5 décembre 2025

Les Émirats et le Soudan : un sous-impé­ria­lisme contre-révo­lu­tion­naire 

Les Émirats et le Soudan : un sous-impé­ria­lisme contre-révo­lu­tion­naire (+ autre texte)

Source – Spectre. Le 15 août 2025 :
https://spec­trejour­nal.com/uaes-subim­pe­ria­lism-in-sudan/
https://inpre­cor.fr/les-emirats-et-le-soudan-un-sous-impe­ria­lisme-contre-revo­lu­tion­naire
https://www.europe-soli­daire.org/spip.php?arti­cle76789
https://www.afrique­sen­lutte.org/afrique-de-l-est/soudan/article/les-emirats-et-le-soudan-un-sous-impe­ria­lisme-contre-revo­lu­tion­naire

Les Émirats et le Soudan : un sous-impé­ria­lisme contre-révo­lu­tion­naire

Le Soudan n’est aujourd’­hui pas seule­ment le champ de bataille où s’af­frontent deux factions mili­ta­ri­sées. Il est égale­ment le cime­tière des hypo­cri­sies régio­nales et inter­na­tio­nales ainsi qu’un cas concret du phéno­mène du sous-impé­ria­lisme.

Un pays sous-impé­ria­liste est un pays qui, sans être une grande puis­sance impé­ria­liste, agit dans le sens des puis­sances impé­ria­listes et se comporte dans sa région comme un impé­ria­lisme. Et juste­ment, la guerre qui ravage le Soudan depuis avril 2023 ne se réduit pas à une tragé­die souda­naise, elle est la mani­fes­ta­tion d’un ordre mondial dans lequel les inté­rêts finan­ciers, l’in­fluence mili­taire et les affi­lia­tions stra­té­giques comptent davan­tage que la vie des popu­la­tions et que les aspi­ra­tions démo­cra­tiques. Au cœur de cette confi­gu­ra­tion se trouvent les Émirats arabes unis.

Le rôle des Émirats au Soudan n’a rien d’une anoma­lie. Il fait partie inté­grante d’un projet cohé­rent, abon­dam­ment financé et d’en­ver­gure régio­nale : une poli­tique sous-impé­ria­liste qui combine extrac­tion écono­mique, construc­tion d’al­liances auto­ri­taires et contre-révo­lu­tion, derrière le paravent d’une diplo­ma­tie sophis­tiquée et de parte­na­riats inter­na­tio­naux. Le Soudan, pour son malheur, en est l’un des prin­ci­paux labo­ra­toires.

Du prin­temps arabe à la révo­lu­tion de Décembre : une menace pour l’ordre émirati
Les racines du rôle destruc­teur des Émirats au Soudan remontent à plus d’une décen­nie. En 2011, les Émirats (avec l’Ara­bie saou­dite) consi­dèrent le Prin­temps arabe comme une menace exis­ten­tielle pour les régimes auto­ri­taires de la région et pour leur propre mode de gouver­ne­ment – une monar­chie rentière repo­sant sur la coer­ci­tion, la corrup­tion et l’étouf­fe­ment de la contes­ta­tion. La chute de Ben Ali en Tuni­sie et celle de Mouba­rak en Égypte, et la montée de mouve­ments démo­cra­tiques en Libye, au Yémen et à Bahreïn, sont pour les diri­geants émira­tis les signes avant-coureurs d’une tempête qui doit être conte­nue à tout prix.

Les Émirats deviennent alors une force qui n’est pas simple­ment réac­tion­naire, mais acti­ve­ment contre-révo­lu­tion­naire. En Égypte, ils financent le coup d’État qui amène au pouvoir Abdel Fattah al-Sissi et aident à la recons­truc­tion de l’ap­pa­reil répres­sif égyp­tien. En Libye, ils soutiennent la guerre que mène Khalifa Haftar contre le gouver­ne­ment reconnu inter­na­tio­na­le­ment, guerre qui mène à une divi­sion de fait du pays. Et au Soudan, les Émirats tissent des liens étroits avec le régime d’Omar el-Béchir et, dans les années qui suivent, renforcent leur alliance avec les Forces de soutien rapides (FSR). Les FSR, groupe para­mi­li­taire, sont les succes­seurs des milices janja­wids qui, pour le compte du régime d’Omar el-Béchir, ont commis des atro­ci­tés contre les civil·es et les rebelles au cours des années 2000.

La révo­lu­tion popu­laire souda­naise de décembre 2018, qui abou­tit au renver­se­ment d’Omar el-Béchir en avril 2019, remet direc­te­ment en ques­tion le projet régio­nal des Émirats. La révo­lu­tion est démo­cra­tique, diri­gée par des civils et expli­ci­te­ment oppo­sée aux mili­taires. Les Émirats se retrouvent face à un dilemme : comment main­te­nir leur influence au Soudan sans appa­raître comme ouver­te­ment hostiles à la révo­lu­tion ?

Une solu­tion élabo­rée est trou­vée : par la coop­ta­tion, la divi­sion et l’in­ves­tis­se­ment mili­taire à long terme, en parti­cu­lier dans les FSR.

L’as­cen­sion des FSR : un instru­ment de l’in­fluence sous-impé­ria­liste
Les Forces de soutien rapide, sous le comman­de­ment de Moha­med Hamdan Daglo dit «  Hemedti  », deviennent l’al­lié parfait pour les Émirats arabes unis. En avril 2019, Hemedti (aux côtés des diri­geants de l’ar­mée et des services de sécu­rité) orga­nise l’évic­tion d’Omar el-Béchir, de peur que le régime ne s’ef­fondre face à la révo­lu­tion. Abdel Fattah al-Burhan et Hemedti prennent la tête du Conseil mili­taire de tran­si­tion, puis deviennent les chefs de file des mili­taires dans le gouver­ne­ment de tran­si­tion qui doit diri­ger le pays pour une période de 39 mois.

Mais les rela­tions des FSR avec les Émirats sont plus anciennes. En 2015, le régime d’el-Béchir envoie des combat­tants des FSR ainsi que de l’ar­mée souda­naise pour parti­ci­per, sous comman­de­ment émirati, à la guerre menée au Yémen par l’Ara­bie saou­dite. En retour, Hemedti reçoit des armes, un soutien logis­tique et un appui diplo­ma­tique. Un échange qui combine sous-trai­tance mili­taire et légi­ti­mité poli­tique.

Hemedti présente deux atouts essen­tiels. D’une part, sa capa­cité à pratiquer la violence : il repré­sente une force prête à répri­mer la contes­ta­tion, à mener des guerres et à élimi­ner les concur­rents. D’autre part, l’ac­cès écono­mique, en parti­cu­lier au lucra­tif commerce de l’or, que les FSR contrôlent de plus en plus.

Entre 2013 et 2023, les FSR resserrent leur emprise sur l’ex­trac­tion de l’or au Soudan, en parti­cu­lier au Darfour et dans les autres régions péri­phé­riques du pays. Une grande partie de cet or est ache­mi­née par contre­bande aux Émirats, qui deviennent la prin­ci­pale desti­na­tion de l’or du conflit souda­nais. Cet or sape le pouvoir civil, finance des milices et renforce les seigneurs de la guerre.

Le coup d’État d’oc­tobre 2021, couvert par les Émirats
Lorsque les Forces armées souda­naises (diri­gées par Abdel Fattah al-Burhan) et les Forces de soutien rapide (diri­gées par Hemedti) réalisent un coup d’État le 2  octobre 2021, c’en est offi­ciel­le­ment fini de la tran­si­tion démo­cra­tique au Soudan. Les Émirats ne condamnent pas, ils font de la diplo­ma­tie.

Dans ses décla­ra­tions publiques, Abou Dhabi appelle à la «  rete­nue  » et au «  dialogue  ». En coulisse, les Émirats main­tiennent leurs liens tant avec al-Burhan qu’a­vec Hemedti, et jouent sur les deux tableaux tout en préser­vant leur capa­cité d’in­fluence. Les FSR restent toute­fois le prin­ci­pal instru­ment des Émirats, et leurs liens écono­miques, notam­ment par l’or, se resserrent encore.

(…)

Le sous-impé­ria­lisme émirati en Afrique : ports, or et bras armés
Le Soudan n’est pas le seul théâtre dans lequel les Émirats ont exporté leur influence par des moyens mili­taires, écono­miques et poli­tiques. Au cours des quinze dernières années, les Émirats ont étendu leur présence écono­mique en Afrique en inves­tis­sant dans les ports, les aéro­ports et les projets d’in­fra­struc­tures. Ces initia­tives ne sont pas seule­ment guidées par des inté­rêts écono­miques, elles servent égale­ment à étendre l’in­fluence du pays. Les Émirats ont signé d’im­por­tants accords de coopé­ra­tion mili­taire et réalisé des inves­tis­se­ments signi­fi­ca­tifs dans les domaines des terres agri­coles, des éner­gies renou­ve­lables, des mines et des télé­com­mu­ni­ca­tions, ce qui fait d’eux un acteur impor­tant de la géopo­li­tique régio­nale.

Les Émirats, pays péri­phé­rique qui adopte un compor­te­ment impé­ria­liste au sein de sa région tout en restant dépen­dant des États-Unis (c’est-à-dire d’une puis­sance impé­ria­liste de premier plan), illus­trent la trans­for­ma­tion actuelle en États sous-impé­ria­listes de nombreuses puis­sances régio­nales.

Les Émirats cherchent à déve­lop­per une influence qui se passe­rait de règles et une puis­sance qui n’au­rait aucun compte à rendre. La frag­men­ta­tion et la faiblesse des insti­tu­tions dans des pays comme le Soudan, la Libye et le Yémen, ainsi que l’in­dif­fé­rence inter­na­tio­nale vis-à-vis de leur situa­tion, four­nissent un terreau fertile à l’in­gé­rence émira­tie.

Au Soudan, cette stra­té­gie a pris un tour parti­cu­liè­re­ment violent, du fait à la fois de l’im­por­tance de ces enjeux (or, posi­tion géopo­li­tique, influence poli­tique sur l’un des plus grands pays d’Afrique) et de la révo­lu­tion souda­naise, dont l’ave­nir était plein d’in­cer­ti­tude. Les FSR, avec leur atti­tude d’ar­mée privée exerçant des préro­ga­tives d’État, étaient un parte­naire idéal pour les Émirats.

La guerre de 2023 : un bain de sang par procu­ra­tion dont les Émirats s’exo­nèrent
En 2023, tandis que la guerre entre les Forces de soutien rapide et l’ar­mée souda­naise s’in­ten­si­fiait, les FSR ont pu tirer parti de stocks de four­ni­tures, de chaînes logis­tiques et de lieux sûrs dans la région. Autant d’élé­ments carac­té­ris­tiques d’un soutien exté­rieur. Le rôle des Émirats arabes unis dans la guerre a été mis en évidence, à de nombreuses reprises, par des orga­ni­sa­tions de défense des droits humains, par des jour­na­listes et par des mili­tant·es souda­nais·es. Pour­tant, pas un seul respon­sable émirati n’a été sanc­tionné. Aucune pres­sion n’a été exer­cée pour qu’A­bou Dhabi arrête les trans­ferts d’or ou d’armes.

Au contraire, les insti­tu­tions inter­na­tio­nales, notam­ment le conseil de sécu­rité de l’ONU, sont restées para­ly­sées, invoquant pour se justi­fier un blocage géopo­li­tique et un manque de clarté. Et ce sont les civil·es souda­nais·es qui en ont payé le prix.

Les pour­par­lers et les confé­rences pour la paix qui ont eu lieu à Djed­dah, à Addis-Abeba, au Caire, à Bahreïn, à Genève et à Londres ont fait long feu. Ces initia­tives ont souvent exclu les voix civiles, tout en offrant l’op­por­tu­nité aux factions mili­taires de redo­rer leur blason. Les FSR ont conti­nué à être légi­ti­mées par des médias inter­na­tio­naux, tandis que leurs crimes de guerre étaient rela­ti­vi­sés ou mis sous le tapis.

De la révo­lu­tion à la guerre : la lutte des Souda­nais·es contre le sous-impé­ria­lisme
Ne voir la guerre civile actuelle que comme un affron­te­ment entre deux géné­raux, c’est igno­rer la lutte que mène le peuple souda­nais depuis des décen­nies contre les gouver­ne­ments mili­taires et l’ex­ploi­ta­tion étran­gère, et contre le système inter­na­tio­nal qui les rend possibles.

Quand les Souda­nais·es se sont soule­vé·es en décembre 2018, leurs reven­di­ca­tions ne se limi­taient pas au renou­vel­le­ment du person­nel diri­geant. Ils et elles exigeaient une trans­for­ma­tion complète de l’État : la liberté, la paix, la justice sociale, un gouver­ne­ment civil et que les diri­geants rendent des comptes. Le slogan « liberté, paix et justice » n’était pas rhéto­rique : sa portée était révo­lu­tion­naire, et c’est par des balles, des arres­ta­tions, des massacres et par la trahi­son que le pouvoir y a répondu.

Les comi­tés de résis­tance, les groupes de femmes, les syndi­cats et les asso­cia­tions profes­sion­nelles ont pour­suivi leur travail mili­tant durant la période de la tran­si­tion et même après le coup d’État d’oc­tobre 2021. Ces orga­ni­sa­tions ont refusé d’ac­cep­ter l’au­to­rité mili­taire, ont rejeté les accords de norma­li­sa­tion que l’on cher­chait à leur impo­ser de l’ex­té­rieur, et ont main­tenu l’idée que la démo­cra­tie doit venir du peuple, pas de sommets inter­na­tio­naux ou de factions armées. Leur vision a été expri­mée dans des docu­ments de réfé­rence, notam­ment des chartes et des commu­niqués de presse, ainsi que dans des slogans habi­le­ment compo­sés et scan­dés lors des mani­fes­ta­tions paci­fiques.

Cette résis­tance par en bas consti­tuait une menace à la fois pour les élites souda­naises et pour les puis­sances régio­nales telles que les Émirats, qui préfèrent un Soudan soumis qui exporte de l’or et des merce­naires, plutôt que des idées et des révo­lu­tions. Le modèle égyp­tien de gouver­ne­ment mili­taire, soutenu par l’argent du Golfe et la tolé­rance de l’Oc­ci­dent, s’était imposé comme l’une des réponses contre-révo­lu­tion­naires essen­tielles face au Prin­temps arabe de 2010–2011. Il s’agis­sait donc de repro­duire au Soudan ce modèle égyp­tien, mais la jeunesse souda­naise s’y est ferme­ment oppo­sée.

Davan­tage qu’un simple conflit entre les FSR et les Forces armées souda­naises, la guerre en cours est par de nombreux aspects une guerre contre-révo­lu­tion­naire contre le peuple souda­nais. Les deux camps s’en sont pris à des civil·es, ont fait obstacle à l’aide huma­ni­taire et ont essayé d’ins­tru­men­ta­li­ser la société civile, et l’un comme l’autre ont été proté­gés (direc­te­ment ou indi­rec­te­ment) par des acteurs inter­na­tio­naux qui ne souhaitent pas que les choses changent.

Démasquer le rôle des Émirats : l’or, les armes et la géopo­li­tique
À l’heure qu’il est, les preuves ne laissent plus de doute : de l’or est ache­miné jusqu’à Dubaï depuis des zones sous contrôle tant des Forces de soutien rapide que de l’ar­mée souda­naise, et ce trafic alimente des réseaux illé­gaux et finance le conflit. (…)

Les Émirats ne sont pas un État du Golfe neutre qui cher­che­rait à parve­nir à la paix. Ils sont un acteur du conflit et agissent via un inter­mé­diaire, les FSR, tout en conti­nuant à démen­tir leur impli­ca­tion.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la commu­nauté inter­na­tio­nale sont complices par leur silence
Malgré l’abon­dance de preuves que les Émirats soutiennent les FSR et ont fragi­lisé la tran­si­tion démo­cra­tique, la réac­tion inter­na­tio­nale est faible, si ce n’est complice. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Union euro­péenne et de nombreux pays euro­péens ont certes appelé à des cessez-le-feu et à la protec­tion des civils, mais aucun n’a imposé de sanc­tions contre les profi­teurs de guerre ou les trafiquants d’or, qu’ils soient émira­tis ou étran­gers.

(…)Cela fait long­temps que de nombreux·ses spécia­listes affirment que la guerre au Soudan s’est trans­for­mée en conflit par procu­ra­tion, avec d’un côté les Émirats qui soutien­draient les FSR et de l’autre l’Ara­bie saou­dite qui soutien­drait les Forces armées souda­naises.(…)

Ce qui précède ne doit pas être compris comme une tenta­tive d’ab­soudre l’ar­mée souda­naise des crimes de guerre qu’elle a commis contre les civil·es lors de ce conflit ou durant le reste de son histoire. Il s’agit plutôt de mettre en lumière les mani­gances de l’ad­mi­nis­tra­tion Trump visant à renfor­cer ses liens avec les pays du Golfe en renver­sant les termes du débat, alors qu’elle ne parvient pas à mettre fin à la guerre.

Les civil·es souda­nais·es paient le prix du silence
Les consé­quences du silence inter­na­tio­nal ne sont pas théo­riques, elles sont d’une bruta­lité bien réelle. Les mort·es se comptent par centaines de milliers. Les dépla­cé·es sont des millions, et beau­coup d’entre elles et eux doivent vivre dans des camps insa­lubres par-delà les fron­tières ou dans des villes assié­gées. Les infra­struc­tures du pays, notam­ment les univer­si­tés, les hôpi­taux et les insti­tu­tions cultu­relles, ont été systé­ma­tique­ment détruites, dans ce qui s’ap­pa­rente à une guerre déli­bé­rée menée contre la société souda­naise. Des témoi­gnages indiquent l’am­pleur des violences sexuelles qui sont commises, et montrent qu’une des méthodes de guerre des FSR est de cibler les femmes et les jeunes filles.

Cepen­dant, la résis­tance souda­naise n’a pas disparu. Elle s’est adap­tée, s’est décen­tra­li­sée et a repris contact avec ses alliés inter­na­tio­naux. Des Souda­nais·es ordi­naires, dans le pays comme à l’étran­ger, assurent une aide huma­ni­taire précieuse et s’oc­cupent de la santé et de l’édu­ca­tion. Ils et elles font un travail mili­tant, docu­mentent les faits et exigent justice. Ils et elles ont besoin de soli­da­rité et plutôt que de charité ; de sanc­tions contre les coupables plutôt que d’ex­pres­sions de sympa­thie.

Ce qu’il faut faire : passer à l’ac­tion
Pour arrê­ter la guerre au Soudan et empê­cher de nouvelles guerres, il faut s’en prendre à la fois aux acteurs locaux et à leurs soutiens inter­na­tio­naux. Il s’agit entre autres de sanc­tion­ner toutes les enti­tés étran­gères qui financent et arment les FSR, notam­ment les entre­prises et personnes impliquées aux Émirats arabes unis. Il faut égale­ment dénon­cer et inter­rompre le trafic d’or, notam­ment ses filières qui passent par Dubaï et ses liens avec le finan­ce­ment des FSR. Une enquête doit être menée sur le rôle des Émirats dans les livrai­sons d’armes et des méca­nismes inter­na­tio­naux doivent être mis en place pour bloquer cette chaîne d’ap­pro­vi­sion­ne­ment. Tout aussi impor­tant est le soutien aux initia­tives civiles souda­naises, comme les struc­tures d’ur­gences médi­cales, les comi­tés de résis­tance, les corri­dors huma­ni­taires, la docu­men­ta­tion des crimes par les victimes et les médias indé­pen­dants. Enfin, nous devons remettre en cause la logique poli­tique de l’al­liance entre l’Oc­ci­dent et le Golfe, qui traite les Émirats et l’Ara­bie saou­dite comme des parte­naires intou­chables : les parte­na­riats stra­té­giques ne doivent pas se payer en vies humaines.

L’enjeu ne se limite pas au Soudan. Il reflète la vision du monde voulue et propa­gée par les tyrans, un monde où l’au­to­ri­ta­risme est sous-traité et où l’im­pé­ria­lisme a un visage régio­nal. Si le sous-impé­ria­lisme est victo­rieux au Soudan, il s’éten­dra en Afrique, au Moyen-Orient et au-delà.

Un autre avenir reste possible. Les mouve­ments révo­lu­tion­naires au Soudan, avec leur exigence inébran­lable de gouver­ne­ment civil et de justice sociale, portent une alter­na­tive puis­sante, fondée sur la légi­ti­mité popu­laire, les prin­cipes démo­cra­tiques et la soli­da­rité trans­na­tio­nale. Pour que cet avenir se réalise, il faudra plus que des décla­ra­tions de soutien aux acteurs civils souda­nais. Nous devons mener une confron­ta­tion critique avec les systèmes poli­tiques et écono­miques inter­na­tio­naux qui nour­rissent l’au­to­ri­ta­risme et les inter­fé­rences étran­gères. Tout effort dans ce sens doit commen­cer par une compré­hen­sion lucide de ces réali­tés et par un enga­ge­ment ferme en faveur de la justice, un enga­ge­ment qui refuse d’être déna­turé par des inté­rêts stra­té­giques ou des affi­lia­tions géopo­li­tiques.

Husam Mahjoub
Source – Spectre. Le 15 août 2025 :
https://spec­trejour­nal.com/uaes-subim­pe­ria­lism-in-sudan/
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https://www.europe-soli­daire.org/spip.php?arti­cle76789
https://www.afrique­sen­lutte.org/afrique-de-l-est/soudan/article/les-emirats-et-le-soudan-un-sous-impe­ria­lisme-contre-revo­lu­tion­naire

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