Monsieur le Président,
La Confédération paysanne tient à vous faire part de sa stupéfaction concernant la mise en œuvre de l’état d’urgence.
Le monde vit actuellement une période particulièrement troublée et la France, par les attentats de janvier et du 13 novembre, est elle aussi touchée par l’horreur. La peur et le repli sur soi qu’ils provoquent sont des réflexes compréhensibles, tout comme la nécessité pour l’Etat de réagir. Mais il est temps de laisser la place à plus de solidarité, plus de démocratie, plus de justice sociale.
Avec l’instauration de l’état d’urgence, toute action syndicale ou citoyenne sur la place publique devient impossible et pourtant les raisons de manifester et de revendiquer ne manquent pas, particulièrement en cette période de COP21. Les paysans, premières victimes des dérèglements climatiques dans le monde, ainsi que l’ensemble de la société, doivent pouvoir faire entendre la voix des peuples. Sans l’expression de contre-pouvoirs, condition d’exercice de la démocratie, et les prises de consciences qu’ils permettraient dans l’opinion publique, les décisions urgentes pour limiter le réchauffement climatique ne seront pas prises, laissant ainsi perdurer cette source majeure de conflits d’aujourd’hui et de demain.
Trois mois d’état d’urgence, cela va bien au-delà de la seule COP* 21. Ce sont aussi des dizaines, des centaines de mobilisations qui ne verront pas le jour ou qui seront réprimées sous prétexte de troubles à l’ordre public. Pour la Confédération paysanne, syndicat de défense de l’agriculture paysanne et de ses travailleurs, cela signifie que nous n’aurions pas le droit d’exprimer notre colère, nos inquiétudes et nos revendications alors que de nombreux secteurs de production agricole sont en difficulté, que la production laitière par exemple est en train de vivre crise très grave qui s’amplifie avec une chute dramatique du prix payé aux éleveurs !
Pour cause d’état d’urgence consécutif à des désordres mondiaux nourris par l’avidité de quelques-uns au détriment de tous les autres, devrions-nous rester sans réagir alors que tant de fermes sont aujourd’hui menacées de graves difficultés économiques ? Faudrait-il abandonner à leur sort les paysans qui vivent dans des zones agricoles difficiles et sont soumis à des contrôles inadaptés ? Risquerons-nous la prison chaque fois que nous défendrons les plus faibles, les opprimés, les oubliés du système ?
Heure après heure, les perquisitions et assignations à résidence d’acteurs du mouvement social se multiplient. L’état d’urgence est devenu un prétexte pour contraindre nos libertés fondamentales. La Confédération paysanne ne saurait admettre que celles-ci soient sacrifiées sur l’autel de la sécurité. Nous vous demandons, Monsieur le Président, de mettre fin à cette dérive.
Nous vous adressons, Monsieur le Président, nos salutations respectueuses.
Laurent Pinatel, Porte-parole de la Confédération paysanne