Reve86 a reçu ce texte d’une lectrice, Catherine Poilly. Nous la publions avec un retard dont nous excusons auprès d’elle.
La critique d’Alternatiba et du réseau Sortir du nucléaire faite dans ce texte n’engage pas Ensemble!86. Mais au-delà de telle ou telle appréciation, le débat engagé ici par cette camarade mérite attention. Et réponses.
PB, 4–4–2019
« La catastrophe climatique n’attend pas, elle est déjà là. Ce monde globalisé est la catastrophe.
Nous allons dans le mur et il nous reste peu de temps pour faire bouger les choses. De plus, rien n’est caché, toute personne un tant soit peu intéressée, peut comprendre que :
- Il faut changer radicalement la trajectoire pour que la vie sur terre ne devienne pas rapidement un enfer,
- Les petits pas ne suffiront pas (même Nicolas HULOT y a renoncé !) et qu’il ne peut y avoir de solution qu’en dehors du capitalisme, que développement durable, soutenable, croissance verte et autre transition écologique ne sont que des actions de greenwashing, soit l’adaptation d’un système toujours plus agressif socialement et écologiquement.
Par ailleurs ce système brutalise autant la planète que les hommes, c’est le même calcul froid, au service des intérêts des plus riches, et c’est d’abord parce que l’on ne respecte pas les hommes – tous les hommes – que l’on peut transformer leur monde en marchandise. C’est la violence du capitalisme qu’il faut détruire.
C’est pourquoi, il paraît vraiment cohérent, voire indispensable, de lier intimement luttes sociales et marche climat.
Bien sûr, il y a nécessité d’élargir le mouvement et de veiller à ce qu’un maximum de gens puissent y participer, mais ambiance festive ne veut pas dire discours édulcoré, ni compromis de toute sorte.
Ce qui s’est passé à Poitiers le 15 mars sème le doute sur les objectifs visés par Alternatiba.
Alors que les mouvements sociaux ont été très durement réprimés dans cette ville, parfois au-delà de toute justification possible, une fin de marche climat, place de l’Hôtel de ville, avec l’intervention d’Alain CLAEYS, en homme préoccupé par le climat et fière de la jeunesse militante et de tout ce qu’il a accompli, cela introduit forcément le doute, surtout après une manifestation aussi lisse, et particulièrement inoffensive ! (malgré cela, de très beaux échanges ont eu lieu dans le cortège, avec plein de jeunes – cohérent ceux-là).
Est-ce à la hauteur des enjeux ? Est-ce là le rapport de force souhaité pour peser sur le cours des choses ?
Est-ce pour donner bonne conscience à la classe moyenne ? (et donc s’éloigner des vrais combats à mener ?)
Aussi peu de courage politique interroge nécessairement sur les fins d’Alternatiba, qui affiche pourtant sur son site « Changeons le système, pas le climat ! » (Make our planet great again ?)
Quel est le coût politique de tout cela ?
On l’a déjà vu avec la lutte antinucléaire, le Réseau « Sortir du nucléaire » avec sa sortie toujours plus tard et ses recherches de solutions techniques, est entré dans la cogestion du désastre nucléaire.
Il faut ouvrir le débat : qu’est-ce que marcher pour le climat ?
Soit, il ne s’agit pas d’inviter des élus du PS, ou de quelque majorité gouvernementale, mais de prendre acte que rien ne changera sauf à la marge, sans un minimum de cohérence, de volonté et de radicalité dans les discours et surtout sans une proposition alternative crédible.
Ce monde en pilotage automatique va droit dans le mur et il serait grand temps de porter les couleurs de l’anticapitalisme de façon claire et assumée,
Si nous ne nous interrogeons pas sur nos pratiques, bien sûr les marches climat continueront, voire deviendront un rituel très suivi, mais nous allons manquer un rendez-vous avec ce moment historique.
Moment où toutes les luttes doivent non seulement converger, mais porter haut, l’affirmation qu’un autre monde est possible et qu’il ne peut s’arranger de l’adaptation minimale du capitalisme.
Si Alternatiba ne fait pas cela, comme les syndicats et comme beaucoup d’autres associations, elle entrera dans la cogestion du désastre en cours.
Si marcher pour le climat a un sens, il faut déterminer lequel :
- Organiser de jolies marches festives, absolument inoffensives pour le pouvoir en place, ne remettant qu’à la marge, ce monde en jeu, en mettant en avant les changements de comportements individuels (nécessaires, certes), inviter A Claeyes à discourir et satisfaire la bonne conscience des uns et des autres, voire possiblement, l’égo de certains.
- Organiser des marches un peu plus offensives, a minima dans le discours et qui ne peuvent se satisfaire de la bénédiction des élus.
A partir de là, il deviendra évident, qu’au-delà de nos querelles de chapelle, il faut s’y mettre tous, faire des propositions, débattre trouver le maximum commun à défendre, la voie et la stratégie sur lesquelles s’engager.
… ou d’autres le feront … peut-être pour le pire !
Catherine Poilly