En France et en Europe, combattre les puis­sants pour lutter contre la mort au travail

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En France et en Europe, combattre les puis­sants pour lutter contre la mort au travail

Alors que chaque jour en Europe neuf sala­riés meurent au travail – dont trois en France – nous orga­ni­sons avec ma collègue Marina Mesure et mon groupe « The Left – la Gauche au Parle­ment euro­péen » une grande initia­tive euro­péenne contre la mort au travail, qui sera diffu­sée en direct.

Député euro­péen La France Insou­mise, groupe The left, Inspec­teur du travail, CGT, Docteur en Science Poli­tique, auteur « 918 jours le combat d’un Inspec­teur du travail »

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En France et en Europe : combattre les puis­sants pour lutter contre la mort au travail !

En Europe, chaque jour 9 sala­riés meurent au travail, près de 3 millions de travailleurs sont victimes d’ac­ci­dents du travail et chaque année, 200 000 travailleurs meurent de mala­dies profes­sion­nelles.

La France fait d’ailleurs partie des cham­pions euro­péens où l’on meurt le plus au travail avec 3,32 acci­dents mortels pour 100 000 personnes en acti­vité (données Euro­stat 2021). Deux morts par jour et près de 600 000 acci­dents du travail par an !

Cette héca­tombe reste invi­si­bi­li­sée et large­ment méses­ti­mée. Les acci­dents du travail sont massi­ve­ment sous-décla­rés (par exemple pour les travailleurs ubéri­sés sous statut d’auto-entre­pre­neurs, pour les travailleurs mobiles d’un État à l’autre dans les chan­tiers du bâti­ment etc.)

Dans ce contexte l’Eu­rope des Macron et des Von Der Leyen est une Europe au service quasi exclu­sif des inté­rêts des patrons et des puis­sants, pour qui les « normes » sociales ne sont que des « contraintes » dont il faudrait s’ex­traire au motif d’une sacro-sainte compé­ti­ti­vité déga­gée de tout carcan. Le patro­nat français à travers le très réac­tion­naire MEDEF ne s’y est pas trompé, reven­diquant lors de la dernière campagne des élec­tions euro­péennes l’éla­bo­ra­tion d’un « plan global d’al­lé­ge­ment des règle­men­ta­tions appli­cables aux entre­prises ».

L’Union euro­péenne au service du seul capi­tal

Ces constats sont révol­tants. C’est pourquoi, lors de la campagne des élec­tions euro­péennes 2024, alors candi­dat sur la liste de la France insou­mise – Union popu­laire, je m’étais engagé à porter une fois élu la pers­pec­tive d’une direc­tive euro­péenne « zéro morts au travail ». Avec ma cama­rade et collègue Marina Mesure, qui avait déjà orga­nisé des initia­tives en ce sens, nous passons aux actes en coor­ga­ni­sant les 18 et 19 novembre prochain une grande initia­tive euro­péenne, soute­nue par notre groupe « The Left – la Gauche au Parle­ment euro­péen ». Nous allons réunir des asso­cia­tions, syndi­cats, inspec­teurs du travail, élu-es enga­gés sur ces ques­tions, pour que cesse l’hé­ca­tombe des morts au travail. Cela afin d’abou­tir dans les prochains mois à la construc­tion d’une direc­tive euro­péenne afin de proté­ger les travailleurs victimes d’ac­ci­dents et leurs familles souvent seuls face aux insti­tu­tions : droit d’être informé sur les procé­dures, droit à une indem­ni­sa­tion réelle des préju­dices, péna­li­sa­tion plus forte des patrons délinquants et crimi­nels, véri­table préven­tion des risques profes­sion­nels, renfor­ce­ment des services d’ins­pec­tion du travail, de la méde­cine du travail etc.

Et c’est peu dire que la tâche est immense tant l’Union euro­péenne se révèle quasi inexis­tante sur le sujet des morts au travail.

Évidem­ment les textes de l’Union euro­péenne rappellent des prin­cipes essen­tiels qui s’avèrent comme des droits formels bien plus que réels. C’est le cas par exemple de l’ar­ticle 31 de la Charte des droits fonda­men­taux qui affirme que « Tout travailleur a droit à des condi­tions de travail qui respectent sa santé, sa sécu­rité et sa dignité. ».

Mais, dans la réalité du fonc­tion­ne­ment de l’Union la « ques­tion sociale », la ques­tion des droits des travailleurs et des moyens de les garan­tir reste large­ment sous-trai­tée voir absente de nombreux textes.

Le cadre stra­té­gique de l’Union euro­péenne en matière de santé et de sécu­rité pour la période 2021–2027 ne traite que margi­na­le­ment de l’ins­pec­tion du travail et des moyens qu’il faudrait mettre en œuvre pour pouvoir, sur le terrain, s’as­su­rer de l’ap­pli­ca­tion et de l’ef­fec­ti­vité des mesures déci­dées notam­ment pour lutter contre les morts au travail.

Il en va de même avec la « vision zéro » issue de la réso­lu­tion du Parle­ment euro­péen du 17 décembre 2020 appe­lant les États membres à s’en­ga­ger à élimi­ner les décès liés au travail et à réduire les mala­dies profes­sion­nelles d’ici à 2030. Cet objec­tif est à l’heure actuelle inat­tei­gnable du fait de l’inac­tion, et ne pourra être atteint.

Le gouver­ne­ment Macron, complice de la mort au travail

Mais l’Eu­rope n’est pas la seule respon­sable. Macron et ses gouver­ne­ments succes­sifs ont alimenté les poncifs autour des acci­dents du travail qui, dans la « start-up nation » seraient « la faute à pas de chance » ou pire, la faute des victimes elles-mêmes ! Ces gouver­ne­ments qui conti­nuent de fermer les yeux sur ces drames qui, derrière les murs clos des entre­prises, ne troublent pas « l’ordre public » et l’ac­cu­mu­la­tion capi­ta­liste.

Il y aurait pour­tant lieu d’agir, notam­ment en renforçant les moyens d’une inspec­tion du travail exsangue après plus d’une décen­nie de casse systé­mique – il reste moins de 1800 inspec­trices et inspec­teurs sur le terrain pour plus de 20 millions de sala­riés du secteur privé à proté­ger et près de 2 millions d’éta­blis­se­ments soumis au contrôle – en renforçant les moyens juri­diques (péna­li­sa­tion des prin­cipes de préven­tions des articles L.4121–1 du Code du travail, créa­tion toujours dans le Code du travail d’un crime d’ho­mi­cide au travail), renfor­ce­ment des moyens de préven­tion à travers, notam­ment la forma­tion à la sécu­rité (et notam­ment l’abro­ga­tion du décret Hollande de 2015 qui a limité les possi­bi­li­tés de contrôle, par l’ins­pec­tion du travail, des équi­pe­ments de travail utili­sés par de jeunes mineurs en entre­prise).

À l’in­verse, au lieu d’agir, les gouver­ne­ments de Macron, se dissi­mu­lant derrière de prudes campagnes de commu­ni­ca­tion sur les acci­dents du travail, ont dans les faits massi­ve­ment déré­gle­men­ter le travail avec comme seule bous­sole une dimi­nu­tion du niveau de protec­tion collec­tive des sala­riés, alors même qu’en matière de droit du travail, les normes  (le Code du travail, les conven­tions et accords collec­tifs, l’Or­ga­ni­sa­tion Inter­na­tio­nale du Travail) sont à l’in­verse là pour proté­ger la « partie faible » du contrat : le sala­rié soumis au sacro-saint lien de subor­di­na­tion.

Ces poli­tiques se sont incar­nées évidem­ment avec les ordon­nances de 2017 qui, dans leur sillage, ont attaqué la justice prud’­ho­male via l’inique « baré­mi­sa­tion » des indem­ni­tés prud’­ho­males qui ne corres­pon­dait, ni plus ni moins, qu’à la créa­tion d’un permis de licen­cier abusi­ve­ment. Cette mesure a donné un signal clair au patro­nat du pays : vous êtes les maîtres de vos entre­prises et rien ne doit vous entra­ver. Avec ce brevet de servage, la logique de préser­va­tion de la santé de la sécu­rité et des condi­tions de travail – déjà diffi­cile à faire entendre au patro­nat- s’est trou­vée relé­guée.
Mais pire, la suppres­sion des CHSCT, les Comi­tés d’Hy­giène de Sécu­rité et des Condi­tions de Travail, est venue parache­ver cette offen­sive réac­tion­naire. Les CHSCT étaient issus d’une lente construc­tion issue de l’après-guerre jusqu’à la Loi Auroux du 23 décembre 1982 qui les avait « sacra­li­sés ». La créa­tion des CSE, les Comi­tés Sociaux et Écono­miques, a eu pour effet direct de suppri­mer dans toutes les entre­prises et établis­se­ments de 50 à 299 les CHSCT. Ces derniers n’étant « compen­sés » (que partiel­le­ment) dans les établis­se­ments de plus de 300 sala­riés par des Commis­sions Spécia­li­sées en Santé, Sécu­rité et Condi­tions de Travail (CSSCT).

Sur le terrain les inspec­trices et inspec­teurs du travail ne peuvent d’ailleurs que consta­ter les effets de ces mesures sur la hausse des acci­dents du travail en entre­prise.

Mais les ordon­nances Macron ne sont que la partie visible d’un iceberg bien plus grand. Les attaques n’ont pour ainsi dire jamais cessé depuis 8 ans (et elles avaient commencé bien avant sous le mandat de Hollande dont la loi El Khomri de 2016). Ainsi l’ex-ministre du Travail Cathe­rine Vautrin s’est fait le relais de l’ac­tion des lobbies patro­naux pour, le 9 juillet dernier, faire publier au Jour­nal offi­ciel un décret permet­tant aux employeurs de suspendre, de leur seule initia­tive, le repos hebdo­ma­daire des travailleurs pour certains travaux, dont les vendanges !

Cette attaque contre le droit au repos fruit de tant de luttes du mouve­ment ouvrier incarne à elle seule le fonds de commerce du macro­nisme : agir jusqu’au bout pour suppri­mer toutes les protec­tions conquises par les travailleurs et leurs orga­ni­sa­tions au cours du XXe siècle.

Les arrê­ter, tout recons­truire, créer de nouveaux droits, proté­ger réel­le­ment celles et ceux, travailleuses et travailleurs dont le labeur abîme les corps et les esprits, parfois jusqu’à la mort. Voilà l’un des enjeux des prochaines années. Luttons pour que notre initia­tive, à sa mesure, permette d’y aider.

Vous pouvez suivre cette initia­tive https://left.eu/events/stop-death-at-work/

 

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