Alexandre Raguet a publié un texte intitulé “unifier pour reconstruire un nouvel outil politique” dans le journal du NPA86 “Prenons parti” (non disponible sur internet)
Ce texte pose des questions et des diagnostics aigus sur la société qui se fracture, l’absence actuelle de lutte d’ampleur, la captation de l’idée d’alternative par le FN, l’absence de nouvel outil politique crédible à gauche du PS pour inverser les tendances : « nous sommes incapables d’imposer notre vocabulaire dans le débat public » affirme-t-il à juste titre.
Nous voudrions ici engager le débat sur quelques affirmations du texte d’A. Raguet pour aller plus loin dans l’analyse.
Il semblerait d’après le texte que le PCF est d’abord un frein à la création de l’alternative à gauche, un parti – je cite- « avec lequel il est impossible d’aller très loin à cause de ses comportements « bureaucratiques » et des rapports au PS qu’il continue d’avoir ».
Une affirmation erronée sur le PCF
Cette affirmation me semble erronée.
Écartons tout de suite l’affirmation de « bureaucratique ». Les textes d’E. Mandel, un militant du même courant que D. Bensaïd que cite A. Raguet, montraient bien que toute organisation qui grossit est confrontée à des phénomènes bureaucratiques, desquels il faut se préserver par des mesures concrètes (limitation des mandats, statut d’élu.e, tirage au sort, droits des minoritaires, et une longue liste d’etc). Le PCF n’en est pas exempt. EELV non plus. Notre taille réduite (au NPA et à E!) ne nous permet pas de claironner que nous mêmes en sommes vaccinés.
L’affirmation sur l’impossibilité de s’engager avec le PCF est erronée aussi car le lien organique au PS n’est pas l’apanage du PCF. L’article ne cite à aucun moment Europe Écologie Les Verts (EELV) alors que, si on regarde ne serait-ce que les débuts de la période Hollande, EELV a été le seul et unique allié à gauche du PS, au gouvernement et au parlement. Pas le PCF ni le Front de Gauche. EELV en est revenu. La tendance actuelle chez EELV est à la distanciation avec le PS, au moins pour sa partie la moins intégrée aux ors de la République.
Pour affirmer le contraire, que le PCF est par nature lié au PS, il faut réduire sa vue à la municipalité de Poitiers où malheureusement le PCF collabore fidèlement avec le PS. Ou dans d’autres collectivités territoriales. Mais pas au niveau national ou européen, ce qui n’est pas rien.
Si on appliquait le raisonnement que porte A. Raguet sur le PCF, cette fois-ci sur EELV, l’expérience positive d’Osons Poitiers – à laquelle participe aussi bien le NPA86 qu’Ensemble ! – n’aurait jamais été possible.
Toujours au sujet du nouvel outil politique à construire, les exemples étrangers que donne A. Raguet dans son texte doivent être maniés avec des pincettes car l’éloignement n’est pas favorable à la connaissance fine des choses. Podemos dans l’État espagnol est un espoir réel mais le fonctionnement de sa direction nationale est grandement « bureaucratique ». Dire que Syriza n’intègre pas le parti communiste grec est en partie faux car les plus gros bataillons de Syriza viennent des scissions successives du PC grec.
La dialectique peut casser des briques et même des murs
Pour notre part à Ensemble! nous sommes membres actifs et constructeurs du Front de Gauche comme outil politique nécessaire et dépassable. Nous travaillons également en étroite collaboration avec une tendance alternative chez EELV au niveau national. Nous sommes persuadés que notre choix de participer à la liste Osons Poitiers fut judicieux et se confirme comme étant porteur d’avenir.
En effet, l’analyse des organisations politiques ou de la situation nécessite d’être attentif aux forces contradictoires et aux évolutions (un peu de dialectique, que diable!). Nous ne nous privons pas de critiquer le PCF quand cela nous semble nécessaire. Mais, pour n’en rester qu’au champ électoral (mais quoi d’autre en ce moment?), nous avons été agréablement surpris par les réactions majoritaires des militant.es communistes face au deuxième tour des élections départementales où le vote en faveur du PS fut minoritaire. Nous avons apprécié l’engagement sans ambages du PCF lors des élections européennes alors que la tête de liste était militante d’Ensemble !. Et que dire de cette campagne des départementales qui a vu se mêler les militant.es sans carte à celles et ceux d’EELV et du FDG pour une politique clairement anti-austérité et pour une vraie transition écologique : un enthousiasme qu’on n’avait pas connu depuis longtemps a parcouru cette campagne qui a donné des résultats le plus souvent positifs.
L’article d’A. Raguet nous pose problème car il semble faire du PCF le principal obstacle partidaire à la construction d’une nouvel organisation politique. La critique trotskyste de « l’état bureaucratiquement dégénéré » qu’était l’URSS stalinienne était visionnaire mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis. Le temps ne s’est pas arrêté depuis la chute du mur de Berlin. Même la tradition d’extrême gauche a évolué qui a permis la constitution d’Ensemble ! par exemple mais aussi la participation du NPA86 à la liste municipale « Osons Poitiers » avec EELV, au grand dam des orthodoxes du NPA qui sont en train de gélifier ce parti. Pourquoi le NPA86 voudrait-il borner son analyse aux lieux où il milite et aux mantras identitaires qui l’encombrent ?
Deux derniers mots
Pourquoi ne pas enclencher ensemble un débat poussé sur la nature de l’État qui est la véritable justification de la dimension politique ? Pourquoi ne pas prendre le temps de revisiter nos conceptions communes ? Cela permettrait de ne pas limiter notre dialogue à l’écume de l’actualité mais d’entreprendre un travail de fond.
Dernier mot. La dernière phrase du texte d’A. Raguet commence par « notre heure arrivera ». Cet emploi du futur me gêne. La seule chose sûre c’est la bagarre, pas l’issue de celle-ci. Combien de générations trompées et/ou sacrifiées au nom d’un futur merveilleux, ou au moins meilleur, qui n’est jamais venu ? Je préfère la notion de visée : agir dans le présent avec en vue un objectif. C’est une motivation du présent. Je préfère ce présent d’action : les mauvaises langues disent que dans le futur je serai mort ;-)
J’invite le NPA86 et les lectrices et lecteurs de cet article à (re)voir cet ancien film situationniste « la dialectique peut-elle casser des briques ? » qui détourne un navet d’arts martiaux pour expliquer la dialectique matérialiste.
Savoureux !
Pascal Canaud
Bonjour camarades,
Je vais mettre le texte que j’ai publié dans Prenons Parti en ligne pour que chacune et chacun puisse en discuter. Il se trouve que dans le même journal il y a un article, que je signe, sur Osons Poitiers, où il est question de EELV.
Je répondrais dans un second temps aux questions soulevés par Ensemble dans cette contribution.
Voici le texte initial, publié dans le journal Prenons Parti : http://www.npa86.org/spip.php?article3424
Ma réponse sera bientôt en ligne.
Ce diagnostic est erroné :
– La tendance à se distancier du PS, et à se regrouper se fait plus par opportunisme électorale pour le leadership à gauche que pour des questions de « valeurs communes» ou encore grâce à un travail efficace d’Ensemble pour faire cohabiter toutes les tendances de gauche. Il y a quand même une question importante qui a été oubliée dans ce billet: quelle alternative construire? Et puis qu’est-ce qu’être « alternatif » au delà des discours d’intention? A quelles fins? A quoi ça sert de se regrouper si c’est pour faire le coup de la Gauche Plurielle (un 21 avril) ou si c’est pour décevoir comme à partir de 1983 ou plus récemment comme Syrisa?
-Il serait judicieux de recontextualiser le poids et l’influence d’Ensemble dans la construction d’une « alternative » à la gauche du PS car j’ai l’impression qu’Ensemble est petit comparé aux verts, au PC et le PS (élus/moyens/nombre de militants ect.) Sans compter le PG dans le FDG et le NPA et libertaires Hors FDG.
– Syrisa est issue de scissions de militants du PC, cela veut dire ce que cela veut dire : cela n’intègre pas le PC en tant qu’organisation contrairement à ce qu’affirme ce billet. Ce sont des militants issus du PC qui ont rejoints Syrisa. La nuance est importante.
Oui Osons existe grâce au NPA86 et à Ensemble et aux verts, au PG (et aussi aux non encartés)…pas grâce au PC qui a préféré garder des élus comme dans de nombreuses villes. J’invite Pascal à regarder ce qu’il s’est passé généralement dans les grandes villes aux dernières élections municipales et à ne pas se limiter aux exceptions qui confirment la règle.
Oui le PC est bureaucratique….et si toutes les orgas le sont alors le PC l’est peut-être bien plus que les autres : nombres d’élus, proportion d’élus/nombre de militants, relations dans le parti et avec les autres partis…Ce n’est pas comparable avec le NPA ou encore EELV. L’histoire nous l’apprend d’ailleurs. Il aurait été bon de s’interroger sur les formes de bureaucratisme de chaque organisation, leurs pouvoirs de nuisance dans la construction d’un mouvement alternatif, plutôt de dire qu’elles se valent toutes (ce qui en plus est faux). Question à trois briques : Si alors le PC a changé, pourquoi ne pas rentrer tout simplement cette organisation au lieu de fractionner le front de gauche avec Ensemble?
Bref cette dialectique ne casse pas de brique et encore moins un biscuit hein?
Que dire du maire de Saint-Ouen qui expulse les Roms à Saint Ouen ? …..http://www.legrandsoir.info/ensemble-dans-la-dissimulation.html
L’utopie est à inventer avec des gens dynamiques qui rêvent éveillés, pas dans la recherche coute que coute de l’accord électoral sans parler du fond. Je reste persuadé que les deux sont possibles à tenir.
Ami-e anonyme du NPA, le PCF apparaît dans ton discours comme une réalité éternelle. En langage familier on pourrait traduire ça par « ça a toujours été comme ça et c’est pas maintenant que ça va changer ». Est-ce vraiment suffisant pour faire une analyse politique d’une situation à un instant T ?
Mon article, il est vrai, ne dit rien du programme, de nos accords et désaccords avec les uns et les autres. À chaque jour suffit sa peine. Mais je te soumets une question : le réformisme est-il possible actuellement en Europe ? Si la réponse est non, doit-on en tirer des conclusions ?
En l’absence totale de contradictions dans la réalité du PCF que tu décris, tu ne peux, ami-e anonyme du NPA, saisir la dialectique des dynamiques en cours. Peut-être tout simplement que tu ne sais pas ce qu’est la dialectique. Ce qui est me semble dérangeant, quand, comme toi, ami-e anonyme du NPA, on se réclame du marxisme
Pascal Canaud
Oui anonyme sur le net car c’est un droit et je suis courtois dans le débat. Ensemble! est-il pour la loi renseignement? C’est une nouveauté et je l’apprends;-)
Blague à part: sans un être un bon marxiste, (car depuis Marx, il y a eu des progrès dans les sciences humaines et sociales Pascal Canaud le dialecticien;-)) j’essaie tant que je peux de faire une analyse des faits concrets… Cela ne m’empêche pas aussi de tenter de saisir des dynamiques et mon diagnostic n’est pas le même. Et puis il y aussi le présent à penser…..
Le PCF ne s’effondrera et ne changera pas de sitôt tout simplement parce qu’il est bureaucratisé et qu’il s’adapte à son temps aussi c’est dans sa logique…tout comme le capitalisme ne s’est pas effondré de lui même, victime de ses contradictions comme le pensait un certain marxiste dont tu te réclames en bon dialecticien mais qui a fait une erreur de prévision…(car oui un marxiste peut se tromper). Il tombera peut-être un jour, mais je ne suis pas Madame Irma et j’ai l’humilité de reconnaitre que je peux me tromper…
Par contre créer la cassure en créant une dynamique concurrente indépendante du PS, réellement alternative et unitaire j’y crois plus.
Concernant l’Europe: bien sûr que non pour l’instant pour un parti « de gauche » actuellement. Cela ne veut pas dire qu’il faille sortir de l’Europe ou au contraire en sortir et créer une union européenne alternative (car internationaliste). Cela dépendra des rapports de force en présence le moment venu. C’est tactique.
Enfin c’est assez amusant de prendre comme référence un film situationniste où le héro fait la guerre aux bureaucrates staliniens. Les staliniens ont disparus mais reste la bureaucratie…