Pierre Khalfa, 20 mars 2020
https://blogs.mediapart.fr/pierre-khalfa/blog/200320/jour-d-avant-jour-d-apres
(…)La récession s’annonce donc et elle sera sévère.
Le gouvernement a pris des mesures d’urgence pour limiter les dégâts : reports du paiement des cotisations sociales et d’impôt, prise en charge du chômage partiel et garantie des prêts bancaires aux PME et il envisage des nationalisations pour éviter la disparition d’entreprises majeures. Mais le Premier ministre a exclu d’interdire les licenciements et aucun investissement massif d’urgence ne semble programmé pour le système de santé. De plus, s’il est nécessaire de soutenir financièrement les PME dont la situation est très fragile, prendre les mêmes mesures pour des grandes entreprises qui regorgent de cash-flow est pour le moins contestable. Enfin, comment justifier le fait que des secteurs économiques non essentiels continuent de fonctionner au risque d’aggraver la contamination par le virus alors que dans le même temps est mis en place une politique de confinement ? Le choix du gouvernement de maintenir coûte que coûte l’activité économique alors même que, dans de nombreux secteurs, cela met en danger la santé des salarié.es est non seulement contradictoire avec les exhortations au confinement mais est le signe que les impératifs sanitaires ne sont pas la priorité absolue du gouvernement.
(…)Risquons une hypothèse basée sur un constat historique. Le seul moment dans l’histoire du capitalisme où les classes dominantes ont accepté de voir en partie remise en cause leur domination correspond à la période où l’existence même du capitalisme était contestée. Il importe peu de savoir si les forces qui portaient cette contestation – essentiellement les partis communistes et l’Union soviétique – étaient réellement révolutionnaires, ou si le modèle proposé était vraiment porteur d’émancipation – on sait que ce n’est pas le cas. Il n’empêche qu’elles apparaissaient comme une alternative au capitalisme. C’est la puissance de ces mouvements de contestation radicale de l’ordre existant, et de l’imaginaire social qui l’a accompagnée, qui a obligé les classes dirigeantes à accepter, bon gré mal gré, la mise en place de l’État social. Le paradoxe est donc le suivant : les classes dominantes n’ont accepté de changer de modèle que parce qu’il a existé des forces de contestation du système assez crédibles pour pouvoir l’emporter. Une leçon pour l’avenir ?