« C’était la Ligue » Présen­ta­tion du livre

Avant la venue de nos amis , à l’in­vi­ta­tion d’En­semble!86 et du NPA86, le jeudi 26 septembre à l’En­vers du bocal, à 19h30, je vous propose cette présen­ta­tion de leur livre:

C’était la ligue, le livre d’Hé­lène Adam et François Cous­tal, est un pavé : 766 pages. Mais cette somme est néces­saire pour dire 40 ans d’une histoire, celle de la Ligue et de la Quatrième inter­na­tio­nale, pour dire 40 ans de l’his­toire poli­tique et sociale de la France et au-delà (1969–2009). C’est toute la la gauche et l’ex­trême-gauche et leurs adver­saires que l’on rencontre dans ces pages, ainsi que leurs évolu­tions. Ce livre est aussi un retour critique sur cette longue durée.

On pour­rait croire que ce livre est destiné aux anciens qui ont eu partie liée à cette histoire ; mais ce sont les jeunes et les moins jeunes qui jugent qu’une révo­lu­tion sociale et démo­cra­tique, écoso­cia­liste, est plus que jamais néces­saire qui sont concerné.e.s.

L’his­toire commence par la soli­da­rité en actes avec les insur­gés algé­riens dans leur lutte de libé­ra­tion natio­nale, avec la poli­tique inter­na­tio­nale qui fut incar­née par Ernesto Guevara , avec la révo­lu­tion viet­na­mienne qui réus­sit à vaincre les USA et ses proté­gés locaux. De jeunes inter­na­tio­na­listes déter­mi­nés créèrent une orga­ni­sa­tion poli­tique, la Jeunesse commu­niste révo­lu­tion­naire (JCR) en 1965. Ensuite, en Mai 68, et ce groupe fut au cœur du brasier avec tant d’autres (mais pas avec toute l’ex­trême-gauche d’alors). Pendant les années suivantes l’hy­po­thèse d’une révo­lu­tion en France et dans d’autres pays capi­ta­listes ainsi que de révo­lu­tions dans ce qui était nommé le Tiers monde et aussi dans les pays de ce qui fut appelé les pays du « socia­lisme réel » était vécue comme possi­ble­ment immi­nente dans des couches impor­tantes de la jeunesse. La ligue était dans l’op­po­si­tion au capi­ta­lisme bien sûr, mais aussi aux bureau­cra­ties stali­niennes de la Russie sovié­tique et des pays qu’elle contrô­lait, et ne fit pas partie des admi­ra­teurs de la Chine de Mao. Pour un commu­nisme non étatique.

Ce livre retrace les débats et prises posi­tion de cette orga­ni­sa­tion poli­tique pendant ces 40 ans. Les auteurs ayant été longue­ment diri­geants de la Ligue, ils savent de quoi ils parlent. L’exer­cice montre la néces­sité d’un intel­lec­tuel collec­tif, en faisant revivre ce passé conflic­tuel. La ques­tion de l’or­ga­ni­sa­tion se pose toujours aujourd’­hui, dans le camp de l’éman­ci­pa­tion sociale au moment où les replis indi­vi­dua­listes se multi­plient, et alors que dans la période de repli que nous vivons, les postures sectaires se multi­plient. Au moment où, aussi, on parle ici et là de « mouve­ment et non de parti » sans inven­ter aucune formule démo­cra­tique.

La place du plura­lisme poli­tique dans le programme de la Ligue évolua jusqu’à consi­dé­rer que la consti­tu­tion d’un bloc majo­ri­taire passait néces­sai­re­ment par les élec­tions, sans mini­mi­ser pour autant le carac­tère stra­té­gique irrem­plaçable des auto-orga­ni­sa­tions ouvrières et popu­laires.

Ce livre nous parle aussi du MLF et des fémi­nismes qui se sont déve­lop­pés dans les années 1970, des premiers mouve­ments homo­sexuels, de la lutte du Larzac, etc. Ces années-là, les dicta­tures étaient au pouvoir en Espagne au Portu­gal et en Grèce avec le soutien des bour­geoi­sies état­su­nienne et autres ; la chute de ces dicta­tures fut accom­pa­gnée de moments révo­lu­tion­naires, surtout au Portu­gal. La révo­lu­tion était bien à l’ordre du jour.

La gauche radi­cale fut domi­née au début des années 70 par la Cause du peuple et le PSU (Parti socia­liste unifié). Ces deux deux orga­ni­sa­tions ont disparu dans des circons­tances très diffé­rentes. La Ligue conti­nua, déve­loppa une presse de qualité.

Ensuite, le chan­ge­ment de période poli­tique à l’échelle inter­na­tio­nale avec le triomphe progres­sif du néoli­bé­ra­lisme dès la fin des années 70. Ainsi que la non percep­tion de ce chan­ge­ment de période par ce courant poli­tique, comme par d’autres.

Ce fut aussi à cette époque que la a LCR soutint la révo­lu­tion nica­ra­guayenne (1979) : plusieurs centaines des mili­tant.e.s y partirent plusieurs mois ou années y travailler !

La Ligue parti­cipa tôt à des combats élec­to­raux, avec des résul­tats long­temps très modestes, avec Krivine comme porte-parole. La victoire élec­to­rale de Mitter­rand en mai 1981 fut saluée par la Ligue comme une victoire de la gauche poli­tique et sociale, et elle fut vécu comme telle par le peuple de gauche. Mais nous pensions qu’une période révo­lu­tion­naire allait s’ ouvrir et vite et ce pari fut infirmé par les faits. Ni auto­ges­tion partout ni remises en cause de la propriété privée des moyens de produc­tion ne furent portées par un mouve­ment social que nous avions cru pouvoir annon­cer . Et dès 1983 ce furent même le début des succès élec­to­raux de JM Le Pen et de son Front natio­nal, avec la bien­veillance sour­noise du président Mitter­rand (PS).

Les mouve­ments anti­ra­cistes (dont SOS Racisme) et anti­fas­cistes (Ras l’Front) se déve­lop­pèrent ; la Ligue eut un rôle déter­mi­nant dans la créa­tion de ces mouve­ments défen­sifs.

Les années 80 et 90 furent pour le PCF celles d’un déclin qui s’avéra inéluc­table, ce PCF qui avait été hégé­mo­nique à gauche depuis l’après guerre jusqu’à la fin des années 70 . La chute du Mur de Berlin, la conver­sion des élites bureau­cra­tiques « sovié­tiques » au capi­ta­lisme accé­lé­rèrent ce déclin.

Mais la Ligue fut mise à mal, elle aussi . La Quatrième inter­na­tio­nale prévoyait que lorsque la chape de plomb des bureau­crates serait brisée, un mouve­ment popu­laire révo­lu­tion­naire et auto­ges­tion­naire jailli­rait néces­sai­re­ment. Ce qui avait semblé avoir été véri­fié en Pologne en parti­cu­lier, avec Soli­dar­nosc en 1980 -avant la répres­sion de masse des syndi­ca­listes. Mais l’ef­fon­dre­ment du système « socia­liste » montra qu’il avait pourri par la tête au-delà de l’ima­gi­nable ; et alors jusqu’au commu­nisme et à la révo­lu­tion semblèrent alors détruits par le rouleau compres­seur capi­ta­liste. Et nous étions asso­ciés à ce monde « socia­liste » qui dispa­rais­sait, ce qui était injuste et menson­ger .

Cepen­dant les mouve­ments sociaux conti­nuaient en France, avec la créa­tion de Soli­daires (fin des années 80), lorsque la CFDT (dont même la direc­tion fut de gauche) accen­tua son tour­nant bureau­cra­tique en excluant ses oppo­si­tions. Puis la fonda­tion de la FSU (Fédé­ra­tion syndi­cale unifiée) en 1993. Les mili­tants de la Ligue y furent très impliqués.

Les luttes ne manquaient pas : le soutien à la Kanaky, les grèves des infir­mières, le mouve­ment anti-guerre contre la Guerre du Golfe. Et puis la grande grève de l’hi­ver 1995 fut le signal de la fin d’une hiber­na­tion sociale et poli­tique. Au niveau inter­na­tio­nal ce fut l’al­ter­mon­dia­lisme avec Attac et les Forums sociaux mondiaux qui redon­nèrent des couleurs au présent.

En 2002 la Ligue présenta Olivier Besan­ce­not, « le » facteur , aux élec­tions prési­den­tielles. Il creva l’écran (et cela conti­nue).

Mais le soir du premier tour, la foudre nous frappa :Le Pen était quali­fié pour le second tour de l’élec­tion. Dès cette annonce la Ligue était dans la rue ; des millions de personnes eurent le même réflexe le Premier mai qui suivit.

Le rejet du Traité consti­tu­tion­nel euro­péen en 2005 à la suite d’une campagne très riche où le « non » de gauche avait gagné l’as­cen­dant poli­tique sembla créer les condi­tions d’un renou­veau d’une gauche radi­cale. Le chemin s’avéra fina­le­ment bien compliqué.

La fin du livre insiste sur le proces­sus de dépas­se­ment de la LCR en NPA, sans nier que ce proces­sus fut marqué par un manque d’ou­ver­ture aux cama­rades issues d’autres tradi­tions que cette de la Ligue (ou d’une réfé­rence au « trots­kisme ». Depuis 2008, c »est une autre histoire que nous vivons.

Les auteurs du livre ne sont plus au NPA, ils sont à Ensemble !, à Ensemble ! insou­mis.

Aujourd’­hui, ni Ensemble ! ni le NPA ne peut se préva­loir d’avoir trouvé la formule d’une orga­ni­sa­tion de masse et démo­cra­tique, révo­lu­tion­naire et plura­liste.

Pour conti­nuer cette recherche mili­tante qui est commune à la plupart des mili­tant.e.s du NPA et d’En­semble ! et à bien d’autres, il est utile de bien connaître son passé et de médi­ter sur les occa­sions manquées et les chemins de traverse croi­sés et restés inex­plo­rés ainsi que ce livre nous y invite. Ses auteurs que nous invi­tons nous en parle­rons de vive voix.

Ce bref parcours de ce livre passion­nant a pour seul objec­tif de susci­ter le désir de débattre avec ces deux cama­rades.

En conclu­sion, voici un extrait d’un texte du sous comman­dant Marcos (Chia­pas-Mexique) paru en 1997, inti­tulé « la quatrième guerre mondiale a commencé » cité par nos amis :

« Dans le caba­ret de la globa­li­sa­tion, l’Etat se livre à un streap-tease au terme duquel il ne conserve que le mini­mum indis­pen­sable : sa force de répres­sion. » Bien vu, non ?

A très bien­tôt !

Pascal Bois­sel, 31–8–2019

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.