Dans le langage courant, la sécurité concerne la prévention des accidents et la sûreté s’applique à la prévention des attentats. Des ceintures de sécurité équipent nos voitures. Le Ministère de l’Intérieur remplace maintenant l’ancienne Sûreté Nationale.
Dans le langage nucléaire les définitions sont inversées. L’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) contrôle la sûreté des centrales tandis que la gendarmerie s’occupe de leur sécurité.
Mais nos gendarmes, en dehors des centrales, prennent en charge notre sûreté, bien entendu !
En fait les deux mots sécurité et sûreté sont des doublets : ils sont à la fois synonymes et homonymes. Les deux sont indissociables, et dans les centrales nucléaires en particulier, le défaut de sécurité risque fort de mettre à mal la sûreté.
Raison pour laquelle, depuis quelques années (seulement) un peloton de gendarmerie est affecté à la protection des sites nucléaires. Leur présence s’est d’ailleurs montrée très efficace contre les intrusions de militants antinucléaires armés de banderoles contestataires et d’idées subversives qui réclamaient l’arrêt des réacteurs…
Mais depuis quelques temps, avec l’apparition du terrorisme suicidaire, la situation se complique. Le risque d’une attaque terroriste cesse d’être négligeable pour devenir très préoccupante. La presse écrite (Le Monde et Libération) se fait l’écho de menaces terroristes très précises sur les centrales nucléaires belges. Des sabotages et des cas d’infiltrations montrent la vulnérabilité de ces installations.
Ce sujet, tabou jusque là (pour ne pas donner de mauvaises idées aux terroristes), est maintenant sur la place publique et les terroristes n’ont plus rien à apprendre. Les accidents de Tchernobyl et de Fukushima ont montré au monde entier qu’il suffit d’un défaut de refroidissement pour qu’un réacteur nucléaire parte en fusion et provoque une catastrophe humaine et écologique.
Par conséquent, une attaque de sabotage qui viserait son refroidissement pourrait être fatale à un réacteur nucléaire.
Nous savons aujourd’hui que les terroristes le savent.
Une menace imminente et réelle pèse sur les centrales nucléaires. La croyance dans le risque « hautement improbable » de l’accident éventuel et balayée par le souffle des bombes humaines. Dans l’état d’urgence que nous connaissons depuis les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, aggravés par les attentats de Bruxelles, les calculs de probabilité n’ont plus aucun sens. La question n’est plus de savoir s’il y aura d’autres attentats, mais quand et où ?
La sûreté des centrales est menacée par l’ insécurité et la vulnérabilité des sites nucléaires.
Pour éviter que la cible d’un attentat soit un réacteur nucléaire, il faudrait mettre en place des mesures si lourdes qu’elles sont difficilement réalisables : protection par l’armée, bouclage des sites, filtration du personnel…Pour bien faire, il faudrait que l’armée prenne le contrôle de toutes les INB (installations nucléaires de base), qu’elles appartiennent à EDF, à AREVA, au CEA ou à l’ANDRA, pour en assurer la sécurité !
En réalité, la seule réponse raisonnable à la menace terroriste sur les centrales consiste à arrêter définitivement et en urgence les réacteurs nucléaires, dans les délais les plus courts compatibles avec le maintien de la sûreté des centrales et des sites de stockage du combustible. Ceci établit le paradoxe de la sûreté piégée par la sécurité et montre à quel point la France s’est enfermée dans l’impasse nucléaire jusque dans le chapitre de sa sécurité.
Quant à la fameuse « sortie du nucléaire », elle ne pourra être accomplie que lorsque les déchets ne poseront plus de problèmes, c’est à dire dans 200 000 ans environ. Que ceux qui aiment le nucléaire se réjouissent : ils auront du travail pour toute cette période grâce aux démantèlements et à la gestion des stocks des déchets radioactifs.
Jacques Terracher , le 27/03/16 .