Merci à Mohamed pour nous accorder le droit de reproduire cet article de son blog http://www.belaali.com/
« A l’aube du 18 mars, Paris fut réveillé par ce cri de tonnerre : vive la commune ! » (1). Mais la Commune de Paris n’a vécu que 72 jours ! Pendant cette éphémère période, la Commune n’a pas fait de miracles, mais elle a réalisé des avancées sociales et politiques qui font encore aujourd’hui l’admiration des peuples du monde entier. Des femmes de Montmartre, qui ont fait barrage de leurs corps pour protéger les canons de la garde nationale, jusqu’au dernier communard tombé au Père-La chaise le fusil à la main, la Commune s’est battue héroïquement contre toutes les injustices et toutes les aliénations de l’ordre social établi. La commune fut battue mais ses principes restent éternels.
« Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques…en s’emparant du pouvoir » disait le manifeste du 18 mars du Comité central.
La Commune a d’emblée supprimé deux instruments de domination de classe en abolissant la police et en remplaçant l’armée permanente par le le peuple en arme.
Les représentants de la Commune étaient non seulement tous élus au suffrage universel, mais surtout responsables et révocables à tout moment. Pour la Commune « les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables » (voir l’appel du 22 mars 1871). Quel contraste avec les hommes politiques d’aujourd’hui qui cumulent plusieurs mandats à la fois et n’ont de compte à rendre à personne une fois élus; il s’agit d’une véritable confiscation du pouvoir ! Les citoyens n’ont aucun contrôle sur leurs représentants qui ne sont absolument pas tenus de respecter leurs promesses. Dans cette démocratie, le peuple est réduit à voter à intervalles réguliers pour des « représentants » qui vont le trahir.
La Commune a instauré un traitement maximum de 6000 francs annuels pour tous les fonctionnaires du haut au bas de l’échelle y compris les juges et les magistrats c’est-à-dire l’équivalent d’un salaire d’ouvrier. Lorsque l’on pense aujourd’hui à ces hommes politiques corrompus qui confondent deniers publics et argent privé, on se rend vite compte combien la démocratie communale était en avance.
La majorité des élus de la Commune était naturellement des ouvriers à côté des autres élus du peuple. Or l’assemblée nationale issue des élections de 2012 ne compte dans ses rangs aucun ouvrier alors même qu’ils représentent plus de 20 % de la population active; qu’elle est jolie la démocratie représentative bourgeoise ! Mais ces ouvriers, que la bourgeoisie méprise tant, ont produit l’une des plus belles et des plus originales expériences politiques de l’Histoire moderne.
La Commune a arraché l’enseignement à l’église et à l’État pour le mettre gratuitement entre les mains du peuple. Elle a banni de l’instruction publique tout « ce qui relève de la conscience individuelle de chacun ». Dans « La guerre civile en France », Marx écrivait « La totalité des établissements d’instruction furent ouverts au peuple gratuitement, et, en même temps, débarrassés de toute ingérence de l’église et de l’État. Ainsi non seulement l’instruction était rendue accessible à tous mais la science elle-même était libérée des fers dont les préjugés de classe et le pouvoir gouvernemental l’avaient chargée ».
Si aujourd’hui la bourgeoisie française organise la chasse policière aux étrangers et alimente contre eux les préjugés les plus répugnants, les portes de la Commune,elles, étaient grandes ouvertes à des milliers de travailleurs du monde entier. Elle a même promu au rang de ministre du Travail un ouvrier hongrois et placé deux généraux polonais pour la défense de Paris dont un est mort sur les barricades. La Commune c’était la République universelle.
La colonne Vendôme, symbole des horreurs des guerres napoléoniennes, que le peuple de Paris ne voulait plus voir, fut renversée. Le 12 avril 1871, la Commune vote le décret suivant, sur proposition de Felix Pyat : « La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique – La colonne Vendôme sera démolie ».
Au cri « A bas la peine de mort », les communards, au milieu de la joie populaire, ont brûlé la guillotine. Il a fallu plus d’un siècle pour que la bourgeoisie concède l’abolition de cette pratique barbare. Rappelons que ces mesures sont d’autant plus remarquables qu’elles étaient prises alors que Paris était assiégé par les prussiens et par les versaillais.
Même si les hommes et les femmes de la Commune n’ont pas atteint leurs objectifs, la portée de leur expérience reste immense. La beauté de l’œuvre de la Commune n’a d’égal que la laideur de l’ordre bourgeois. La Commune restera à jamais gravée dans la mémoire des ouvriers et des opprimés du monde entier.
Mohamed Belaali
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(1) K Marx, La guerre civile en France 1871, éditions sociales
[signalons au passage les nombreuses référence à La Commune lors de la manifestation contre l’aéroport de Notre Dame des Landes]