Nous tentons ici la deuxième partie d’un compte rendu du débat public qu’organisait la Confédération Paysanne jeudi 12 mai 2016 sur le thème provocateur : « sans éleveur, un monde meilleur ? »
Nous avons publié une première partie de ce compte rendu ICI
La grande salle de la Poterie de Chauvigny était bien remplie.
Au départ la présentation des camarades de la Conf a rappelé que dans notre département l’élevage ne cesse de diminuer.
Pour donner l’esprit de la soirée, ils nous ont commenté leur affiche : pas facile d’être la voie paysanne !
Ont suivi les témoignages de Raymond et Pierre Jean qui sont éleveurs.
Raymond. Fils de paysan, il a connu les vaches folles et autres fièvres et grippes. Les problèmes sanitaires et les contraintes sanitaires qui en découlent sont liés à l’industrie de l’élevage qui provoque une politique sanitaire qui ne convient pas aux paysans.
Les petits élevages sont exclus des aides et des politiques publiques. Les petits sont invisibles.
Quand on est éleveur on est dans le vivant mais aussi dans la mort car les animaux sont élevés pour être tués et mangés.
On milite pour qu’existe des abattages de proximité.
Pierre Jean. Sa ferme familiale s’occupe de tout, de la naissance à la mort de l’animal, alors que le modèle actuel est une ferme spécialisée par âge de l’animal. Il abat les animaux qu’il a lui-même élevé et cela a une autre valeur pour lui et ses enfants, notamment au niveau du goût et de l’attention à porter à une nourriture qui est le fruit d’un travail. Ce type de ferme est bien vu par la société en général mais le monde agricole trouve ce modèle plus ou moins bizarre.
En ce moment de nombreux éleveurs se posent beaucoup de questions et certains arrêtent. Ce serait une catastrophe si l’élevage disparaissait.
***
Après l’exposé de J. Porcher il y eu un débat avec la salle. Voici quelques notes en vrac sur une partie de ce débat.
* Un cas particulier et éclairant. Le PPI (Plan Particulier d’Intervention) en cas d’accident à la centrale nucléaire de Civaux dit que les évacuations doivent concerner les seuls humains et ne concernent aucun animal, d’élevage ou domestique. À Fukushima de nombreux éleveurs/euses sont revenu-es pour nourrir leurs animaux alors qu’ils/elles connaissaient les dangers pour eux/elles.
* Un éleveur raconte son type d’élevage à l’encontre des environnements dominés par l’homme. « J’attends des animaux qu’ils travaillent eux mêmes dans le pré, qu’ils mangent correctement, qu’ils s’adaptent et grossissent. C’est ça leur travail. »
* Jacques Pasquier de la Conf nous avait fait le plaisir de venir animer avec certains de ses camarades une soirée d’Ensemble! 86 sur l’agriculture paysanne. Il a répondu à une question sur « agriculture et TAFTA ». Plutôt que de mal résumer la réponse, je vous renvoie à son intervention à Radio pulsar ou au « 4 pages » de la Conf sur ce thème.
* Un paysan rappela la lutte de Coussay les Bois contre la ferme usine des 1200 taurillons
* La question que pose la Conf c’est celui du modèle d’élevage, comment on élève les animaux. La population mondiale ne peut se nourrir comme les pays riches, c’est vrai. Si les élevages du genre de Coussay les Bois se multiplient ils n’y aura plus d’animaux dans les prés mais aussi plus de prés, qui par ailleurs captent uen grande partie du CO2. Cela dessine un autre paysage avec surtout de la forêt non entretenue. Les éleveurs dessinent et entretiennent les paysages. La tendance actuelle c’est de ne plus mettre les animaux dans les prés. Dans une ferme usine type, pour 1000 truies il y a 5 ouvriers et aucun paysan.
* Exemple d’un magasin de producteurs où les gens mangnt de la viande de tel ou tel producteur qu’on connaît. Idem pour les légumes. On mange le produit du travail de quelqu’un-e qui n’est pas anonyme : cela change le rapport à la nourriture. On se rapproche de quelque chose de sain. La consommation de masse consomme de la matière et pas la production d’un travail.
* Le système d’élevage que préconise la Conf peut-il répondre à la demande énorme et citadine ?
Il existe de nombreuse études prouvent que oui, même avec seulement le bio. Mais cela veut dire changer le système de production et de consommation. Par exemple le fromage de Comté a supprimé l’ensilage. C’est une production artisanale et qu’on trouve pourtant partout … L’agriculture paysanne est un modèle viable. Les coûts de production sont inférieurs à l’élevage industriels.
* Les verrous les plus puissants au changement de modèle ne se trouve pas dans la population mais d’abord au sein de la profession avec comme force réactionnaire et capitaliste, la puissante FNSEA
***
En guise de conclusion, quelques commentaires :
Le thème provocateur « sans éleveur, un monde meilleur ? » et la légitimité de la Conf a permis un vrai échange entre éleveurs et végétarien-nes, bien représenté-es dans la salle. Cetet soirée a su marier les publics (générations, professions, militantisme ou pas, citadins ou ruraux) pour une réusite en terme d’éducation populaire.
Il est toujours réjouissant de voir un syndicat de travailleurs et travailleuses prendre en charge la réflexion sur sa profession et sur la société. On se retrouve à mille lieues de toutes les vulgarités de la pensée qui peuplent les médias. Un autre monde est possible. Le divorce entre manuel et intellectuel n’est pas une fatalité, par exemple. Ni entre populaire et richesse intellectuelle. Ni entre consommmateur et producteur, etc.
Il est également réjouissant de voir la pensée marxiste vivante et faisant le lien entre pratique et théorie. Une belle critique en acte du capitalisme.
Bref, une soirée qui valait vraiment le coup.