28juin. Media­part.La bataille du Nouveau Front popu­laire est aussi une bataille des imagi­naires

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(…) Alors que la peur enserre des millions de personnes inquiètes de voir leurs liber­tés foulées au pied par un pouvoir arbi­traire et raciste, la possi­bi­lité d’éton­ner la catas­trophe par la victoire d’un projet égali­taire, écolo­giste, de justice et d’ap­pro­fon­dis­se­ment démo­cra­tique est une aubaine dont il faut se saisir. Rare­ment le choix aura été aussi limpide que dans cette élec­tion où un duel entre le RN et le NFP se profile dans un grand nombre de circons­crip­tions.

Les arti­sans du programme du NFP, conscients de l’ad­ver­sité des milieux écono­miques et média­tiques, ont fait en sorte de rendre percep­tible cette alter­na­tive en décli­nant leur programme selon un ordre chro­no­lo­gique sur les cent premiers jours. « Cela rend les choses très réalistes, ça les fait entrer dans l’es­prit des gens, ce qui explique sans doute la fébri­lité contre le NFP : on parle concrè­te­ment d’un premier ministre et d’un gouver­ne­ment de gauche, poten­tiel­le­ment sous moins de trois semaines, et de mesures qui seraient alors appliquées dès le lende­main, ça fait un peu vibrer », constate l’es­sayiste 28 juin. Media­part. , qui travaillait au programme du Parti de gauche (PG) avant même l’avè­ne­ment de La France insou­mise (LFI).

Mais, au-delà des réponses tech­niques appor­tées par la gauche pour faire la preuve de sa capa­cité de gouver­ner, c’est tout un imagi­naire de joie et de fête autour d’idéaux communs qu’il faut réveiller. Cet imagi­naire, à condi­tion d’être massi­ve­ment répandu, peut contri­buer à déjouer l’im­pres­sion de l’ex­trême droite d’être déjà du côté des vainqueurs. (…)

(…) Le philo­sophe Henri Lefebvre décrit la Commune de Paris, en 1871, comme « la méta­mor­phose de la vie [quoti­dienne] en une fête sans fin, en une joie sans autre limite ni mesure que la fata­lité de la mort, elle-même indé­fi­ni­ment recu­lée ».

La philo­sophe Simone Weil a rapporté la « joie pure » des occu­pa­tions d’usines en 1936 et l’es­poir suscité par la victoire élec­to­rale du Front popu­laire, qui a rendu la conquête des congés payés tangible : « Cela, on en parle avec des yeux brillants, c’est une reven­di­ca­tion que l’on n’ar­ra­chera plus du cœur de la classe ouvrière. »

L’his­to­rien et résis­tant Marc Bloch voyait dans le Front popu­laire « quelque chose de l’at­mo­sphère du Champ de Mars, au grand soleil du 14 juillet 1790 » – en réfé­rence à la Fête de la Fédé­ra­tion –, et attri­buait à l’in­verse l’« étrange défaite » de 1940 à la perte de contact des élites avec « ces sources profondes » : « Ce n’est pas un hasard si notre régime, censé­ment démo­cra­tique, n’a jamais su donner à la nation des fêtes qui fussent véri­ta­ble­ment celles de tout le monde. »

L’ex­trême droite part certes avec une longueur d’avance : « Elle a pris l’avan­tage sensuel depuis des années : il suffit de voir sur CNews le plai­sir de revanche des diri­geants de l’ex­trême droite média­tique », constate le philo­sophe Michaël Fœssel. (…)

(…)

« Le vote NFP pour­rait deve­nir, plus qu’un vote d’op­po­si­tion, un vote d’es­poir. Sur l’éco­lo­gie, il n’y a même pas photo : l’es­poir ne peut venir que de là », note Corinne Morel Darleux. « On peut faire telle­ment plus et telle­ment mieux que simple­ment battre l’ex­trême droite. On peut battre l’ex­trême droite en votant pour les salaires, pour le climat, pour les droits des femmes, pour la liberté, pour la démo­cra­tie », résu­mait récem­ment la séna­trice écolo­giste Méla­nie Vogel.

Le député sortant de la Somme, François Ruffin, initia­teur du NFP, met un point d’hon­neur à ce que la gauche suscite l’adhé­sion par une forme d’al­lé­gresse subver­sive, malgré la gravité du moment – et cette idée se diffuse.

Déam­bu­la­tions festives, « convois de la victoire » dans les « swing circos » et autres ripostes citoyennes spon­ta­nées à l’ex­trême droite, jusque dans ses bastions répu­tés impre­nables (…)

« Ce à quoi aspirent les derniers démo­crates, ce sont des expé­riences communes, des joies communes, et pas seule­ment des barrages. Les meilleures digues sont celles qu’on consti­tue avec nos corps et nos affects joyeux, approuve Michaël Fœssel, qui invi­tait la gauche à rede­ve­nir l’éten­dard d’une socia­bi­lité heureuse dans son livre Quar­tier rouge : Le plai­sir et la gauche (PUF, 2023). Quelle que soit l’is­sue du vote le 7 juillet, il faudra réin­ves­tir des figures de l’iro­nie, du rire, de la moque­rie, montrer que les joies que l’ex­trême droite promet sont néga­tives et que les jours heureux, c’est nous. »

Plusieurs figures du NFP dont Clémen­tine Autain prennent ce chemin en reven­diquant, en cas de victoire, « une nouvelle révo­lu­tion cultu­relle qui remplace la triste course à l’ac­cu­mu­la­tion maté­rielle par une heureuse écono­mie du partage ». Quoi qu’il arrive, la socia­li­sa­tion poli­tique intense que connaissent des dizaines de milliers de personnes à la faveur de cette campagne vitale invite à une part d’op­ti­misme. (…)

 

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