Selon les associations, le nombre total de morts en lien avec cette catastrophe industrielle pourrait atteindre 25.000, pour plus de 360.000 victimes atteintes à des degrés divers.
Profits et économies …
Des réductions de coûts à tout prix, des dysfonctionnements techniques et des contraintes politiques : voici les ingrédients toxiques qui aboutissent à la nuit tragique du 2 au 3 décembre 1984.
Un tuyau de nettoyage resté ouvert remplira d’eau le réservoir d’une cuve d’isocyanate de méthyle jusqu’à le faire exploser. Au dessus de 0°C, ce produit toxique forme un gaz plus lourd que l’air : 40 tonnes de gaz se déversent alors dans le bidonville établi autour de l’usine, pendant que la population dort.
… qui valent plus que des vies …
Ce gaz s’attaque aux yeux des personnes exposées, puis à leurs poumons : il en résulte cécités, morts et paniques dans le bidonville.
Aujourd’hui, le site n’a toujours pas été dépollué et, si Union Carbide Corporation a été condamnée à payer 470 millions de dollars, la justice indienne recherche toujours son ancien PDG.
Certains ont bien tenté de fuir en courant mais ils se sont effondrés au bout de quelques mètres. D’autres se sont couvert le visage avec un linge humide mais cela n’a pas pu les sauver. Les militaires sur place ont passé plusieurs jours à ramasser les corps des victimes.
… et encore aujourd’hui
Dans les décomptes « mortels », on ne prend pas en compte les survivants, incapables de travailler à cause de leur souffle court, de leur système nerveux rongé par la maladie ou bien encore à cause du cancer.
La réalité de la tragédie de Bhopal, ce sont aussi des enfants qui, jour après jour, naissent avec des malformations et qui ont pour seule perspective une vie courte sans suivi médical et sans aller à l’école.
… ni responsables ni coupables ?
Warren Anderson accomplit toute sa carrière au sein d’Union Carbide. En décembre 1984, quatre jours après le drame, il arrive sur place avec une équipe médicale et des équipements médicaux mais est aussitôt arrêté avant d’être rapidement expulsé. En 1986, en tant que PDG d’Union Carbide, il est accusé d’homicides et déclaré fugitif par la justice indienne le 1er février 1992 pour ne pas s’être présenté à la Cour lors d’un procès dans lequel il était accusé d’homicide.
De 2003 à 2008, les USA refusent de l’extrader, prétextant un manque de preuves, malgré les demandes répétées de l’Inde. Pour la justice américaine, la filiale indienne d’Union Carbide constituait une entité juridique différente de la maison-mère, dirigée de façon autonome par des dirigeants de nationalité indienne. Le 31 juillet 2009, le juge d’instruction de Bhopal soumet au gouvernement indien un mandat d’arrêt à son encontre.
L’ancien PDG meurt en septembre 2014, en Floride, à l’âge de 92 sans jamais avoir été jugé par la justice indienne pour la catastrophe de Bhopal.
… mais toujours des profits !
L’usine Union Carbide de Bhopal est toujours en place, les bâtiments n’ont même pas été complètement démantelés.
Quant à l’entreprise Union Carbide, elle a été rachetée par Dow Chemical.
Puis ce dernier a fusionné en décembre 2015 avec DuPont pour former un groupe valant 130 milliards de dollars, devenant ainsi le numéro deux mondial du secteur, derrière l’allemand BASF.
Mais pas question d’assumer une quelconque responsabilité !
Capitalisme et vies humaines sont bel et bien antinomiques.
Bruno Riondet