Laurence Lyonnais est militante d’Ensemble insoumis. Pierre Marion participe aux travaux d’Ensemble insoumis concernant l’Union européenne.
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Tribune libre dans Libération,
Le dernier rapport du Giec est clair : avec un réchauffement à 2°C au lieu de 1,5°C, les conséquences seront colossales. Les élections européennes de 2019 sont l’occasion d’agir. En Espagne, en Allemagne ou en France, des propositions communes se profilent déjà pour réinventer notre modèle économique.
Un demi-degré Celsius peut paraître insignifiant. En pratique, augmenter la température d’un demi-degré n’est pas de nature à nous faire enlever notre pull. Pour le climat, c’est une autre affaire. C’est ce que vient de confirmer le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) qui vient de publier son rapport spécial. Entre un réchauffement à 2°C (objectif principal de l’accord de Paris) et un réchauffement à 1,5°C, les conséquences sur les conditions de vie sont colossales.
Le résultat de la synthèse des travaux quantitatifs et qualitatifs du Giec est, s’il était encore possible d’en douter, sans appel. Entre 1,5ºC et 2ºC, la perte de l’habitat naturel pour les vertébrés double, la perte des récifs coralliens est presque totale.
A +1,5 °C, le niveau des mers aura gagné 26 à 77 cm d’ici à 2100.
A +2°C, ce serait 10 cm de plus, soit jusqu’à 10 millions de personnes supplémentaires affectées.
La Terre s’est déjà réchauffée de 1°C. Et selon les prévisions de l’ONU, nous sommes plutôt sur une trajectoire de 3°C. Et ce, si l’on suit des modèles linéaires d’augmentation de la température corrélée à l’augmentation des émissions alors que des études plus alarmantes pointent la possibilité d’un emballement incontrôlable du climat, passé un certain seuil d’émission.
Les Etats du monde entier se réuniront à Katowice en Pologne début décembre lors de la COP 24. Le but affiché: redoubler d’effort pour éviter de foncer dans le mur. Mais la réalité est bien loin des belles paroles. Selon un rapport de l’OSCE, sur les 180 signataires de l’accord de Paris, neuf pays seulement ont soumis des programmes concrets.
« Changer le système, pas le climat », c’est le slogan depuis de nombreuses années du mouvement pour la justice climatique. Mais depuis début septembre c’est, en quelque sorte, aussi celui de Nicolas Hulot. Venant de la part d’un ancien ministre macroniste, c’est la démonstration flagrante que la politique des petits pas ne suffit pas. Pour éviter les catastrophes annoncées – qui se font hélas déjà sentir – il nous faut faire l’exact inverse des Macron, Juncker, Trump et consorts. D’ailleurs, le Giec l’écrit noir sur blanc puisqu’il appelle à des transformations « sans précédents ». Il faut mettre fin à l’impasse capitaliste croissanciste en réinventant nos modèles de production, de consommation et de vivre en société.
L’Europe dans le viseur
Bien qu’au premier abord les élections européennes de mai 2019 paraissent relativement déconnectées des questions climatiques, une partie importante du match se jouera à ce moment-là. En effet, ce qui est décidé à Bruxelles conditionne grandement nos politiques énergétiques et agricoles mais aussi de gestion de l’eau, des transports et des déchets.
En s’inspirant des alternatives en construction, comme c’est le cas des « mairies du changement » en Espagne, de l’exemple d’Alternatiba qui vient de boucler son Tour et des résistances comme Ende Gelände en Allemagne ou de la marche pour le climat du 8 septembre, la liste Maintenant le peuple, portée par La France insoumise, présentera l’année prochaine des propositions aux antipodes de ce que défendent actuellement les institutions européennes : un programme lucide qui ne cède pas au catastrophisme pour faire de la transition écologique une formidable occasion d’établir un nouveau paradigme.
Pour cela, il faut adopter la règle verte à l’échelle européenne, c’est-à-dire, ne pas prélever sur la nature plus de ressources renouvelables que ce qu’elle peut reconstituer. Pour y parvenir, il est essentiel de reconnaître l’énergie comme un bien commun, de relever considérablement les objectifs climatiques pour 2030, de mettre fin aux privilèges pour les énergies fossiles, d’arrêter de subventionner l’ITER, le réacteur nucléaire basé sur la fusion, de substituer le marché carbone par des objectifs contraignants de diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre via des plans sectoriels et garantir des mécanismes de solidarité internationale pour préserver les ressources des pays du Sud et permettre leur juste développement.
En outre, à l’image de Notre-Dame-des-Landes, il est crucial de stopper les grands projets inutiles et imposés, d’assurer la protection inconditionnelle des écosystèmes qui stockent le carbone comme les forêts et les zones humides, tout en développant l’agro-écologie locale qui peut, elle aussi, fixer d’énormes quantités de carbone dans les sols.
Faire le pari résolu de la transition écologique à l’échelle européenne, c’est aussi faire le pari de l’emploi. Selon la plateforme Emplois-Climat, il est possible de créer un million d’emplois net en France dans les secteurs d’activité liés au climat.
C’est pourquoi, pour ce si précieux demi-degré mais aussi pour construire un futur désirable pour toutes et tous, les liste Maintenant le peuple seront l’année prochaine le bulletin de vote climatique.