Retour d’expérience sur cette exercice de démocratie participative appliquée au réchauffement climatique. Ayant participé à cette journée, j’apporte une appréciation sur cette conférence-débat.
Sur la forme, une avancée démocratique incontestable
Ce type de consultation marque un grand progrès démocratique car chacun a le temps de s’ exprimer grâce à la répartition des participants par groupes de 6 avec l’aide d’un ordinateur à chaque table qui saisit instantanément les idées émises. Une synthèse des notes ainsi saisies est ensuite communiquée à l’ assemblée.
Le duplex avec le Sénégal a apporté une dimension internationale, une résonance au problème traité, ce qui a favorisé la prise conscience du problème climatique avec son ampleur planétaire.
Sur le fond, une réelle frustration subsiste
Le thème de cette journée portait sur le réchauffement climatique, en vue de la COP 21. Des vidéos bien réalisées introduisaient les différents thèmes du débat. Les temps consacrés au débat et à la réflexion permettaient une large expression. A titre de synthèse, l’opinion des participants apparaissait sous formes de QCM (question à choix multiples) , ce qui constitue en principe une bonne technique de sondage,
MAIS :
dans cette démocratie participative, la participation de l’organisme organisateur (la Région) reste beaucoup trop prégnante : Tous les sujets qui auraient pu critiquer, voire contrarier le gouvernement actuel ont été soigneusement évités. Ceci est particulièrement regrettable dans l’optique de la COP 21. Si cette conférence se déroule à l’ image de la conférence de Poitiers, elle ne fera pas mieux que les précédentes COP et ratera son but car :
- La grande question des économies d’ énergies que les sociétés développées devraient effectuer pour diminuer leur empreinte carbone a été écartée.
- Les causes du dérèglement climatique ne sont pas analysées. Partant de là, les remèdes demeurent introuvables. On n’ a pas remis en cause les systèmes économiques qui sont pourtant responsables du réchauffement climatique actuel : surconsommation, gaspillages énergétiques, pillage des ressources naturelles, dans un mépris total de l’ environnement….
- Une politique qui aurait pour but la baisse des émissions de GES est-elle compatible avec une politique de croissance universelle recherchée pour réduire le chômage qui affecte tous les pays du monde ? La question n’étant pas posée, la réponse reste en suspens.
- Le risque de lobbying de la part des sponsors à La COP 21 n’ a pas été traité. Le lobby du nucléaire (EDF, caisse des dépôts), le lobby de l’hyper consommation (JC Decaux), et le lobby de la consommation de carburant (Renault, Air France) …vont-ils contrôler la conférence ? On peut le craindre.
- L’ ordre du jour ne retient pas l’opportunité de sortir du nucléaire dans le cadre de la transition énergétique, alors que le choix de l’ abandon du nucléaire est fait par de nombreux pays et qu’il est souhaité par une majorité de français.
- On n’ a pas cherché de solutions pratiques pour mener une politique d’économies et d’efficacité des énergies, on se contente d’ incantations générales sur des taux de réduction et de philosopher sur le caractère plus ou moins contraignant des mesures à prendre ou sur l’efficacité de taxes carbone.
- Les QCM qui synthétisent les débats l’encadrent trop et enferment l’opinion dans le champ de pensée choisi par le questionneur.
En conséquence et pour conclure : la démocratie a besoin de liberté !
Cette démocratie participative est en fait trop sélective. Sélective dans le choix des participants. Sélective dans le choix des sujets traités. Sélective dans les réponses proposées dans les QCM. Cette sélectivité nuit à la fécondité du débat qui souffre d’un encadrement excessif.
La répartition du pouvoir entre celui des élus et celui des citoyens reste mal assurée : la démocratie représentative reste prédominante par rapport à la démocratie « participative ». Par ailleurs, actuellement les ONG et les associations expriment mieux l’opinion publique que les partis politiques qui demeurent prisonniers de leur dogme et qui subissent l’ influence des lobbies.
Il serait constructif d’organiser des forums participatifs et contradictoires sur le thème de la démocratie, ou sur le thème du nucléaire, civil et militaire, par exemples. Mais l’organisation de ces forum devraient être elle aussi participative, afin d’élaborer l’ ordre du jour et les questions à poser ( QCM) qui constituent la synthèse du débat. Pour être créative et efficace , la procédure démocratique doit respecter l’ouverture et le pluralisme des points de vue, sans tabous ni parti pris.
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La démocratie aussi est en recherche de croissance, ne doutons pas qu’un jour elle atteigne sa taille adulte.
Jacques Terracher, le 13/06/2015 .