Pales­tine: les ONG sont aussi des cibles de l’État d’Is­raël.

1948–2025 la Nakba conti­nue : Il est urgent d’agir pour la protec­tion du peuple pales­ti­nien (et autres textes)

« Contre les nouvelles règles d’en­re­gis­tre­ment
des ONG inter­na­tio­nales impo­sées par Israël »

Les 55 orga­ni­sa­tions sous­si­gnées, actives en Israël et dans les terri­toires pales­ti­niens occu­pés (TPO), appellent la commu­nauté inter­na­tio­nale à prendre des mesures urgentes contre les nouvelles règles d’en­re­gis­tre­ment des ONG inter­na­tio­nales impo­sées par Israël.

Fondées sur des critères vagues, géné­raux, poli­ti­sés et indé­ter­mi­nés, ces règles semblent conçues pour exer­cer un contrôle sur les opéra­tions huma­ni­taires indé­pen­dantes, de déve­lop­pe­ment et de conso­li­da­tion de la paix, pour réduire au silence les actions de sensi­bi­li­sa­tion fondées sur le droit inter­na­tio­nal huma­ni­taire et les droits humains, et renfor­cer encore le contrôle israé­lien ainsi que l’an­nexion de facto des terri­toires pales­ti­niens occu­pés.

Depuis plus d’un an et demi, les orga­ni­sa­tions huma­ni­taires ont conti­nué à fonc­tion­ner malgré des contraintes sans précé­dent. En 2024, elles ont fourni des services essen­tiels à des millions de personnes dans l’en­semble des terri­toires pales­ti­niens occu­pés, allant de l’aide alimen­taire et de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment en eau à la mise en place de cliniques mobiles, en passant par l’aide juri­dique et l’édu­ca­tion. Les nouvelles règles d’en­re­gis­tre­ment menacent désor­mais de mettre fin à ce travail. Ces mesures vont au-delà d’une poli­tique habi­tuelle. Elles marquent une grave esca­lade des restric­tions impo­sées à l’es­pace huma­ni­taire et civique et risquent de créer un dange­reux précé­dent.

En vertu des nouvelles dispo­si­tions, les ONG inter­na­tio­nales déjà enre­gis­trées en Israël risquent d’être radiées, tandis que les nouvelles demandes d’en­re­gis­tre­ment risquent d’être reje­tées sur la base d’al­lé­ga­tions arbi­traires et poli­ti­sées, telles que la « délé­gi­ti­ma­tion d’Is­raël » ou l’ex­pres­sion d’un soutien à la recon­nais­sance de la respon­sa­bi­lité de l’Etat israé­lien pour ses viola­tions du droit inter­na­tio­nal. Parmi les autres motifs d’ex­clu­sion figurent le soutien public à un boycott d’Is­raël au cours des sept dernières années (par le person­nel, un parte­naire, un membre du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion ou un fonda­teur) ou le non-respect d’exi­gences exhaus­tives en matière de rapports d’ac­ti­vité. En présen­tant la défense des droits humains et l’aide huma­ni­taire comme une menace pour l’Etat, les auto­ri­tés israé­liennes peuvent exclure des orga­ni­sa­tions simple­ment parce qu’elles dénoncent les condi­tions qu’elles constatent sur le terrain, obli­geant les ONG inter­na­tio­nales à choi­sir entre four­nir une aide et promou­voir le respect des protec­tions dues aux personnes touchées.

Les ONG inter­na­tio­nales sont en outre tenues de commu­niquer à Israël la liste complète de leur person­nel et d’autres infor­ma­tions sensibles sur leurs colla­bo­ra­teurs et colla­bo­ra­trices et leurs familles lors de leur demande d’en­re­gis­tre­ment. Dans un contexte où les travailleurs et travailleuses huma­ni­taires et les profes­sion­nels de santé sont régu­liè­re­ment victimes de harcè­le­ment, de déten­tions et d’at­taques directes, cela soulève de graves préoc­cu­pa­tions en matière de protec­tion.

Ces nouvelles règles s’ins­crivent dans le cadre d’une répres­sion plus large et à long terme de l’es­pace huma­ni­taire et civique, marquée par une surveillance et des attaques accrues, ainsi que par une série de mesures qui restreignent l’ac­cès huma­ni­taire, compro­mettent la sécu­rité du person­nel et sapent les prin­cipes fonda­men­taux de l’ac­tion huma­ni­taire. Elles ne sont pas isolées, mais s’ins­crivent dans un schéma plus large qui comprend :

  • Le blocage ou le retard de l’aide par des restric­tions bureau­cra­tiques arbi­traires, des obstacles logis­tiques et des blocus complets, privant les Pales­ti­niens de four­ni­tures essen­tielles à leur survie.

  • Le meurtre de plus de 400 travailleurs huma­ni­taires à Gaza, les bles­sures et la déten­tion infli­gées à d’in­nom­brables autres personnes, et les attaques répé­tées contre des locaux, des instal­la­tions ou des convois huma­ni­taires signa­lés et noti­fiés.

  • L’adop­tion d’une légis­la­tion visant à restreindre les opéra­tions de l’UNRWA, le plus grand four­nis­seur de services essen­tiels aux Pales­ti­niens.

  • L’adop­tion d’une légis­la­tion visant à impo­ser une taxe pouvant atteindre 80% sur les fonds étran­gers versés aux ONG israé­liennes, tout en leur inter­di­sant de saisir la justice israé­lienne, y compris les orga­ni­sa­tions qui travaillent en parte­na­riat avec les ONG inter­na­tio­nales pour four­nir une assis­tance et assu­rer la protec­tion des popu­la­tions confron­tées à des dépla­ce­ments, des destruc­tions ou des violences commises par des colons.

  • La suspen­sion des visas de travail pour le person­nel inter­na­tio­nal et la révo­ca­tion des permis permet­tant aux Pales­ti­niens rési­dant en Cisjor­da­nie d’ac­cé­der à Jéru­sa­lem, pertur­bant grave­ment les opéra­tions. [En mars 2024, Philippe Lazza­rini, le patron de l’UNRWA, s’est vu inter­dire d’en­trer à Gaza – réd.]

Et main­te­nant, ces mesures subor­donnent l’en­re­gis­tre­ment des ONG inter­na­tio­nales à leur aligne­ment poli­tique et idéo­lo­gique, portant ainsi atteinte à la neutra­lité, à l’im­par­tia­lité et à l’in­dé­pen­dance des acteurs huma­ni­taires.

En vertu du droit inter­na­tio­nal huma­ni­taire, les puis­sances occu­pantes sont tenues de faci­li­ter l’aide huma­ni­taire impar­tiale et d’as­su­rer le bien-être de la popu­la­tion proté­gée. Toute tenta­tive visant à subor­don­ner l’ac­cès huma­ni­taire à l’al­lé­geance poli­tique ou à péna­li­ser les orga­ni­sa­tions pour avoir rempli leur mandat risque de contre­ve­nir à ce cadre. La Cour inter­na­tio­nale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de permettre la livrai­son sans entrave de l’aide huma­ni­taire à Gaza dans trois ordon­nances provi­soires juri­dique­ment contrai­gnantes rendues en 2024. Or, ces nouvelles règles prises par le gouver­ne­ment israé­lien élar­gissent et insti­tu­tion­na­lisent les obstacles exis­tants à l’aide.

Nous appe­lons les Etats, les dona­teurs et la commu­nauté inter­na­tio­nale à :

  • Utili­ser tous les moyens possibles pour proté­ger les opéra­tions huma­ni­taires contre les mesures qui compro­mettent leur neutra­lité, leur indé­pen­dance et leur accès, notam­ment les exigences rela­tives à la liste du person­nel, le contrôle poli­tique et les clauses de révo­ca­tion vagues.

  • Prendre des mesures poli­tiques et diplo­ma­tiques concrètes, au-delà des décla­ra­tions de préoc­cu­pa­tion, pour garan­tir un accès huma­ni­taire sans entrave et empê­cher l’éro­sion de la four­ni­ture d’aide fondée sur des prin­cipes.

  • Soute­nir les ONG inter­na­tio­nales et les orga­ni­sa­tions de la société civile pales­ti­nienne et israé­lienne par une assis­tance juri­dique, un soutien diplo­ma­tique et un finan­ce­ment flexible afin d’at­té­nuer les risques juri­diques, finan­ciers et répu­ta­tion­nels. Les dona­teurs doivent défendre le travail huma­ni­taire et les droits humains fondés sur des prin­cipes.

Les 55 orga­ni­sa­tions sous­si­gnées soulignent que leur impli­ca­tion dans le proces­sus d’en­re­gis­tre­ment visant à préser­ver les opéra­tions huma­ni­taires essen­tielles ne doit pas être inter­pré­tée comme un soutien à ces mesures.

Ces 55 orga­ni­sa­tions restent déter­mi­nées à four­nir une aide huma­ni­taire, ainsi que des services et des acti­vi­tés de déve­lop­pe­ment et de conso­li­da­tion de la paix qui soient indé­pen­dants, impar­tiaux et fondés sur les besoins, en pleine confor­mité avec le droit inter­na­tio­nal et les prin­cipes huma­ni­taires qui en découlent. Les ONG inter­na­tio­nales sont prêtes à coopé­rer de bonne foi avec les auto­ri­tés israé­liennes sur les procé­dures admi­nis­tra­tives, mais ne peuvent accep­ter des mesures qui péna­lisent le travail huma­ni­taire fondé sur des prin­cipes ou qui exposent le person­nel à des repré­sailles. Ces mesures non seule­ment compro­mettent l’aide dans les terri­toires pales­ti­niens occu­pés, mais créent égale­ment un dange­reux précé­dent pour les opéra­tions huma­ni­taires à l’échelle mondiale.

Cliquez ici pour obte­nir la liste des 55 ONG signa­taires

Norwe­gian Refu­gee Coun­cil
Publié le 7 mai 2025 sur le site du Norwe­gian Refu­gee Coun­cil ; traduc­tion rédac­tion A l’En­contre
https://alen­contre.org/moye­no­rient/pales­tine/israel-gaza-dossier-contre-les-nouvelles-regles-denre­gis­tre­ment-des-ong-inter­na­tio­nales-impo­sees-par-israel.html

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