5 décembre 2025

Regards. Pablo Pillaud-Vivien. « La France n’a plus les moyens de ses riches »

La France n’a plus les moyens de ses riches

par Pablo Pillaud-Vivien

211 milliards d’eu­ros versés aux entre­prises sans contrôle : et si le vrai gouffre budgé­taire, c’était les action­naires ?

C’est un chiffre qui fait l’ef­fet d’un coup de tonnerre dans le ciel de la ratio­na­lité écono­mique : 211 milliards d’eu­ros d’aides publiques versées aux entre­prises en 2023. Un chiffre avancé par un rapport séna­to­rial porté par le commu­niste Fabien Gay et son homo­logue LR Olivier Riet­mann. C’est un tiers du budget de l’État et trois fois le budget de l’Édu­ca­tion natio­nale. Un chiffre inédit, colos­sal, bien supé­rieur aux esti­ma­tions précé­dentes – entre 30 et 150 milliards. L’argent public coule à flots.

Aussi stupé­fiante est l’ab­sence de contrôle, de condi­tion­na­lité, de suivi démo­cra­tique. Ces aides, comme l’écrit le rapport, sont distri­buées « en saupou­drage », sans véri­table évalua­tion de leur effi­ca­cité, sans exigence de créa­tion d’em­plois, d’in­ves­tis­se­ments ou de tran­si­tion écolo­gique, et souvent sans même qu’on sache à qui elles profitent exac­te­ment. Une poli­tique de la carotte, sans bâton, au service d’un capi­ta­lisme assisté – mais discrè­te­ment. La poli­tique pro-busi­ness d’Em­ma­nuel Macron depuis 10 ans a été faite au nom de la lutte contre le chômage, des inves­tis­se­ments d’ave­nir et la réin­dus­tria­li­sa­tion. Bilan : l’in­dus­trie n’a jamais été aussi faible dans notre pays et on n’a jamais vu autant de travailleurs pauvres.

Pendant ce temps, François Bayrou déclare que les finances publiques de la France sont « en danger mortel ». Mais qui met en danger la Répu­blique ? Les hôpi­taux ? Les chômeurs ? Les 15% de Français offi­ciel­le­ment pauvres, selon l’In­see ? Ou bien ce système où l’État verse sans contrôle la richesse du pays, tout en restrei­gnant les services publics ? Il faut le dire clai­re­ment : la France n’a plus les moyens de ses riches. Ce sont eux qui coûtent, qui captent, qui échappent. L’aide sociale la plus massive aujourd’­hui, c’est l’aide aux grandes entre­prises et aux action­naires. Et contrai­re­ment au RSA, elle n’est soumise à aucune obli­ga­tion. On soumet les précaires à 15 heures hebdo­ma­daires de petits boulots au nom de la respon­sa­bi­li­sa­tion mais on gave les puis­sants sans la moindre contre­par­tie.

Pour­tant, nous sommes confron­tés à un mur d’in­ves­tis­se­ments indis­pen­sables. Pour faire face aux dérè­gle­ments clima­tiques et conduire la tran­si­tion écolo­gique, pour rebâ­tir l’école, pour la santé, les trans­ports, la justi­ce… On lutte contre les incen­dies qui ravagent Marseille et l’arc médi­ter­ra­néen avec des moyens dégra­dés. Pourquoi ? Parce que le gouver­ne­ment Attal, par décret, a annulé les crédits qui devaient servir à comman­der des avions supplé­men­taires pour la lutte contre les feux de forêt. Une déci­sion prise au nom du « redres­se­ment des finances publiques » alors que les incen­dies ont coûté deux milliards au pays l’an passé.

Ce que révèle le rapport de Fabien Gay, ce n’est pas une défaillance admi­nis­tra­tive, c’est un choix de classe, habillé en poli­tique écono­mique. Dans la sixième puis­sance écono­mique mondiale, on orga­nise la préca­rité d’en bas pour mieux garan­tir la pros­pé­rité d’en haut. Au détri­ment du futur et même de notre présent immé­diat. Il est temps de renver­ser cette logique. Et de rappe­ler que l’État n’est pas une caisse enre­gis­treuse au service du CAC 40 mais un outil censé défendre l’in­té­rêt géné­ral, la cohé­sion du pays et prépa­rer l’ave­nir.

Pablo Pillaud-Vivien

 

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