membre de la Commission Locale d’Information de Civaux s’est proposé de répondre aux questions d’un lecteur de notre site. Nous l’en remercions.
Bonjour, je vais tenter de répondre en fonction des informations dont on dispose actuellement, de source EDF-ASN-IRSN :
« J’aimerai comprendre la raison de la corrosion de ces tuyaux inoxydables de sécurité trouvée sur les réacteurs français et non américains.
Il s’agirait de corrosion sous contrainte (CSC) : il y a deux choses qui s’additionnent, la corrosion (action chimique) et les contraintes (action mécanique) pour aboutir à la formation de fissures dans l’acier inox. Il semble que les contraintes permettent à la corrosion de pénétrer entre les grains du métal, ce qui provoque des fissures. Voir sur internet la littérature sur le sujet de la « Corrosion sous contrainte ». Les liens suivants pour toutes les explications et illustrations de ce phénomène.
http://n6a.free.fr/Support_cours/I2_M%C3%A9canique/Cours_du_CETIM_(Mr_HOLTERBACH)/Cours_Corrosion-Partie_3.pdf
https://www.3epartner.com/single-post/2016/07/04/la-corrosion-sous-contrainte
https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/27/048/27048128.pdf?r=1&r=1
Document EDF de 1994, très (trop) technique dans lequel on lit:
« Bien que la possibilité de fissuration souscontrainte de l’Alliage 600 en eau pure à 350°C ait été mise en évidence par CORIOU dès1959 [3], et que depuis lors de nombreuses études aient été effectuées sur ce sujet (pour une revue, voir [4–5]), les mécanismes mis en jeu demeurent mal connus. »
sur les réacteurs français et non américains
Les réacteurs français sont des réacteurs américains « bricolé », modifiés pour produire plus de puissance (cf complexe de Coubertin). Les réacteurs français sont donc « améliorés », sauf quand ils sont détériorés. Il semble que le « design » français amène des contraintes que n’ont pas les premiers réacteurs de 900 MW de type américain.
Ce n’est pas la présence de bore injecté, car le système de sécurité est peu? Ou pas utilisé ?
Le bore est un métal. Il est présent dans les circuits primaires sous forme d’acide borique (liquide). Le PH (l’acidité) de la solution est théoriquement neutralisé par d’ autres produits chimiques. Il apparait donc que ces produits chimiques restent quand-même corrosifs. Le chlore est également suspecté, mais de l’aveu de l’IRSN, la nature de la corrosion reste un mystère.
Même inutilisé, le circuit RIS reste connecté (soudé) au circuit primaire, et par conduction il en ressent la chaleur de manière inégale autour des tuyaux. La température du circuit primaire se situe entre 300 et 320 °C.
Ce serait la configuration de ces tubes d’injection et leur implantation ?
OUI, la géométrie des tuyaux RIS et aussi RRA aurait le défaut de favoriser des contraintes internes d’origine thermiques. Les autres contraintes mécaniques (poids, vibrations, séismes…) sont pour l’instant écartées. Les contraintes thermiques peuvent être induites par des montées en température et aussi par des différences de température d’un point à l’autre des tuyaux (jusqu’à 200 °C nous a-t-on dit, ce qui parait incroyable!)
Où sont ils placés et subissent-ils la radioactivité intense et permanente du cœur du réacteur ?
La CSC se constate à proximité des soudures des tuyaux d’alimentation de secours, donc à l’écart du bombardement neutronique du coeur. Peut-être que le soudage provoque aussi des contraintes thermiques et modifie les qualités d’élasticité du métal. Cette CSC n’est pas le fait du rayonnement du combustible, phénomène connu sous le nom de « fluence » qui affecte les cuves des réacteurs.
Ou une autre cause de corrosion ?
La cause de la corrosion n’est pas encore identifiée…après de 63 ans de recherches acharnées …
La nature du métal ou leur épaisseur ?
La nature réelle du métal est conforme à ce qui est attendu (contrairement au pb de la cuve de l’EPR). L’épaisseur n’a pas d’influence sur la CSC.
Merci de m’éclairer. »
Désolé mais mon stock de bougies est épuisé.
Cordialement
Jacques Terracher