Les péripéties du FdG pendant la constitution des listes et la campagne municipale posent la question du fonctionnement de ce rassemblement, de ses faiblesses et incohérences, mais plus encore de sa stratégie politique générale
A Poitiers comme dans d’autres villes de la Vienne et au niveau national, le Front de Gauche doit vivre, se renforcer, se développer. Mais pour que le FDG constitue une gauche combattive et efficace, pour qu’il ait un avenir décisif dans le paysage politique français, il ne peut pas en rester à ce qu’il est aujourd’hui.
Les péripéties du FdG pendant la constitution des listes et la campagne municipale posent la question du fonctionnement de ce rassemblement, de ses faiblesses et incohérences, mais plus encore de sa stratégie politique générale. Sans une telle stratégie, débattue entre les différentes organisations qui le composent puis clairement énoncée, aucune alliance, même simplement électorale, ne peut véritablement fonctionner. L’un des objectifs principaux d’Ensemble est de contribuer, avec ses partenaires (le PCF, le PG, et tous les autres regroupements et militant-e-s qui souhaiteront s’y joindre) à l’élaboration d’une telle stratégie pour le Front de Gauche.
Ce travail sera long, il nécessite rencontres, discussions et analyses. Voici quelques points et propositions que nous soumettons à la discussion, notamment de nos camarades du PCF et du PG à Poitiers :
Tout d’abord, il faut clairement choisir entre un Front de Gauche « étiquette » pour des ralliements et tactiques électorales à géométrie variable, ou un Front de Gauche « bannière » pour un rassemblement politique continu, pluraliste dans ses composantes mais unitaire dans sa stratégie. C’est nous semble-t-il la deuxième option qui avait suscité, notamment pendant la campagne de 2012, l’intérêt – sinon l’enthousiasme – des militant-e-s du PCF, du PG et de différentes organisations (aujourd’hui pur la plupart rassemblées dans Ensemble), mais aussi de nombreuses et nombreux « non encartés »…qui ont depuis, souvent, déserté l’arène du FdG. C’est la première option qui, dans les discussions de la campagne municipale de 2014, a prévalu, et dont le manque de lisibilité et les incohérences ont sans aucun doute grandement contribué à décevoir les citoyennes et citoyens en attente d’un véritable mouvement alternatif à gauche d’un PS ouvertement et définitivement social-libéral.
Pour nous, c’est la solution d’un mouvement structuré d’organisations et de citoyen-ne-s clairement engagés dans une stratégie de rupture avec la politique libérale, capitaliste, menée en alternance depuis des années en France comme en Europe, par les partis libéraux et sociaux-démocrates. Cette solution plaide sans doute pour que le FdG devienne une plateforme dans laquelle se rencontre non seulement les différentes sensibilités à gauche mais aussi les fonctions d’un parti politique : faciliter le débat, la formation et l’auto-formation des militant-e-s, élaborer un programme cohérent, une stratégie politique claire, et les défendre et les représenter auprès de tou-te-s les citoyen-ne-s.
Si c’est bien cette stratégie que nous adoptons, il faut non seulement continuer l’indispensable travail des comités de liaison (qui réunissent régulièrement les représentant-e-s du PCF, du PG et d’Ensemble), mais aussi franchir à Poitiers – en prenant l’exemple d’autres villes – une nouvelle étape, et se donner les moyens d’être une véritable force d’initiative dans notre ville.
D’une part, il nous faut prolonger l’expérience des municipales et du rassemblement vert et rouge réussi à Poitiers, comme à Grenoble ou ailleurs. La liste « Osons Poitiers écologique, sociale, solidaire, et citoyenne », résultat d’une stratégie de rassemblement et non de simple ralliement, dans la construction duquel Ensemble a été déterminant en tant que « Mouvement pour une alternative de gauche sociale et solidaire », est une expérience importante, et qui comptera pour l’avenir de l’élargissement et l’adoption d’une stratégie de rassemblement du Front de Gauche. Que nos camarades du PCF n’aient pas souhaité nous y rejoindre est bien entendu un échec, dont celles et ceux qui dans cette organisation ont pris la décision portent la responsabilité principale.
Mais il faut à présent regarder vers l’avenir : c’est aussi le signe que nous pouvons faire mieux ! Nous avons réussi à élaborer un programme de gauche avec des partis (EELV, NPA) au moins aussi différents que les autres membres du Front de Gauche. Il n’y a pas de (bonne) raison que nous ne puissions pas parvenir à des rassemblements plus larges encore lors des prochaines échéances électorales. Il faut en tout cas y travailler. Cette expérience a ouvert un espace politique à Poitiers : pour une opposition de gauche, combattive et constructive, au groupe majoritaire majoritaire d’Alain Claeys au conseil municipal, pour des collaborations sur tous les fronts – sociaux, électoraux, etc – réunissant les actuels membres du Front de Gauche (PG, Ensemble, PCF) et tous ses possibles partenaires, alliés et – qui sait ? espérons-le ! – futures composantes. Dans tous les cas, il est urgent de reprendre et de continuer le travail ensemble.
D’autre part, le Front de Gauche à Poitiers et dans la Vienne n’a pas seulement vocation à suivre le jeu institutionnel établi et le calendrier national – travail certes indispensable, comme lors des négociations pour la constitution des listes électorales ou les démarches collectives en vue de l’importante manifestation du 12 avril. Nous pensons qu’une stratégie de ruptures et de progrès efficaces ne peut se construire que par les luttes et les interventions citoyennes au quotidien dans les entreprises, les territoires, les quartiers. Nous pensons que c’est en faisant du Front de Gauche à Poitiers un lieu vivant de rencontres régulières, ouvertes à toutes et tous les citoyen-ne-s de gauche, que nous dépasserons les dissensions stratégiques, au-delà du face-à-face entre représentant-e-s ou militant-e-s déjà pleinement investi-e-s. Nous pensons que c’est ainsi que les citoyen-ne-s, souvent dégoûté-e-s par le jeu d’une « démocratie » qui s’apparente au niveau national à une monarchie républicaine et au niveau local à une pêche aux votes populaires conduits par des hiérarques qui n’ont ensuite aucun compte à rendre à leurs électrices et électeurs, pourront reprendre le goût de la décision et de l’action politique avec nous. Et que nous pourrons ainsi faire vivre, agrandir et renforcer le Front de Gauche à Poitiers et dans la Vienne.
Une réflexion collective sur l’avenir du Front de Gauche est donc nécessaire. Elle devra être lucide sur les contradictions initiales de ce mouvement et résolue à les dépasser. Cela prendra certainement un peu de temps.
Mais il est aussi urgent de ne pas attendre.
C’est pourquoi nous appelons d’ores et déjà, sur la base de ces constats ou simplement de l’envie de travailler à l’avenir du Front de Gauche, à la reprise et à la transformation des assemblées citoyennes interrompues ces derniers mois. La préparation des élections européennes est l’occasion de réunir dès maintenant une assemblée citoyenne qui permette de nous rassembler sur un projet commun et militant.
Nous proposons aussi d’organiser sans attendre, avec toutes celles et tous ceux qui le voudront, des rencontres hebdomadaires à Poitiers, autour de questions politiques au cœur de nos préoccupations et de nos engagements comme économie-austérité, migration-internationalisme, démocratie radicale-ville, ou travail-syndicalisme. Ces rencontres auront pour vocation de réunir des militant-e-s, allié-e-s et sympathisant-e-s du Front de Gauche, et plus largement les citoyen-ne-s de gauche, pour débattre, se former, décider d’initiatives collectives.
Et préparer ainsi, ensemble, l’avenir du rassemblement des forces de gauche féministes, antiracistes, vraiment socialistes, anti-capitalistes, internationalistes, écologistes, autogestionnaires, radicalement démocratiques à Poitiers et dans la Vienne.