Le Conseil national d’Ensemble ! s’est réuni le week end des 1er et 2 octobre à Bagnolet. Ce furent deux jours riches en discussion, comme il se doit. Les commissions thématiques du mouvement (écolo, féminisme, autogestion, égalité des droits, autogestion, mouvements sociaux …) ont pu se réunir longuement, afin de discuter du bilan de leur intervention à l’Université d’été, des campagnes à mener, des initiatives à prendre, des débats qui se poursuivent …
En matière de débats, le CN a également permis de valider le lancement de deux discussions d’actualité qui méritent d’être approfondies dans les collectifs, à partir de textes proposés par des groupes de travail. L’un concerne la question européenne, dont le caractère stratégique s’est rappelé à nous après le Brexit. L’autre porte sur l’antiracisme, terrain sur lequel les divisions au sein de la gauche radicale ont été funestes dans la dernière décennie, terrain sur lequel il est pourtant vital de reprendre l’offensive.
Deux discussions ont occupé plus longuement les représentant.es des collectifs rassemblé.es.
Il s’agissait d’abord d’aborder la situation sociale politique en cette rentrée. Cela signifiait évidemment revenir sur la mobilisation contre la loi Travail et les leçons à en tirer sur les capacités du mouvement social à reprendre l’offensive, sur son inventivité en termes de formes de mobilisation, sur le soutien populaire au mouvement, mais aussi sur le fait que le mouvement du printemps-été, aussi impressionnant fut-il, n’a pas permis de bousculer le champ politique, encore moins trouvé, à ce stade, un correspondant politique. D’autant que l’été, marqué par la reprise des attentats terroristes, a modifié le climat politique et social, replaçant le FN et la droite extrême au centre du jeu, tandis que la gauche (qui pour partie, comme chacun.e sait, mérite des guillemets) n’en finit pas de se décomposer.
Dans ce contexte, il est urgent de reprendre l’initiative, à la fois sur le terrain de la réflexion et de l’élaboration, et sur celui de l’action, dans le cadre des mobilisations contre la répression anti-syndicale par exemple, ou pour contribuer à construire un mouvement de solidarité avec les migrant.es.
Il fut également question de l’échéance présidentielle de 2017, sur laquelle le mouvement Ensemble ! est appelé à se prononcer entre le 22 octobre et le 18 novembre. Il s’agit d’un débat tactique et d’une appréciation politique de la conjoncture qui ne remettent pas en cause les choix stratégiques de reconstruction et de refondation d’une nouvelle force qui nous sont communs, ni des choix d’orientation que nous avons décidé lors de notre A.G. de juin dernier mais qui laissait la discussion ouverte sur nos choix à la présidentielle.
Cependant, à ce stade, le débat organisé samedi 1 octobre à partir de trois positions provisoires différentes, et les indications issues des débats des collectifs montrent qu’il existe des visions différentes qui nécessite une consultation des adhérents et l’organisation d’un vote.
Résolution politique « Mobiliser dans un monde dominé par le néo-liberalisme, les violences, les guerres, le racisme : Promouvoir l’universalité des droits »
Depuis un an, la société française a été traversée par deux évènements et une grande menace politique. Les évènements sont le mouvement contre la loi travail et les attentats terroristes. La menace est celle d’une décomposition politique (accélérée par une « gauche de gouvernement » convertie au néolibéralisme) qui avance plus vite que les potentialités positives issues du mouvement social, et qui fracture la société selon une logique identitaire, nationaliste, raciste, polarisée par les droites extrêmes.
Le mouvement contre la loi travail du printemps 2016, bien qu’il n’ait pas empêché la promulgation de la loi travail non votée au parlement, a inauguré une nouvelle phase de résistance active au néolibéralisme et son monde.
Par sa durée, par le pluralisme de ses modes d’action, par l’auto-organisation des Nuit Debout et leur dynamique subversive, par sa portée politique accélérant la crise gouvernementale, le mouvement contre la loi Travail a fortement secoué la paralysie sociale et politique qui structurait la société depuis 2010 et depuis l’arrivée de Hollande au pouvoir en 2012. Nous devons agir pour aider à approfondir cette brèche de la domination, et porter des exigences au centre des débats publics, des luttes, des confrontations politiques.
Cela concerne l’exigence d’une société sans chômage, d’une réduction du temps de travail, d’une sécurité sociale étendue basée sur la socialisation des richesses produites, de l’extension des droits du travail intégrant les activités de l’économie prétendument collaborative (un nouveau Code du travail), le soutien à l’appropriation par les travailleurs-euses de leurs entreprises sous des formes variées (coopératives, etc).
Dans ce cadre, une force politique comme Ensemble se doit d’agir pour promouvoir un Front politique de gauche aux côtés du front syndical et social multiforme, afin d’assumer la portée politique du mouvement qui ne peut qu’être pluraliste comme ce mouvement lui-même pluraliste.
Ce n’est pas parce qu’il y a un mouvement social très prometteur que sa traduction politique sera ipso facto très à gauche. La faiblesse dans l’affirmation de propositions politiques audibles de la part de la gauche qui veut une alternative contribue au malaise politique. Le FN a rusé avec le mouvement, en tout cas s’est bien gardé de se mettre en travers de ses aspirations (sauf pour Nuit Debout). Le soutien de l’opinion publique au mouvement contre la loi Travail est le plus puissant parmi l’électorat du Front de gauche mais aussi du Front national. Il faut donc construire une action politique pour que les aspirations du mouvement se consolident dans une visée progressiste de gauche.
Cependant, depuis l’été 2016, les crises multiples et le chaos d’un monde déréglé font à nouveau irruption dans le quotidien. La reprise des attentats terroristes couvrant potentiellement tout le territoire national induit un climat de désarroi et simultanément d’hystérisation idéologique et politique : surenchère sécuritaire, amalgames racistes (notamment contre les populations de confession musulmane), délires autoritaires contre les libertés, solutions nationalistes et identitaires (Sarkozy). Ces questions, entremêlées aux exigences sociales, s’incrustent au centre du débat national et peuvent dévoyer ou pourrir la dynamique progressiste exprimée au printemps 2016. Il est donc fondamental de les affronter et de proposer des réponses, car les citoyens-nes, les salariés-es, le peuple de gauche, sont en recherche de sens et d’un imaginaire qui rassemble.
Les réponses possibles, qui nécessitent un travail d’élaboration inédit, tournent autour d’axes complémentaires :
– Comprendre et expliquer le monde (racines du terrorisme, guerres multiples, Syrie…). Il faudra dans le mouvement Ensemble, par des initiatives appropriées (séminaires ?), tenter d’apporter une intelligibilité sur les évènements ;
– Répondre à la question : quel pays voulons-nous ? Quelle est la synthèse du « vivre ensemble » qui permet de dépasser les options ou pulsions sécuritaires, racistes, guerrières, exacerbées ? La réponse générale, mais incontournable, est de défendre vigoureusement l’universalisme des droits, une société ouverte, une démocratie du commun, une égalité réelle, une citoyenneté distincte des origines nationales et des droits culturels légitimes. Ce cadre des droits universels permet d’affronter le racisme islamophobe (instrumentalisation du débat sur le burkini, sur les droits cultuels) et de tenter d’aplanir les tensions qui traversent le mouvement antiraciste. Nous ne pouvons pas négliger le besoin de sécurité de la population, y compris par des mesures préventives (écoles, lieux publics) et des mesures policières appropriées, notamment sur le renseignement : un travail d’élaboration est nécessaire sur ces questions, en lien avec nos élu-es.
Plus généralement, il nous faudra donc savoir articuler la réponse sociale (loi travail) et la réponse socio-politique et culturelle (quelle société), et donner à tout cela une synthèse pluraliste de gauche. Dans la gauche critique, la bataille antiraciste est laissée en jachère depuis trop longtemps. Il est temps de construire un front unique anti raciste qui prenne l’initiative sur ces questions. Cela pourrait passer par des prises de contacts en direction du mouvement démocratique et syndical afin que des initiatives soient prises
S’ajoute à cela le défi d’une refondation européenne : voir document du groupe de travail constitué après le brexit.
Un champ politique en remaniement et plein d’incertitudes :
Le FN polarise toute la vie politique, évidemment la droite en premier lieu, et capte aussi des aspirations populaires dévoyées. On ne peut exclure une victoire électorale du FN en 2017, car il est difficile de prévoir comment son emprise incontestable jouera en fonction des autres candidats de droite (par exemple si c’est Sarkozy ou non) et sur l’électorat désorienté. De plus, le vote pour le Brexit au Royaume uni enlève un obstacle à sa crédibilité en accréditant l’idée qu’on peut sortir sans chaos de l’Union européenne. La montée de courants semblables dans d’autres pays (Pays-Bas, Autriche, Allemagne, Etats-Unis), comprenons-le, accroît sa crédibilité.
La droite va devoir choisir sa stratégie : jouer avec le feu, comme Sarkozy le fait, en risquant d’embraser le pays. Ou résister à la dérive nationale-identitaire-raciste, tout en exacerbant un projet ultra-libéral (Fillon Juppé) pourtant fortement contesté dans le pays.
La « gauche » de gouvernement (l’exécutif actuel et ceux qui le soutiennent jusqu’ici) est depuis longtemps tentée de larguer les amarres avec le vieux socle socialiste de gauche et assumer un virage libéral, le tout impliquant une cassure du PS. La concrétisation complète de ce projet était jusqu’ici renvoyée aux lendemains de 2017. L’entrée en campagne d’Emmanuel Macron met les pieds dans le plat, et force à la clarification. Mais cette gauche libérale assumée est elle-même polarisée entre plusieurs chemins :
– construire un espace sur une « république autoritaire du centre », incluant des forces de droite qui refusent le FN. C’est le projet de Manuel Valls depuis longtemps, incluant des dérives identitaires et des positionnements racistes (positionnement sur les Roms, le burkini, etc)
– construire un espace ni gauche ni droite, totalement pro-capitaliste, mais mâtiné d’un discours dit moderniste sur les questions culturelles. C’est ce que défendent Macron et ses soutiens dans l’appareil du PS.
Une telle situation ne peut qu’exacerber les contradictions internes du PS, menacé de fortes tensions, voire de scission (y compris par des guerres de rivalité).
La fracture du PS est déjà là. Le développement de cette crise peut dans les prochains mois poser la question d’un remaniement à gauche de grande ampleur. C’est donc une question décisive. Pour être résolue positivement, dans le sens de faire émerger une gauche antilibérale et écologiste, capable de postuler à une nouvelle hégémonie, il serait nécessaire que les forces critiques internes du PS assument complètement l’ambition d’un rassemblement et d’une reconstruction incluant les forces du Front de gauche, d’EELV, et des forces sociales, syndicales, associatives. Mais la primaire interne du PS contrecarre cette clarification, risquant au contraire de redonner des marges de manœuvres à l’appareil du PS pro-Hollande.
EELV est marqué et meurtri par une crise d’orientation. Cette crise, dont l’origine est le projet d’accord de gouvernement en position de subordination avec le PS (accord pour 2011–2012 rappelant les expériences d’union de la gauche classique), ne peut sans doute pas trouver une issue dans un paradigme purement écologiste auquel EELV s’accroche pourtant.
La seule voie efficace à gauche et dans l’écologie, pour faire face au défi de la crise du PS, est sans doute une dialectique féconde entre d’une part une gauche antilibérale et anticapitaliste qui assume aussi la rupture avec le productivisme, et nourrit son projet de l’apport décisif de l’écologie politique, et d’autre part une gauche écologiste qui assume clairement une critique anticapitaliste. Cela nécessite pour les uns et les autres une sorte de révolution culturelle, qui a commencé, mais qui demande encore de gros progrès et la nécessité d’accepter un dépassement des frontières.
Ces débats portent sur les politiques industrielles non productiviste, la nécessité de reconversion de secteurs importants de l’économie, ce qui implique une sécurité sociale professionnelle de haut niveau, le salaire socialisé, la lutte pour une société sans chômage avec réduction du temps de travail, la transition énergétique incluant la sortie du nucléaire en protégeant le secteur public et les statuts sociaux, le développement de l’agriculture paysanne garantissant les revenus, un développement urbain qui n’accroisse pas l’artificialisation des sols, inclut une densité maîtrisée et combat la spéculation, la démocratisation de la démocratie afin de stimuler l’intervention du plus grand nombre dans les débats et les transformations (activités alternatives et reconversions écologiques…), une critique du tout technologique, la nécessité générale d’un ralentissement des rythmes économiques en même temps qu’une distribution égalitaire des ressources et richesses. Ces thèmes ne sont pas exhaustifs et ils sont pour nous inséparables de la bataille pour les droits universels pour toutes et tous.
Relevé de conclusions concernant l’organisation d’une consultation des adhérents d’Ensemble pour l’élection présidentielle 2017.
Comme prévu par notre texte adopté lors de l’Assemblée générale des collectifs d’Ensemble en juin dernier le CN des 1 et 2 octobre a constaté qu’un accord ne pouvait se dégager à ce stade concernant nos choix pour l’élection présidentielle.
Il s’agit d’un débat tactique et d’une appréciation politique de la conjoncture qui ne remettent pas en cause les choix stratégiques de reconstruction et de refondation d’une nouvelle force qui nous sont communs, ni des choix d’orientation que nous avons décidé lors de notre A.G. de juin dernier mais qui laissait la discussion ouverte sur nos choix à la présidentielle. Sur cette question, et à ce stade, le débat organisé samedi 1 octobre à partir de trois positions provisoires différentes, et des discussions et les indications issues des débats des collectifs montrent qu’il existe des visions différentes qui ne peuvent être tranchées que par une consultation et l’organisation d’un vote. Non pas pour faire adopter une orientation contraignante pour tous mais afin de connaître l’avis du mouvement et ainsi de dégager des positions pour Ensemble, ce qui fait consensus même avec des options tactiques différentes. Rappelons que nos règles de fonctionnement impliquent une majorité des deux tiers des votants.
Il a donc été acté :
– Que le corps électoral serait fixé selon les mêmes règles qu’au mois de juin c’est-à-dire peuvent voter cotisants et adhérents selon une liste de participant.e.s connue et vérifiable localement et nationalement, et comme en juin, seront recensés vote des cotisants et vote des non-cotisants.
– Que les positions soumises au vote seraient actées à une réunion plénière de l’Équipe d’animation nationale qui se tiendra le 22 octobre, délai permettant de tenir compte du débat du CN, de l’évolution de la situation politique, et de toute autre proposition éventuellement.
– Une feuille de vote unique pour tous les collectifs et une adresse de recensement des résultats seront envoyés aux collectifs ; ceux-ci pourront donc organiser la consultation de la fin octobre au 18 novembre au plus tard.
– Les positions en présence sur le « bulletin de vote » seront rédigées en quelques lignes, accompagnées d’un texte court d’une page d’explication, et un Bulletin de débat accompagnera la discussion.
– Qu’un CN se tiendrait le 19 et 20 novembre pour enregistrer les votes et à partir de ceux-ci déterminer la position d’Ensemble.