Dès 2012, le budget alloué à la sécurité civile a été amputé de 25 %. Quant aux pompiers, ils ont vu leurs effectifs tailladés. D’après les statistiques de l’Association internationale des services de secours et d’incendie, leur nombre, en Grèce, est passé de 18 559 en 2008 à 15 660 en 2015.
https://www.humanite.fr/grece-le-vent-mauvais-de-lausterite-souffle-sur-les-flammes-658534. ci-dessous je copie l’article :
Les politiques de protection de l’environnement et de prévention des incendies ont été, elles aussi, sacrifiées sur injonction de la troïka. Le budget des pompiers a été tailladé. Conséquence : une vulnérabilité grecque accrue face au feu.
« Plus de nourritures ni de vêtements dans la municipalité de Marathon. Ils ont besoin de volontaires. » « Hébergement à Isthmia pour douze personnes dans les zones touchées ». Entre les cruelles photographies d’enfants disparus, des messages de solidarité, comme des lueurs d’espoir dans le paysage de cendres laissé par les incendies en Attique et dans le nord du Péloponnèse. Sur les médias sociaux, les Grecs s’organisent, répercutent localité par localité les besoins des sinistrés, eau, vivres, vêtements, médicaments, relaient les appels au bénévolat, proposent un toit à ceux qui n’en ont plus. Hier, alors que le pays comptait encore ses morts, un extraordinaire élan collectif prenait corps, comme celui qui a permis aux Grecs de rester debout face au sadisme austéritaire de la troïka, comme celui qui a rendu possible l’accueil de centaines de milliers de réfugiés bloqués aux portes de l’Europe forteresse.
les pompiers manquent cruellement d’équipements
Encore une fois, la société supplée les défaillances d’un État laminé par huit ans d’austérité. Les politiques environnementales, la lutte contre les incendies, la gestion durable des espaces forestiers n’ont pas échappé aux sévères restrictions budgétaires imposées au pays. Dès 2012, le budget alloué à la sécurité civile a été amputé de 25 %. Quant aux pompiers, ils ont vu leurs effectifs tailladés. D’après les statistiques de l’Association internationale des services de secours et d’incendie, leur nombre, en Grèce, est passé de 18 559 en 2008 à 15 660 en 2015. Ils disposaient en 2009 d’un budget de 452 millions d’euros. L’an dernier, celui-ci plafonnait à 354 millions d’euros… Conséquence : les pompiers manquent cruellement d’équipements, de protection individuelle appropriée et ne disposent pas même d’un uniforme de rechange. Dans les zones touchées cette semaine, certaines bornes d’incendie étaient tout simplement hors service, faute d’entretien. Le ministre de l’Intérieur, Panos Skourletis, a explicitement mis en cause l’étranglement austéritaire : « L’achat de nouveaux avions ou hélicoptères est nécessaire, depuis 2000, pas une seule vis n’a été remplacée », a-t-il expliqué à l’agence de presse Ana. Même le « fonds vert » créé en 2010 par voie législative pour financer des programmes de protection de l’environnement, de surveillance des zones protégées, de lutte contre les incendies et de reforestation n’a pas été épargné par la voracité des créanciers. L’essentiel de ses ressources est aujourd’hui affecté… au remboursement de la dette !
Les dangers d’un urbanisme anarchique
Au-delà des moyens consacrés à la lutte contre les incendies, les politiques de prévention, elles aussi, ont été sacrifiées. Les plans locaux et régionaux qui prévoient l’ouverture de voies pour faciliter l’accès aux zones forestières en cas de feu, l’installation de réserves d’eau et le débroussaillage des espaces exposés aux risques d’incendie ne sont pas, ou peu, mis en œuvre. Ces plans, lorsqu’ils sont élaborés, ne revêtent d’ailleurs, du point de vue de la loi, aucun caractère contraignant : ce sont de simples compilations de recommandations.
Ces failles dans les stratégies de prévention se conjuguent pour le pire avec les dangers d’un urbanisme anarchique qui laisse proliférer depuis des décennies, surtout en bord de mer, des constructions souvent illégales, dispersées sur des zones plantées d’essences pyrophiles, comme le pin. C’était le cas à Mati, localité rayée de la carte à une quarantaine de kilomètres au nord-est d’Athènes, où se concentrent l’essentiel des victimes des incendies, cette semaine. « Les pins étaient vieux, très hauts et gros : tout le combustible nécessaire pour que les flammes enflent et courent, dégageant une énorme charge thermique », explique à l’AFP l’ingénieur des eaux et forêts Nikos Bokaris. « Même dans des pays disposant d’énormes moyens de lutte contre le feu, le défi posé par la coexistence entre tissu urbain et milieu forestier est énorme », souligne encore Kostis Kalambokidis, géographe et expert en catastrophes naturelles. Là encore, les injonctions de la troïka ont aggravé la vulnérabilité du pays face aux incendies. Au nom de la promotion des investissements touristiques, les créanciers ont dicté à la Grèce des lois favorisant le bétonnage de zones écologiquement sensibles, légalisant les constructions illicites et encourageant la vente du littoral à la découpe. « Le feu n’a pas attendu la crise pour brûler, mais il est certain que l’assèchement financier des services publics n’arrange rien », résume Nikos Bokaris. Comment, dès lors, ne pas entendre des accents de cynisme dans les déclarations de Jean-Claude Juncker, lorsqu’il promet que la Commission européenne qu’il préside « n’épargnera pas ses efforts pour aider la Grèce » ? Athènes, qui a déclenché le mécanisme européen de protection civile, a reçu les offres d’aide de Chypre, de l’Espagne, de la France, de la Bulgarie, de l’Italie, du Portugal et de la Croatie. Mais, déjà, le bilan de ces feux meurtriers dépasse celui des terribles incendies de 2007. Cette année-là, 77 personnes avaient péri dans le Péloponnèse et en Eubée.
Rosa Moussaoui