l y eut un communiqué de Ensemble! face au projet de résolution déposé à l’Assemblée nationale en décembre 2016 : https://www.ensemble-fdg.org/content/communique-de-ensemble-traitement-d…
Suite à quelques discussions très contradictoires nous ecrivîmes à quatre cet article: https://www.ensemble-fdg.org/content/autisme-lordre-moral-loffensive
Il y a peu le communiqué a reçu cette objection : https://www.ensemble-fdg.org/content/autisme-propos-dune-prise-de-position
Je propose quelques compléments à notre article collectif à cette occasion.
Nous avons donc reçu une critique collective du communiqué d’Ensemble! qui considère qu’il n’est pas du ressort d’une organisation politique de faire un tel communiqué car il trancherait quant à la prise en charge des personnes autistes. Ce qui est faux. Par contre M.Fasquelle et ses amis, eux, parlent de façon fort autoritaire de ce sujet, et c’est c’est là le motif de notre inquiétude.
Rappelons comment nous présentions l’enjeu dans ce court communiqué. Nous soulignions que ce projet visait « à imposer la forme particulière, telle qu’ils la définissent, de prise en charge de l’autisme. Ils prévoient une sanction pénale pour quiconque ne suivrait pas les directives d’État. L’appel à une science d’État est ici de retour et c’est même devenu enjeu électoral de la droite dure. Cela vient éclairer ce que signifient les restructurations incessantes du système de santé publique : ces politiques se préparent à le dépecer pour le livrer à des associations reconnues comme « d’intérêt public » ou privées. » Avions nous tort ?
Qui s’oppose au projet Fasquelle ?
A la lecture du texte de nos trois contradicteurs, je cherche en vain: nulle critique du projet Fasquelle. Il nous est précisé que ce projet ne pouvait pas être voté en l’état, que « très peu d’associations de personnes concernées ont soutenu la résolution Fasquelle ». Bref, l’opportunité de présenter à ce moment-là ce projet est réfutée, nullement son contenu. Modestement, ils passent sous silence les appuis au sein du gouvernement, dans tous les groupes parlementaires, et particulièrement à droite. Ils font mine d’ignorer le fait que ce coup de M Fasquelle était manifestement une répétition avant l’offensive déterminante qu’il prévoit lorsque son parti, les LR, sera au gouvernement.
Ils nous interpellent: « au lieu d’une psychiatrie d’État, est-ce qu’il faut avoir une psychiatrie de parti politique ? ». Or, la critique du projet Fasquelle dans le communiqué, comme dans l’article collectif auquel j’ai participé pour expliciter un peu ce que nous considérons comme enjeu politique, ne comporte rien de normatif. Lorsque nous soulignions qu’une nouvelle antipsychiatrie, scientiste et autoritaire cette fois -alors que celle des années 70 était libertaire- se développe, on nous parle de « logiques corporatistes, où par exemple les pédopsychiatres défendent leur pré-carré par rapport à d’autres médecins (neurologues, pédiatres …) » . Ils écrivent encore : « C’est insupportable qu’il y ait une opposition idéologique rétrograde qui se cache derrière le « pluralisme », la « liberté de recherche », la « polyvalence des travailleurs sociaux ». La question telle que nous la posons est sans validité pour ceux qui écrivent que les méthodes comportementales et éducatives vont se développer, quelles sont les seules validées « scientifiquement », que tout pluralisme des modes d’abord de l’autisme est à écarter et que la seule question qui vaut est de savoir comment permettre aux parents de payer ces prises en charges.
La Haute autorité de santé, conservatoire de la vérité scientifique immuable, ou pas.
On nous dit, de même que M Fasquelle le fait, que la Haute autorité de santé (HAS) dit la science-comme on dit le droit-, que les bienveillantes Agences régionales de santé doivent appliquer fermement les exigences de la science. Or, nous disons que les recommandations de la HAS sont des recommandations, sont discutables, et seront discutées.
Nous disons que les ARS, ces préfets de santé, aux pouvoirs démesurés, sont des agents de cette gouvernance néolibérale à laquelle nous nous opposons dans le domaine de la santé comme ailleurs. Il nous est dit que la HAS n’est pas critiquable et ne connaît pas de conflit d’intérêt. Cette confiance est émouvante mais mal informée.
Ainsi, par exemple, dans un article daté du 7 mars 2016 de Mediapart, intitulé « les petits arrangements de la nouvelle présidente de la Haute autorité de santé », nous apprenions que celle-ci « considérait que les liens d’intérêt entre experts et laboratoires pharmaceutiques » étaient « un gage de compétence ». « Plusieurs militants de la transparence comme le docteur Irène Frachon, à l’origine du scandale du Mediator, s’inquiètent auprès de Mediapart ».
A propos de la psychanalyse
Il nous est dit que la psychanalyse serait « considérée comme porteuse de progrès social indiscutable ». Je ne suis pas sûr de comprendre le sens de cette phrase. Quoi qu’il en soit, on parle souvent de la psychanalyse comme d’un savoir universitaire, comme de la référence de tel chef de service de psychiatrie. Or, la psychanalyse se trouve marginalisée comme jamais dans les facs de psychologie et de médecine. La référence à la phénoménologie, fréquente parmi les psychiatres qui lisent un peu, doit-elle conduire à une résolution parlementaire concernant toute référence à Husserl ou Sartre?
La psychanalyse, d’abord, est ce qu’en disent les écoles de psychanalyse, qui sont plusieurs, ce qu’elles disent depuis la praxis des analystes avec leurs analysants. C’est peu connu, mais il serait honnête pour qui critique « la psychanalyse » au point de vouloir l’interdire dans les lieux de soins sous peine de sanction pénale de s’y intéresser.
Ceci dit, nos trois auteurs ont raison sur un point :« le libéralisme n’est absolument pas réfractaire à la psychanalyse »; bien au contraire même… Mais il s’avère aussi que le management néolibéral qui est d’une autre nature que le libéralisme antérieurement dominant, est d’une hostilité totale et surprenante à « la » psychanalyse. Qu’en dire?
Les associations, et aussi un marché
Il nous est reproché une méconnaissance des associations du champ de l’autisme. Pour ce qui me concerne, le reproche est justifié. Cependant pour le propos auquel nous nous sommes limités, il importait de parler un peu des enjeux financiers, de ce que nous en savons, même si c’est de façon encore insuffisamment précise. Car des associations gèrent des établissements, considèrent qu’elles doivent en gérer beaucoup plus, que l’argent qui va aux hôpitaux de jour pédopsychiatriques est gaspillé. Comme l’écrivent très justement nos trois auteurs, « un marché se développe ».
Il y a deux niveaux, celui où « la carence du secteur médico-social et sanitaire oblige les familles à bricoler des solutions », et celui du développement d’un marché. Et ce marché se développe pour ses promoteurs en opposition frontale au service public tel qu’il tente de survivre : « Les autistes ne veulent pas être enfermés dans les HP. Leurs parents ne veulent pas de la pataugeoire, ateliers conte, etc., des hôpitaux de jour. » (« enfermés » pour écouter des contes pendant une demi journée?).
Et pourtant, nous sommes d’accord pour parler de carences du secteur médico-social et des institutions psychiatriques. Nous sommes, par contre, en désaccord sur les responsables de cet état de fait, lesquels sont politiques pour nous. Que Ensemble! discute de cela du point de vue de l’émancipation est légitime. C’est un débat contradictoire qui doit se poursuivre, ce sont des enquêtes et des discussions qui sont et seront nécessaires.
Pascal Boissel, 08/01/2017