Un message qu’une camarade d’Ensemble! parisienne et brésilienne ,a fait suivre.
« Tout allait raisonnablement bien jusqu’à une semaine avant le premier tour. Jair Bolsonaro, l’ex capitaine aux penchants fascistes maintenait une certaine avance dans les sondages, mais se voyait rattrapé par Fernando Haddad, le candidat de Lula, qui effectuait depuis quinze jours une remontée impressionnante. Parti d’à peine 4% des intentions de vote, il arrivait autour de 22% et se positionnait définitivement en deuxième place, après une campagne très courte, puisque le Parti de Travailleurs avait soutenu la candidature de Lula jusqu’au dernier moment possible.
Mais, en une semaine, tout a basculé. Alors qu´il était depuis près d’un mois autour des 25 à 28% des intentions de vote, Bolsonaro a soudain fait un saut, le propulsant à 46% des votes au premier tour, contre 29% pour Fernando Haddad, qui a quand même confirmé sa solide ascension. Cette hausse du candidat d’extrême-droite a tout de suite été mise sur le compte de ce qu’on appelle « l’anti-petisme » (opposition au PT). (…)
Mais, toutefois, cela n’est pas suffisant pour expliquer un tel bond de ce candidat en quelques jours. Un fait a alors attiré l’attention. Dix jours avant les élections, des centaines de milliers, sinon des millions de *fake news* ont été diffusées par messages sur la plate-forme de communication Whatsapp, très populaire au Brésil. Des “nouvelles” très perverses, mensongères, ayant toutes des connotations morales: des enfants de 6–7 ans censés effectuer des actes sexuels à l’école avec la légende “voilà ce que seront les écoles si le PT et Haddad gagnent”, des montages vidéos sexuels avec l’image de Haddad et de sa famille, des vidéos attaquant spécifiquement sa fille, et surtout une fausse information au sujet d’un “kit gay” que Haddad aurait distribué dans les écoles quand il était ministre de l’éducation de Lula. Selon ces messages, il aurait distribué dans les écoles un livre d’initiation sexuelle qui “inciterait” à l’homosexualité. Ce qui était faux, évidemment, même si le livre en question, Titeuf, d’un auteur suisse bien connu en France, n’a rien de terrible, mais est au contraire traduit et publié dans plusieurs pays. Mais cela n’a aucune importance, c’était une campagne de diffamation, très professionnelle, où la vérité est la dernière des préoccupations.
L’effet a été dévastateur pour Haddad, surtout auprès de la masse d’électeurs pauvres et adeptes des églises évangéliques populaires, une force importante dans le scénario électoral,et dont un des leaders, le très polémique “évêque” de l’Eglise Universelle du Royaume de Dieu, avait déclaré son appui à Bolsonaro. (…) Les messages ont généré une réaction de la part des électeurs de Bolsonaro, qui ont eux même créé leurs propres fausses nouvelles: que, avec Haddad, le Brésil allait devenir Cuba ou le Venezuela, que “le mythe” (comme l’appellent des adeptes plus extrémistes de la candidature de Bolsonaro) irait, une fois élu, “en finir” avec les homosexuels, les travestis, les femmes “libertines”, que les armes allaient être autorisées, etc., etc.
Des partisans de Bolsonaro, se sentant “libres” pour agir, ont commis des agressions et crimes contre ces groupes, qui se sont multipliés: un travesti mort à São Paulo, poignardé sous les cris de “Bolsonaro, Bolsonaro”, une jeune fille à Rio a qui on a gravé une croix gammée au couteau sur le ventre, un professeur de capoeira tué à Salvador, des jeunes menacés dans la rue par des gens armés, des centaines de témoignages de couples homosexuels se faisant intimider. Cette vague paraît sans contrôle, mais elle est en fait stimulée par les déclarations même du candidat fasciste, qui promet de “mitrailler les militants du PT”, qui annonce que “la dictature et la torture ont eu un défaut: ils n’ont pas tué suffisamment”.
Et, surtout, Bolsonaro ne prend aucune attitude de responsabilité civique devant de tels actes, se limitant à déclarer: “je n’y peux rien, je ne contrôle pas les gens”. Dans une interview à la radio, il fait un acte manqué. En commentant le fait d’avoir été poignardé, il affirme: “j’ai été victime de ce que je prêche”. Pendant ce temps, à Rio, ses enfants, élus député et sénateur avec des scores record, ont organisé un acte public où ils cassent une plaque en hommage à Marielle, l’activiste de gauche, féministe et homosexuelle assassinée il y a quelques mois, dans un crime qui a choqué le monde. En tout, plus de 50 cas d’agressions violentes ont été rapportés dans tout le Brésil, certaines avec une issue fatale. Une horreur, qui rappelle non sans effroi les massacres dans les années précédant l’arrivée au pouvoir de Hitler en Allemagne.
(…) la police. Cette semaine, par exemple, des jeunes étudiants qui distribuaient des tracts pro-Haddad à Campinas ont été emprisonnés illégalement. Le policier leur a dit: “la dictature a recommencé”. En fait, depuis plus d’un an, le manque total de réaction de la justice – où même sa collaboration dans plusieurs cas – face à des épisodes autoritaires, comme l’emprisonnement des recteurs des universités publiques dans un clair objectif de persécution, ou comme l’enregistrement illégal par le juge Moro de conversations de la présidente Dilma, ont peu à peu montré à l’extrême droite – et aux militaires, dont l’implication dans la campagne de l’ex capitaine est de plus en plus évidente – qu’ils pouvaient agir impunément.
(…)
Le 17 octobre, le journal Folha de São Paulo, le plus grand du pays, a publié un reportage qui a fait l’effet d’une bombe: plus de 150 entreprises qui appuient Bolsonaro auraient acheté, à des entreprises douteuses du monde cybernétique, pour des montants qui atteindraient les 3 millions d’Euros par contrat, des “envois en masse” de messages de Whatsapp, de l’ordre de centaines de millions de messages. Un autre reportage, de la revue “Piauí”, dénonce que Bolsonaro lui-même aurait demandé, lors d’une réunion, à ses amis hommes d’affaires de faire leur “contribution” à sa campagne de cette façon. Alors qu´il a déclaré, au premier tour, des dépenses de campagne ne dépassant pas le million d’Euros, un seul de ces contrats dépasserait de loin cette somme. Or, au Brésil, le financement des campagnes politiques par des entreprises privées est interdit, par une loi élaborée par Dilma elle même, en 2015.
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Bolsonaro a monté une stratégie illégale: il enfreint la loi sur plusieurs aspects. Financement par des entreprises privées, utilisation illégale des réseaux sociaux (la loi limite le nombre de listes auxquelles l’on peut participer ainsi que le nombre d’envois de messages par personne avec des contenus électoraux), dissémination de fausses informations. Le plus préoccupant est qu’une simple recherche sur internet permet de voir que l’une des entreprises accusées est cliente coutumière de…l’armée brésilienne. (…)
Haddad et ses avocats, ainsi que le PDT, parti de Ciro Gomes, le troisième au premier tour, ont tout de suite présenté des plaintes contre Bolsonaro. Ils demandent que la candidature de ce dernier soit annulée, selon la législation électorale, en raison de fraude lors du premier tour. Dans ce cas, Ciro Gomes, devrait être convoqué pour le deuxième tour.
Seulement, voilà: qui aura le courage de faire valoir la loi? (…) Les grands médias, définitivement, apeurés par l’ascension de Bolsonaro, semblent avoir décidé de l’appuyer, de peur de subir sa colère, s’il est élu.
Dans une stratégie typique de Cambridge Analytics, Bolsonaro et sa troupe réagissent en inondant le web et les médias de fausses nouvelles: des messages “au nom du PT” qui arrivent soudain sur les portables d’électeurs de Lula (pour pouvoir dire que le PT a aussi fait la même chose), d’autres messages disséminant la “nouvelle” que Lula serait en train de mettre en place, depuis sa prison, un plan fou, associé à la Cour Suprême, avec l’appui du Venezuela et de Cuba, pour empêcher la victoire du « mythe » et implanter le communisme au Brésil. (…)
Autrement dit, la situation est, depuis longtemps, sorti du contrôle des institutions et les hallucinés d’extrême droite semblent parier qu’ils ont l’armée à leur coté. Tout cela a l’air d’être très fortement infiltré par les moyens de propagande Trump et des USA.Le Brésil est pris en otage: si Bolsonaro ne gagne pas, les messages répandus donnent l’ordre de créer une réaction à main armée, de “prendre les rues” pour empêcher “la fraude” et la victoire du “communisme”.
Soit Bolsonaro gagne, soit il gagne, donc. Il n’y a pas d’autre issue possible, selon ces gens.
Plus que jamais, le Brésil semble s’approcher de la barbarie.