Quelques données générales
- Une abstention massive des classes populaires et du « peuple de gauche ».
L’abstention est désormais une donnée électorale en tant que telle, qui amplifie par son ampleur la dégradation du rapport des forces, électoral et politique
Si l’abstention est désormais une donnée électorale en tant que telle, son ampleur (38,5% au second tour, un record !) facilite les évolutions de rapport de force (mobilisation/démobilisation d’une partie de l’électorat).
Dans l’entre-deux-tours, la faiblesse persistante de mobilisation à gauche a aidé la droite dont l’électorat s’est mieux mobilisé à ravir de nombreuses villes.
L’abstention est multiforme. Sociale : elle traduit le décrochage d’une partie de la population au chômage, vivant au quotidien la précarité, dans des quartiers relégués. Politique : elle traduit l’immense déception produite par deux ans de politique de Hollande mais plus largement un rejet profond du fait politique de manière général, dans un contexte de dégoût, scandales des affaires et de corruption, sentiments que les partis politiques représentent davantage la classe des dominants, désintérêt et indifférenciation entre les programmes. L’abstention touche également les jeunes qui pour plus de la moitié (70 % des moins de 25 ans ?) ne sont pas allés voter ou ne sont pas inscrits. L’existence de listes « sans étiquettes », qui ont eu des réalités contradictoires, reflète un sentiment de « non représentation » de ces jeunes (ou au-delà), y compris par le Front de gauche.
Même les zones rurales connaissent le phénomène, sans doute à relier aux difficultés liées à la crise et à la fracture territoriale qui s’accentue. La réforme du mode de scrutin, limitant désormais le panachage aux communes de moins de 1000 habitants, la réalité des difficultés à trouver des candidatEs dans les villages et bourgs moyens, sont également des facteurs de démobilisation dans un contexte où la raréfaction de dotations de l’Etat et la disparition programmée des services publics (ajoutés au contexte de la réforme des rythmes scolaires qui a cristallisé des mécontentements) rendent la démocratie locale de plus en plus difficile. Une des conséquences de la réforme est l’élection directe des élus intercommunaux avec la possibilité d’y voir émerger des oppositions politiques, qui pour constituer une forme d’avancée, ne règle pas la question de la transparence de ces instances qui exercent de plus en plus de pouvoir. La fin programmée de l’échelon municipal devient perceptible, de même que pour les petites communes, la conséquence est en général de masculiniser davantage la représentation au niveau intercommunal. Rejet et déception s’additionnent, cumulés à des phénomènes de dépolitisation profonde.
- Le FN dans sa dénonciation de la complicité PS/UMP et avec un discours de soi-disant « vérité » (nombre de ses élus ont répété vouloir avant tout « respecter leurs promesses ») conquiert une dizaine de communes et gagne de nombreux élus.
C’est un succès dans la stratégie d’implantation de et de dédiabolisation entamée par la direction du FN. Elle est également parvenue à mobiliser un électorat du nord et du sud est qui est politiquement et sociologiquement différent C’est le fruit d’un travail de « labourage » de terrain fait par des équipes du FN doublé d’un choix tactique de présenter des listes dans certains endroits et pas dans d’autres. Même si cette poussée est limitée au total elle ne reflète pas pleinement la diffusion dans les esprits, et ne doit pas masquer la présence au 2nd tour réussie.
Le nouveau visage du FN depuis que MLP en a pris la tête, lui permet, face aux dérives néo-libérales, de peser sur débat politique national, de postuler à l’hégémonie idéologique à droite, d’offrir un imaginaire collectif (fondé sur le repli national contre les dangers de la mondialisation libérale) aux couches populaires abandonnées et méprisées, dans un alliage social-national réactionnaire, mais susceptible de faire sens, et de fédérer largement. Cette situation est un véritable défi pour le Front de gauche.
- La reconstruction d’un imaginaire mobilisateur et fédérateur autour d’une alternative de société, alors que nous avons totalement changé d’époque, est une tâche de longue haleine. Toutes les forces politiques à gauche y sont confrontées, même en dehors du PS, car elles sont souvent perçues comme issues d’une période ancienne, en décalage avec les attentes populaires, notamment dans les banlieues, dans la jeunesse, dans « le peuple de gauche ». Le sens même donné à « la gauche » et à ses valeurs est interrogé, critiqué, parfois nié ou totalement remis en cause. Un énorme travail de refondation sur ce plan est donc nécessaire.
- Un « retour » de la droite et une extrême droite sous les feux médiatiques qui accède à des municipalités.
L’UMP a réussi électoralement à dépasser la crise profonde qui la traverse (et les affaires qui concernent les plus en vue de ses dirigeants!), profitant en partie du recul de la gauche mais aussi d’une certaine radicalité à droite sur les sujets « de société ».
Les mobilisations contre le mariage pour tous et contre la prétendue « théorie » du genre et autre mouvement de retrait de l’école ont remobilisé un électorat attaché aux valeurs conservatrices de la famille et aux rapports de domination entre hommes et femmes.
Un recul historique du PS et de l’ensemble de la gauche
Toute élection municipale imbrique une dimension locale et nationale. Or, à cette échéance, la déception/désillusion liée à la politique menée par François Hollande, toute tournée vers la satisfaction des besoins patronaux et des classes dirigeantes, a prédominé. La part de la dynamique nationale a pris le dessus dans cette vague de rejet de ses représentants locaux. Cette logique, renforcée par une crise démocratique et de la représentation qui sous-tend les comportements électoraux, a entraîné le basculement de nombreuses mairies de gauche. C’est une défaite qui annule une conquête méthodique commencée en 1977 par le PS. Même si certaines situations semblent résister comme si la claque était nationale et les « victoires locales »
Dans cette situation, le PS est sanctionné et la politique du gouvernement provoque une abstention massive à gauche, qui touche aussi la base populaire du Front de gauche et fait chuter des municipalités sortantes du PCF. Même des listes très unies, avec toutes les composantes du Front de Gauche, indépendantes de la politique du gouvernement, comme à Marseille ou au Havre, voient, là où la désespérance sociale s’étend, une partie de l’électorat populaire déserter la scène électorale.
EELV progresse globalement, bénéficie d’une certaine distanciation vis à vis du gouvernement qui lui a permis de faire quelques bons scores dans les grands centres urbains, ses meilleurs scores sont réalisés dans le cadre d’alliances avec une partie du Front de Gauche,(comme Rennes, Grenoble et Poitiers). Les questions de l’écologie sont de plus en plus prégnantes dans la société. La sortie d’EELV du gouvernement à l’annonce de la nomination de Valls, provoque des discussions profondes en son sein, mais ne règle pas la question de son rapport au social-libéralisme. Ce refus de participer au gouvernement est porteur de contradictions importantes au sein de la majorité gouvernementale. Cette situation appelle à proposer des discussions ou actions communes à EELV et à ses courants de gauche. Tout en ne perdant pas de vue que l’intégration d’EELV à la politique institutionnelle du PS par un jeu d’alliances combinant autonomie et accord de majorité est fortement ancrée. Cette politique, Ensemble la mènera et la proposera au Front de Gauche.
Le FDG maintient à peu près ses positions quand il est uni, les scores sont nettement inférieurs quand il est divisé et que le PCF choisit l’union avec le PS. Quant aux municipalités détenues par le PCF, la situation est contrastée. Globalement, le PCF perd environ 25% des villes de plus de 1000 habitants qu’il gérait, et n’en a reconquit qu’une poignée. Le choix du PCF de participer dès le premier tour aux listes du PS dans la moitié des grandes villes à conduit à une illisibilité à la fois nationale et locale.
Le FDG n’a donc pas réussi à donner une cohérence à ses propositions pour résister à l’austérité et mener des politiques locales répondant aux besoins sociaux et environnementaux.
Il a notamment manqué une élaboration collective du Front de Gauche en termes de propositions sur les enjeux municipaux.
La division a eu évidemment des incidences sur les groupes militants locaux et n’a pas permis de retrouver la dynamique de la campagne présidentielle.
Si les divisions internes et leur amplification médiatique ont de toute évidence joué, cela ne suffit pas à expliquer totalement le fait que FDG n’apparaisse pas comme une alternative politique.
La dénonciation du gouvernement avec l’objectif central d’être le porte-voix de la colère populaire est nécessaire mais elle ne suffit pas. Elle ne met pas assez en avant, contrairement à ce qu’avait réussi à faire JLM lors de la campagne présidentielle, des propositions crédibles permettant de déboucher sur une alternative politique progressiste.
Cependant, ces difficultés du FDG ne se retrouvent pas sur l’ensemble du territoire et des expériences intéressantes se sont développées.
Des succès ont été enregistrés quand il s’allait à d’autres forces (avec le GRAM, socialistes exclus du PS à Lyon, EELV et ADES à Rennes et Grenoble), à des mouvements citoyens et jeunes, et quand il renouvelait ses pratiques et élargissait ses listes.
Le gouvernement sanctionné, Hollande persévère
La nomination de Manuel Valls comme premier ministre s’est accompagnée d’une réaffirmation des orientations antérieures. Le « pacte de solidarité » censé accompagner le pacte de responsabilité s’annonce dérisoire et implique la baisse des cotisations salariales entrainant de nouvelles difficultés pour financer la protection sociale. La baisse de la fiscalité des ménages d’ici 2017 ne correspond en rien à la réforme nécessaire pour mettre en place une fiscalité juste. Hollande fait donc le choix d’une accélération de sa politique, en phase avec la poussée de la droite, mais pas avec le rejet à gauche.
A la veille de ce « moment de vérité » que fut le vote de la confiance, Hollande aura utilisé tous les artifices des institutions de la Vème République : vote de la confiance pour museler les parlementaires, chaises musicales au gouvernement (avec Valls comme nouvel homme fort) autour des logiques de réaffirmation de l’autorité de l’Etat, réponses antisociales (baisse des cotisations sociales par ex.). Ces choix accentuent la crise et les contradictions notamment au sein d’EELV et du Parti Socialiste.
C’est dans ce cadre que vont se dérouler les élections européennes.
Répondre à la crise démocratique et politique
De l’affaire Cahuzac à celles qui touchent Sarkozy et sa garde rapprochée, la crise du politique et de la représentation, le poids du FN se renforcent. L’absence de projet et de perspective émancipatrice pèse également.
Sans compter que le dernier vote « victorieux » à gauche, celui sur le TCE a été bafoué. Les mobilisations sociales d’ampleur, majoritaires, sur les retraites par exemple ou NDDL n’ont pas fait plier le gouvernement (ni sous Sarkozy ni sous Hollande).
Les mouvements sociaux et démocratiques sont confrontés au mur de ce pouvoir.
Ces difficultés s’ajoutent à la crise profonde que connaît le mouvement ouvrier dans son ensemble.
Dans cette situation, Ensemble doit avancer des propositions :
Le 12 avril a réuni dans une même démarche associations, organisations politiques et secteurs du mouvement syndical. C’est incontestablement un succès politique. Il doit être un point d’appui pour la constitution d’un front politique et social. Il faut pour cela travailler à des propositions concrètes rapidement lui donner.
Il est essentiel de favoriser la poursuite d’initiatives communes pour faire grandir dans le pays le refus des politiques d’austérité et l’aspiration à une alternative de société. Ensemble proposera à ses partenaires du Front de Gauche et aux forces parties prenantes du cadre unitaire, la constitution d’une « coalition » ou d’une « alliance » contre l’austérité, au-delà de l’échéance du Pacte de responsabilité. Ce travail commun dans la durée doit lier mobilisations et propositions et faire progresser dans la société la conviction que d’autres politiques sont possibles que l’austérité.
Comme l’a montré le succès des marches anti-austerité en Espagne, cela passe par le déploiement d’initiatives régionales qui permettent un enracinement local de cette dynamique et qui constituent des points d’appui indispensables pour renforcer de nouvelles initiatives nationales. Il faut donner la parole au peuple : Cela peut prendre la forme de manifestations, d’initiatives populaires, telles des assises de l’arc de force anti-austéritaire, des campagnes militantes pour des votations citoyennes… Un élargissement du cadre unitaire à de nouvelles forces syndicales associatives ou politiques (gauche du PS, ELV…) est possible. Les prochaines échéances du débat budgétaire en juin, seront un moment important pour organiser de nouvelles mobilisations les plus massives possibles. Il s’agit de réunir les possibilités de nouvelles initiatives nationales.
La situation met encore plus en évidence le caractère anti-démocratique des institutions de la Cinquième République. Elle souligne la nécessité d’une bataille pour imposer un processus constituant.
Face à l’ampleur de la crise démocratique, la situation met en évidence un décalage, une fracture dans le pays, entre la gauche de 2012 et le type de gouvernement qu’incarne Hollande, tournant le dos à cet espoir.
Cette situation peut se dénouer par la construction à gauche, d’une majorité alternative de rupture avec l’austérité.
Réunir le Front de gauche en ordre de marche
Les élections européennes vont être un moment politique important qui risque de voir le FN amplifier encore ses résultats électoraux et le PS subir un nouveau désaveu, le tout sur fond d’abstention massive. Cette élection peut être l’occasion pour le FDG de retrouver une dynamique. Pour cela il faut que le FDG mène une campagne à forte visibilité. Elle doit s’inscrire dans une dynamique pour répondre aux enjeux nationaux et européens. L’adoption par le FDG d’un texte politique de référence sur l’Europe crée les conditions pour qu’il en soit ainsi.
Au-delà, il faut après cette élection que le FDG soit capable de proposer une initiative qui permette de rassembler largement toutes les forces politiques, syndicales et associatives qui s’opposent à gauche à la politique menée.
Construire Ensemble! et le Front de Gauche
- Ne pas se limiter aux seuls débats du FDG mais être présent-e-s dans les mobilisations sociales, reprendre la construction à la base du FDG, l’ouvrir aux non-encarté-e-s, rechercher des formes de liaison, fonctionnement des comités plus inclusives et dépassant le rapport de force entre PC et PG
- se saisir de la campagne éclair des Européennes pour nouer des liens entre comités Ensemble et renforcer notre visibilité politique
- s’engager avec les forces associatives, sociales et politiques dans les mobilisations contre le Grand Marché Transatlantique et la COP 21 qui lient questions sociales, environnementales et démocratiques.
- préparer les estivales du FDG et l’université d’été d’Ensemble
- organiser de manière collective, conséquente et démocratique un travail avec nos éluEs locaux et pour irriguer notre programme, mais aussi nous donner les moyens d’être justement « plus concrets » dans notre discours et apparaître comme une alternative dans les territoires
- se positionner pour des Assises du FDG nationales
Dans le cadre du FDG
- relancer les cadres militants du FDG, comme les Assemblées citoyennes sur les territoires,
- mener localement une politique d’interpellation des forces de gauche, politiques, syndicales et associatives opposées à l’austérité pour la construction de forums de débats pour dégager des axes politiques communs
- proposer un calendrier de mobilisations/campagnes combinant sujets unitaires larges (référendum contre le pacte) et d’autres sur nos thématiques propres FDG.