Pourquoi l’urgence du moment oblige-t-elle le syndicalisme à faire
entendre sa voix ?
La France toute entière est au pied du mur. Le syndicalisme a une res-
ponsabilité particulière, majeure, dans ce moment de bascule. D’abord
la responsabilité d’être d’une clarté et d’une fermeté absolues à l’heure
où des digues sautent. Jamais, jamais, jamais nous n’accepterons la banalisation de la xénophobie et du racisme quotidiens, nous n’accepterons pas plus la démagogie et l’autoritarisme de l’extrême droite malgré son discours désormais lissé.
Nous avons en tant que syndicat notre mot à dire, car l’intérêt des
travailleuses et des travailleurs est précisément de ne pas se laisser divi-
ser, d’avoir des droits sociaux et démocratiques comme des libertés
que l’extrême droite veut leur reprendre.
Notre deuxième responsabilité majeure est de mener le com-
bat contre les conséquences désastreuses des politiques néolibérales
menées par le pouvoir qui font le lit de l’extrême droite.
Justement, en miroir, le programme du nouveau Front
populaire semble répondre aux exigences syndicales…
La capacité de la gauche à s’unir est en effet un élément clé de ce scrutin.
Nous y avons contribué en installant dès lundi deux choses. L’exigence
de l’unité portée entre autres par la FSU et un appel à l’action de cinq organisations syndicales, qui montre que les principales organisations syndicales représentant différentes sensibilités du monde du travail sont unies dans la lutte contre l’extrême droite.
Cette intersyndicale à cinq a mis également en avant dix mesures
à prendre qui sont à la fois des mesures rassembleuses, comme
revenir sur la réforme des retraites de 2023, et de rupture avec les politiques libérales. Rassembleur et de rupture, là est peut-être la quadrature du cercle, mais c’est cela qui installe un « climat » unitaire. Rassembleur pour que toutes les sensibilités se retrouvent, et de rupture car les gens sont vraiment en colère. Il est nécessaire de répondre aux fondements de cette détresse sociale que ce moment politique met en exergue.
La FSU envisage-t-elle de remettre en cause son indépendance
syndicale ?
La situation dramatique nous pousse à aller un peu plus loin que notre discours habituel au moment des élections mais sans déroger à nos grands principes et en particulier l’indépendance vis à vis des partis politiques. Cette indépendance n’a jamais signifié l’indifférence à ce qui se joue dans le débat public.
Nous ne sommes pas candidats au pouvoir, précisément car nous sommes un contre-pouvoir. Mais justement,
en tant que contre-pouvoir nous défendons l’intérêt du monde du
travail et des services publics pour faire en sorte que des mesures de
justice sociale soient mises en œuvre et pas des mesures de régression des droits sociaux et de division du corps social.
Dans ces moments particuliers, la FSU s’exprime donc pour
peser dans le débat public, et c’est en toute indépendance que nous
disons que la dynamique du Front populaire est source d’espoir. Elle
n’est pas parfaite, bien sûr, mais elle dessine un autre possible que le choix délétère qui prévalait entre un libéralisme de plus en plus autoritaire
et l’extrême droite. Nous savons que même en cas de victoire politique de la gauche, un mouvement social fort et indépendant sera indispen-
sable. Un mouvement social critique et exigeant, capable de soutenir les
mesures allant dans le bon sens mais aussi de se mobiliser pour en impo-
ser d’autres.
Comment la FSU envisage-t-elle de s’impliquer dans la campagne
électorale ?
L’enjeu est d’organiser la dynamique sociale qui nourrit la dynamique
politique. Cela veut dire concrètement que notre tâche de syndicalistes
est de mobiliser et réunir les collègues, de leur faire partager notre
analyse de l’urgence du moment, des dangers de l’extrême droite et
de la nécessité d’en convaincre autour de soi. Nous avons construit
une grande mobilisation le 15 juin, nous incitons aux réunions et dis-
cussions sur les lieux de travail comme partout dans la société. Nous
nous impliquons pour faire monter l’idée qu’il y a d’autres chemins, et
que cela passe dans l’immédiat par une mobilisation dans les urnes.
C’est à cela que nous sommes utiles, rien n’est inéluctable si nous mettons
nos forces dans la bataille.
Benoît Teste
Benoît Teste est secrétaire général de la FSU
“