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antifascisme / lectures / libertés / Tribune libre

Patrick Bouche­ron. Libé­ra­tion. « Sortir de la torpeur, main­te­nant! »

pascal bpar pascal b23 juin 2024

« . Il y eut le début d’un sursaut, puis tout à nouveau s’en­gour­dit, et tandis que les mâchoires du piège se resserre, chacun vaque désor­mais à ses petites compli­ca­tions inutiles, ses vani­tés, ses lâche­tés et ses calculs ordi­naires. Mais d’autres ne se résignent pas, qui doivent nous encou­ra­ger. Il est temps, il est grand temps. C’est main­te­nant. »

Contre l’ex­trême droite, sortir de la torpeur, main­te­nant ! par Patrick Bouche­ron

Que celles et ceux qui s’inquiètent des outrances d’une certaine extrême gauche veuillent bien consi­dé­rer aujourd’­hui la réalité du rapport de force : c’est bien le Rassem­ble­ment natio­nal qui est aux portes du pouvoir. Ne lais­sons pas les mâchoires du piège se resser­rer.

 par Patrick Bouche­ron, histo­rien

A quoi recon­naît-on l’im­mi­nence d’un événe­ment histo­rique ? Pas toujours au fracas d’une tempête qui gronde. Celui-là, quand on l’en­tend, on sait qu’il faut se mettre aux abris. Mais il arrive que l’orage, si lent à crever, ait su se rendre imper­cep­tible à force de paraître inexo­rable. Alors il convient d’avoir l’oreille fine pour inter­ro­ger le silence et déce­ler ce qui se trame dans cette fausse torpeur.

Avez-vous remarqué que c’est souvent le moment où les réseaux sociaux font jaillir une cita­tion de l’in­sub­mer­sible, et toujours indis­pen­sable, Victor Hugo ? Celle qui surgit aux lende­mains de la disso­lu­tion de l’As­sem­blée natio­nale est extraite de Claude Gueux (1834) : « En géné­ral, quand une catas­trophe privée ou publique s’est écrou­lée sur nous, si nous exami­nons, d’après les décombres qui en gisent à terre, de quelle façon elle s’est écha­fau­dée, nous trou­vons presque toujours qu’elle a été aveu­glé­ment construite par un homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et qui s’ad­mi­rait. Il y a par le monde beau­coup de ces petites fata­li­tés têtues qui se croient des provi­dences. »

Fermez le ban : cette fois-ci, il a son compte. Le président de la Répu­blique le sait bien d’ailleurs, qui ne cesse depuis lors de multi­plier les décla­ra­tions incon­sé­quentes et hargneuses. Elles ne récla­me­raient que notre indif­fé­rence si elles ne jalon­naient un déplo­rable « chemin mémo­riel » où chaque station de notre histoire natio­nale est souillée par une parole qui en méprise la dignité (à Oradour-sur-Glane, le 10 juin il se déclare « ravi » de « leur avoir balancé une grenade dégou­pillée dans les jambes », et c’est sur l’île de Sein qu’il s’en prend, le 18 juin, au « programme tota­le­ment immi­gra­tion­niste » du Front popu­laire). Inutile de commen­ter plus avant : Emma­nuel Macron est sorti de l’his­toire. Et s’il y entre à nouveau, c’est pour y occu­per la place la plus infâme qui soit en Répu­blique, celle des diri­geants ayant trahi la confiance que le peuple leur a accor­dée en ouvrant la porte à l’ex­trême droite – d’abord en parlant comme elle, ensuite en gouver­nant comme elle, enfin en lui lais­sant le pouvoir.

Enrayer la méca­nique suici­daire qui confond radi­ca­lité et véhé­mence

Le nôtre consiste à l’en empê­cher. Il nous faut pour cela user de tous les moyens dont on dispose en démo­cra­tie. Le vote, évidem­ment, car toutes les études montrent aujourd’­hui qu’il existe à gauche, au centre gauche, et jusqu’au centre droit, de très fortes réserves élec­to­rales – davan­tage en tous cas que pour le Rassem­ble­ment natio­nal et ses alliés. Il faut, pour les mobi­li­ser, que s’élèvent des voix poli­tiques entraî­nantes et rassu­rantes, afin d’en­rayer cette méca­nique suici­daire qui consiste à cliver en perma­nence, en confon­dant radi­ca­lité et véhé­mence. Ces voix existent, dans tous les partis poli­tiques de gauche, mais aussi dans le monde syndi­cal, asso­cia­tif et soli­daire, chez toutes celles et tous ceux qui, contre vents et marées, font tenir cette société, nous y main­tiennent debout, vivants et libres. Car seule une mobi­li­sa­tion massive du monde du travail peut ringar­di­ser l’ex­tra­va­gante préten­tion d’un jeune homme de 28 ans, qui n’a jamais travaillé de sa vie, à parler au nom du peuple.

Or, préci­sé­ment, il y a du popu­lisme dans la réduc­tion de la souve­rai­neté popu­laire à la seule expres­sion du suffrage – c’est en cela que la disso­lu­tion de l’As­sem­blée natio­nale peut être consi­dé­rée comme un déni de démo­cra­tie. Car celle-ci n’est pas seule­ment un régime poli­tique, mais une tâche à accom­plir. Elle se défi­nit donc égale­ment par la garan­tie de l’Etat de droit, le respect de l’in­dé­pen­dance des corps inter­mé­diaires, l’équité du débat public – autant de compo­santes d’une démo­cra­tie vivante, si malme­nées aujourd’­hui. De cette dégra­da­tion de l’idée même de bien public, on discerne sans peine les effets délé­tères : il est diffi­cile de faire entendre raison à ceux qui, par cynisme ou aveu­gle­ment, s’obs­tinent à présen­ter comme égale­ment « dange­reux » et « déli­rants » les programmes écono­miques du Rassem­ble­ment natio­nal et du Nouveau Front popu­laire, quand le premier est effec­ti­ve­ment inco­hé­rent alors que le second repose sur une idée simple et forte, qui consiste à restau­rer la légi­ti­mité et l’ef­fi­ca­cité de la redis­tri­bu­tion fiscale pour finan­cer nos besoins de service public.

Des échéances élec­to­rales histo­riques

Mais ne faisons pas semblant de croire que les élec­tions légis­la­tives anti­ci­pées des 30 juin et 7 juillet sont des échéances élec­to­rales comme les autres, programme contre programme. Si c’était le cas, elles pour­raient en effet susci­ter la défiance ordi­naire de celles et ceux qui, à juste titre, craignent qu’on leur « refasse le coup ». Le coup de l’ex­trême droite dont on favo­rise l’es­sor afin de l’avoir comme adver­saire et d’en triom­pher sans gloire. Diabo­li­sa­tion, front répu­bli­cain, appel au sursaut et, à la fin, ce sont les démo­crates qui gagnent. Des démo­crates qui le sont de moins en moins, pour des victoires de plus en plus étriquées, avec une légi­ti­mité de plus en plus faible – le macro­nisme aura de ce point de vue consi­dé­ra­ble­ment abimé la démo­cra­tie en esca­mo­tant par deux fois (lors de la prési­den­tielle de 2022 et aujourd’­hui) une campagne élec­to­rale qui, autant que le suffrage, consti­tue une ressource poli­tique de légi­ti­mité.

De peu, si mal, mais à la fin, quand même, ils gagnent. Sauf qu’en 2024, cela risque fort de ne pas se passer ainsi. Nous ne sommes pas aujourd’­hui à dix jours du premier tour d’une élec­tion, mais à dix jours d’une bifur­ca­tion histo­rique. On a trop crié au loup, on connaît la chan­son – mais cette fois-ci, c’est vrai. Déter­mi­nés, et parfai­te­ment conscients de ce qu’ils veulent, les élec­teurs du Rassem­ble­ment natio­nal s’ap­prêtent à exer­cer leur pouvoir. Celui de se placer, avec un bulle­tin de vote, du bon côté de la fron­tière des inéga­li­tés raciales, alors que les épreuves de la vie, mais aussi et surtout la démis­sion des pouvoirs publics, leur font subir tant d’injus­tices sociales et terri­to­riales. Ils savent ce qu’ils font, et l’on a long­temps eu tort de ne pas prendre en consi­dé­ra­tion la ratio­na­lité de leur volonté poli­tique. Mais il faut alors avoir le courage de la décrire pour ce qu’elle est : une vision raciste du monde, dans laquelle on ne consi­dère comme rien ceux qui ne sont pas comme nous.

Le gouver­ne­ment s’acharne à symé­tri­ser les extrêmes

Là est le danger véri­table, le seul contre lequel doivent se mobi­li­ser toutes les éner­gies poli­tiques : la prise du pouvoir par l’ex­trême droite. Il n’est plus temps de jouer sur les mots, et encore moins de tricher avec eux. Le gouver­ne­ment et ses relais média­tiques s’acharnent à symé­tri­ser les « extrêmes », mais on ne fait pas adve­nir une vérité à force de l’as­sé­ner. Que celles et ceux qui s’inquiètent légi­ti­me­ment des outrances il est vrai parfois indignes et scan­da­leuses d’une certaine extrême gauche veuillent bien consi­dé­rer aujourd’­hui la réalité du rapport de force : c’est bien le Rassem­ble­ment natio­nal qui est aux portes du pouvoir.

Et que chacun se persuade que l’ar­gu­ment de l’usure du pouvoir (« après tout, s’ils le veulent, qu’ils le prennent, ils s’y brûle­ront les ailes ») n’est que le reflet tout aussi incon­sé­quent du fameux « après tout, on n’a jamais essayé ». Si, on a essayé, à bien des moments dans l’his­toire, et d’autres s’y essayent actuel­le­ment, non loin de nous. Ne mépri­sez pas le passé et consi­dé­rez le monde, et vous verrez alors ceci : quand elle prend le pouvoir, l’ex­trême droite ne le rend pas faci­le­ment. Elle gouverne mal, c’est vrai, et n’a aucune chance de tenir ses promesses, notam­ment en matière de maîtrise de l’im­mi­gra­tion. Mais elle rend la vie impos­sible aux étran­gers, afflige les plus dému­nis, multi­plie les brimades, ouvre les vannes à la violence et – le scéna­rio est toujours le même, c’est celui qui se déroule sous nos yeux dans l’Ita­lie de Geor­gia Meloni – se venge de son impuis­sance sur les femmes, les mino­ri­tés sexuelles, les liber­tés publiques et les insti­tu­tions cultu­relles. Or, puisque cette poli­tique ne déplaît pas, au fond, à son élec­to­rat, elle l’en­ra­cine davan­tage qu’elle ne la disqua­li­fie.

(…)

 Mais surtout : sortons de cette torpeur qui précède et qui prépare l’orage. Nous pensions avoir trois ans, et nous crai­gnions tant de nous lais­ser berner par le senti­ment pois­seux de l’iné­luc­table, ce fata­lisme de l’im­mi­nence qui préci­pite une catas­trophe si lente à venir. Or tout s’est préci­pité, et par la faute d’une de « ces petites fata­li­tés têtues qui se croient des provi­dences », on ne nous accorda que trois semaines. Il y eut le début d’un sursaut, puis tout à nouveau s’en­gour­dit, et tandis que les mâchoires du piège se resserre, chacun vaque désor­mais à ses petites compli­ca­tions inutiles, ses vani­tés, ses lâche­tés et ses calculs ordi­naires. Mais d’autres ne se résignent pas, qui doivent nous encou­ra­ger. Il est temps, il est grand temps. C’est main­te­nant.

Patrick Bouche­ron a derniè­re­ment signé l’ou­vrage le Temps qui reste (Seuil, 2023), ainsi que le texte « Dans le Front popu­laire – le vrai, celui des foules… » sur le site entre-temps.net.

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