C’est un peu ce que pourrait dire la majorité municipale si on la laissait aller au bout de son projet. Pour les prochaines journées du patrimoine, il ont en effet prévu de se poser comme défenseurs du patrimoine du XXième en mettant en avant la nécessaire restauration du verre églomisé de Pansart, quand, dans le même temps, ils défendent devant les tribunaux leur projet de vente à un promoteur qui se propose de détruire la salle de spectacle.
Que diront-ils lors de la conférence donnée par la restauratrice le samedi à la médiathèque ? Diront-ils par exemple qu’ils se sont toujours opposés au classement du bâtiment quand l’unanimité se fait chez les historiens d’art spécialistes pour dire que c’est incompréhensible qu’il ne soit pas protégé ? Diront-ils que cette opposition, c’est bien sûr, pour laisser les coudées franches au promoteur de détruire la quasi-totalité pour ne conserver que ce qui est façades et hall d’entrée ? Diront-ils que le classement aurait attiré, comme ça a été le cas pour le théâtre Blossac à Châtellerault récemment restauré, des crédits d’état correspondant au moins à 30% des travaux (50 % à Châtellerault !). Rappelleront-ils ce que cette vente, en fait va coûter aux poitevins à qui on a fait croire qu’il s’agissait d’économiser de l’argent public ? (Un prix de vente ridicule, 4 à 5 fois moins cher que le prix du marché et une charge qui reste pour la collectivité avec la restauration du verre, l’entretien du hall, l‘aménagement d’une micro-salle d’expo en sous-sol, le tout pour 1 à 2 millions d’euros.)
Mais peut-être que , s’ils ne disent rien de tout cela, ils écouteront ce que Monika Neuner, la spécialiste responsable de la restauration exposera au public. Et ainsi apprendront-ils peut-être ce qu’ils ont toujours refusé d’entendre quand nous essayions de clamer la valeur patrimoniale de cette salle de spectacle. D’abord qu’il ferait bien d’arrêter d’appeler ridiculement miroir ce qui a été conçu non pas pour s’admirer mais bien pour servir de sésame aux spectacles vivants donnés dans la salle : Lardillier a demandé à Robert Pansart de concevoir un décor visible par les transparences de la façade, se déployant sur 90m2 quand on rentre dans le hall, représentant les arts du spectacle à la façon du peintre Chirico. Ce verre travaillé sur feuilles d’or et d’argent, est le premier décor de ce qui s’inventait sur scène : il ne peut être la vitrine des magasins que le promoteur projette d’installer juste derrière !
Nous ne pouvons accepter que cette restauration, rappelons-le, nécessaire du chef d’œuvre de Pansart, fasse oublier la conservation tout aussi nécessaire du chef d’œuvre de Lardillier. Quand on projette de détruire un théâtre, on ne doit pas pousser le cynisme jusqu’à se mettre en scène comme défenseur du patrimoine en utilisant de cette manière le grand rendez-vous des journées du patrimoine. Quand on lit qu’on nous promet de plus de se servir de la façade du théâtre pour exposer l’opération, on comprend mieux le contre-sens municipal sur la nature du verre églomisé : ce qui intéresse les promoteurs de ce projet, c’est bien de s’admirer agissant plutôt que de chercher le sens de ce qu’ils font. Ils aiment les miroirs. Nous, nous préférons ce que Pansart promettait à la scène : une culture vivante.
Jacques Arfeuillère