5 décembre 2025

Le Monde. 31 octobre. Extraits. Le jour où l’As­sem­blée natio­nale a voté un texte de l’ex­trême droite

https://www.lemonde.fr/poli­tique/article/2025/10/31/le-jour-ou-l-extreme-droite-a-triomphe-a-l-assem­blee-natio­nale-le-signal-est-clair-on-arrive_6650358_823448.html

Le jour où l’As­sem­blée natio­nale a voté un texte de l’ex­trême droite

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Publié le 31 octobre 2025

 

Le cordon sani­taire margi­na­li­sant le Rassem­ble­ment natio­nal (RN) ne tenait plus qu’à un fil. Il s’est rompu jeudi 30 octobre. Pour la première fois depuis 1958 et l’ins­tau­ra­tion de la Ve Répu­blique, l’As­sem­blée natio­nale a voté un texte porté par l’ex­trême droite. Par 185 voix contre 184, les dépu­tés ont adopté une propo­si­tion de réso­lu­tion visant la dénon­cia­tion de l’ac­cord franco-algé­rien du 27 décembre 1968, inscrite à l’ordre du jour par le RN dans le cadre de sa niche parle­men­taire.

Juri­dique­ment, ce scru­tin n’est pas contrai­gnant : Emma­nuel Macron peut balayer la demande de l’As­sem­blée natio­nale d’abro­ger la conven­tion insti­tuant un régime déro­ga­toire au droit commun des étran­gers. Symbo­lique­ment, il offre aux héri­tiers du Front natio­nal une victoire insti­tu­tion­nelle histo­rique. Le tout sur son sujet de prédi­lec­tion : la lutte contre l’im­mi­gra­tion. « Ce n’est pas un tour­nant, c’est une marche », s’est empres­sée de saluer Marine Le Pen, dubi­ta­tive, la veille encore, sur ses chances de succès dans la confi­gu­ra­tion actuelle de l’Hé­mi­cycle.

C’était comp­ter sans le soutien massif et inédit apporté à ses troupes par Les Répu­bli­cains (LR) et Hori­zons. Cette droite qui, en 1986, lors de l’ar­ri­vée à l’As­sem­blée natio­nale d’un groupe mené par Jean-Marie Le Pen, avait érigé un cordon contre l’ex­trême droite. (…) « Ce vote prouve que nous sommes capables de travailler avec d’autres groupes : on a trans­formé notre majo­rité très rela­tive en majo­rité abso­lue en convainquant d’autres forces de nous rejoindre, se réjouit Renaud Labaye, secré­taire géné­ral du groupe. Le signal est clair, on arrive ! »

(…)

La droite fait désor­mais fi de l’ori­gine d’une loi. « Quand le RN porte des projets ou des convic­tions que nous parta­geons, il n’y a aucune raison d’être dans des postures poli­ti­ciennes », explique Laurent Wauquiez. En 2023, LR avait proposé un texte simi­laire dans sa niche parle­men­taire, à l’ini­tia­tive de Michèle Taba­rot, dépu­tée des Alpes-Mari­times et fille d’un ancien agent de liai­son de l’Or­ga­ni­sa­tion armée secrète (OAS). « J’au­rais préféré que ce soit notre niche comme il y a deux ans, là on donne une victoire poli­tique à Le Pen », déplore un député LR absent.

« Ce vote ne fait que confir­mer ce que l’on sent, voit et entend depuis des mois : une partie de la droite répu­bli­caine bascule vers l’ex­trême droite et serait prête, demain, à parti­ci­per à une même majo­rité », constate Richard Ramos (MoDem). Pour l’élu du Loiret, « un texte de loi, c’est comme les blagues : tout dépend de ceux qui les font. Et quand a lieu la niche RN, il faut monter au combat ».

(…)

Edouard Philippe n’a pas seule­ment contri­bué au succès de Marine Le Pen en pous­sant ses élus au vote, il a égale­ment ouvert une scis­sion dans le bloc macro­niste. Ses parte­naires du MoDem et de Renais­sance ont vite dénoncé la prise d’in­dé­pen­dance du maire du Havre (Seine-Mari­time), crai­gnant qu’elle ne s’ins­crive dans une droi­ti­sa­tion de sa course à l’Ely­sée.(…)

Sonnés par la victoire de l’ex­trême droite, les partis de gauche tempê­taient contre un « texte raciste » porté par un député (Guillaume Bigot, Terri­toire de Belfort) les assi­mi­lant à un « parti de l’étran­ger ». Chacun a regretté l’ab­sence d’une voix pour inver­ser l’is­sue ; tout en remarquant la parti­cu­lière mobi­li­sa­tion de leurs effec­tifs (de 73 % à 84 %), commu­nistes mis à part (33 % présents). A l’heure de l’ex­pli­ca­tion, ils en voulaient moins à Edouard Philippe – dont les consignes étaient connues – qu’à Gabriel Attal.(…)

Défaut coupable d’an­ti­ci­pa­tion ou malaise devant les dissen­sions créées par le sujet dans ses rangs ? Au-delà de son cas person­nel, ses bancs déserts, comme ceux du MoDem (13 dépu­tés sur 36, 10 « contre »), ont fait bondir la gauche. « Où est Gabriel Attal ?, a répété Cyrielle Chate­lain, prési­dente du groupe écolo­giste. Etre un parti de gouver­ne­ment, c’est être dans l’Hé­mi­cycle quand il y a un combat impor­tant. Etre un parti de gouver­ne­ment, c’est faire barrage, digue, contre le RN. »

(…)

Sébas­tien Lecornu s’est chargé d’ap­por­ter au RN la deuxième victoire qui lui échap­pait dans l’Hé­mi­cycle. En marge d’un dépla­ce­ment dans la Manche, le premier ministre a refusé de commen­ter la victoire de l’ex­trême droite, mais il y a fait droit. « Il faut rené­go­cier [l’ac­cord de 1968] parce qu’il appar­tient à une autre époque », a-t-il plaidé, tout en rappe­lant que la déci­sion reve­nait au chef de l’Etat. Par sa réac­tion, posi­tive, le chef du gouver­ne­ment a confirmé que le triomphe du RN n’avait rien de symbo­lique et qu’il débor­dait large­ment de l’en­ceinte de l’As­sem­blée natio­nale.

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