Trump : leçons du front américain
Cette leçon, signée Bernie Sanders, vaut pour la gauche aux Etats-Unis comme ici.
Il y a quatre ans, Joe Biden avait mené une campagne centrée sur les questions économiques et sociales : du protectionnisme pour l’industrie américaine, le relèvement des bas salaires, une fiscalité plus forte sur les hauts revenus, la couverture par l’assurance maladie… Et il battait Donald Trump, largement, avec un record de vote et de participation pour les Démocrates.
Cette année, Kamala Harris a grosso modo fait l’impasse dessus, considérant que les soucis étaient réglés, que la croissance était partagée, que les salariés baignaient dans la prospérité, malgré l’inflation sur les prix alimentaires, sur l’immobilier, etc.
Or, pour les citoyens américains, l’économie est demeurée la première préoccupation : à 39 % (contre 20% pour l’immigration, 11% pour le droit à l’avortement). Et 80% des soucieux avant tout d’économie ont voté pour Donald Trump. Ce fut le principal moteur du vote pour le candidat républicain, qui a souvent posé cette question à son auditoire : « Votre situation est-elle meilleure qu’il y a quatre ans ? » A 80% à nouveau, ses électeurs répondent : « Non. » Et de fait, le salaire moyen réel, corrigé de la très forte inflation, n’a pas retrouvé son niveau de 2020.
Résultats : une lourde défaite, 5 millions de voix d’écart. Une victoire nette, écrasante, pour les Républicains : en grands électeurs et dans le « vote populaire ».
Jusqu’à des paradoxes. Dans le Missouri, Trump l’emporte largement : à 59%. Mais les électeurs approuvent, en même temps, un référendum en faveur du droit à l’avortement (à 52%). Et un relèvement du salaire minimum à 15$ (à 58%).
Même chez les hispaniques, Trump gagne 13 points. Il devient majoritaire chez les hommes, latinos (54%). Et grimpe de 8 points (de 30 à 38%) chez les femmes hispaniques. L’économiste Bernard Yaros analyse : « Les femmes ont la charge du budget de la famille, font les courses pour les repas. Les prix de l’alimentation ont augmenté de plus de 30% depuis 2020. Harris n’a pas su répondre à cette situation. »
Devancé dans les grandes villes, Trump l’emporte dans les zones péri-urbaines, et domine dans les campagnes. Ainsi que chez les non-diplômés (54%).
Bien sûr, l’alliance qui mène Trump au pouvoir repose d’abord sur la base « républicaine » où les affects racistes, misogynes, virilistes ont fonctionné à plein. Mais si une élection présidentielle se gagne sur la mobilisation de son camp, il faut aussi capter à un électorat flottant, hésitant, dans les swing states notamment. Et c’est sur l’économie qu’il a largement fait la différence. Là où Harris a été incapable de mobiliser le sien, de camp.
Ces ressemblances avec la gauche chez nous n’a, évidemment, rien de fortuit.
Et bien sûr, j’en tire des leçons.
Oui, centraliser sur les questions économiques et sociales : que les Français, que tous les habitants de notre pays, puissent vivre de leur travail, bien en vivre, et non pas en survivre.
Ne pas découper le peuple en tranches, défendre tous les travailleurs, quels que soient leur couleur de peau, leur religion, mais aussi leur bulletin de vote passé.
Ne pas essentialiser les électeurs, « fachos » perdus pour toujours à la cause, au risque de se faire vivre constamment comme une citadelle assiégée.
Chercher la majorité, et pas seulement l’addition de « segments » de la population.
Et c’est ainsi, par cette majorité, cette majorité sociale, cette majorité politique, solidement assis sur un bloc fort, puissant, que chaque combat, chaque groupe y trouvera sa place, sûr de sa force, sûr d’entraîner avec lui la société.
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