Inter­ven­tion de notre cama­rade Stéphane Lajau­mont à la fête de l’Huma de Poitiers

Merci pour cette invi­ta­tion à la fête de l’Huma de Poitiers.  Il est toujours utile de pouvoir débattre hors des temps élec­to­raux.

Je voudrais débu­ter par trois constats.

  • Premier constat. Depuis de longues années, nos luttes sont exclu­si­ve­ment défen­sives, en résis­tance à l’of­fen­sive idéo­lo­gique toujours plus forte des libé­raux. Cela vaut dans tous les domaines (protec­tion sociale, services publics, et travail…).  Et là, c’est en train de chan­ger.
  • Deuxième constat : un monde du travail qui change à toute vitesse. Notre culture commune du monde du travail s’est fondée sur l’idée que le progrès tech­nique allait de pair avec le progrès social, que le travail pouvait être enri­chis­sant, permettre la liberté de l’in­di­vidu, le rendre auto­nome … Or il existe une rupture dans les années 1970 : fin du « plein emploi ». Depuis, on assiste à une segmen­ta­tion du sala­riat et de ses formes avec un déve­lop­pe­ment de « l’in­dé­pen­dance  obli­gée »/uberi­sa­tion, préca­ri­sa­tion (18% des jeunes de 18–24 ans en 1982, 48% en 2012), chômage de masse pour près de 6 millions de chômeurs (soit près d’un sur 5)
  • Troi­sième constat : le chan­tage à l’em­ploi est l’ou­til des libé­raux pour aujourd’­hui casser les soli­da­ri­tés et renfor­cer la victoire de classe. L’idée se résume ainsi : le travail est un coût et pour cette raison, il faut lever tous les obstacles à l’em­bauche. C’est l’enjeu, chez nous, de la loi-travail

Petit flori­lège sur cette idée :

  • « Vu la situa­tion écono­mique, ne plus payer plus les heures supplé­men­taires, c’est une néces­sité. » (Europe 1, 22/01/2016) Emma­nuel Macron
  • « J’aime quand il y a beau­coup d’em­plois précaires plutôt que quand il y a beau­coup de chômage. il faut lutter contre l’idée qu’un emploi précaire est mauvais. » (RTL, 21/01/2016) Maurice Lévy
  • « Le CDI ne doit pas être une prison pour l’en­tre­prise. » (LCP, 10/03/2016)  Bruno Le Roux
  • Ou alors plus insi­dieux :  « Il y a des millions de chômeurs, notam­ment chez les jeunes et il est néces­saire de prendre des mesures » : Alain Claeys, le 13 mai devant la mairie de Poitiers face aux mani­fes­tants de la loi-travail

Mais le fait que le mouve­ment de lutte contre la loi-travail s’ins­crive dans la durée est un signe posi­tif : quand une lutte dure, on discute du fond, on remet en cause des certi­tude, que ce soit chez les Nuit Debout, les syndi­ca­listes, les poli­tiques de gauche… on confronte. Autre­ment dit : on commence à réin­ter­ro­ger les formes de la lutte mais aussi la place du travail dans la société. C’est la bataille cultu­relle que nous devons mener pour faire entendre.

Pour ne pas être dans une simple résis­tance, il faut donner à voir notre projet de société alter­na­tif qui porte à la fois le refus de l’ex­ploi­ta­tion par le travail mais aussi l’idée d’un travail éman­cipé. En trois points :

  • Premier objec­tif : inter­ro­ger le sens du travail : pourquoi travailler ?
    Aujourd’­hui avec millions de personnes sans emploi mais pas sans travail parce qu’une partie du travail socia­le­ment utile n’est pas rému­néré (enga­ge­ments sociaux, béné­vo­lat, soutien fami­lial …), il faut faire la distinc­tion entre emploi (c’est-à-dire ce qui déclenche une rému­né­ra­tion et donc doit être la réalité pour tous) et le contenu du travail, c’est-à-dire ce qu’on y fait
    Cela veut dire aussi inter­ro­ger l’uti­lité sociale et envi­ron­ne­men­tale des produc­tions (le mili­taire, le nucléaire, l’ob­so­les­cence program­mée, …)
  • Deuxième objec­tif : comment travailler ? Rompre avec le lien de dépen­dance employeur/employé (subor­di­na­tion). Quelques pistes rapides déjà à l’œuvre dans notre société et qu’il est possible de géné­ra­li­ser. Porter la reven­di­ca­tion de l’ap­pro­pria­tion sociale collec­tive c’est à dire de la posses­sion collec­tive des entre­prises en prenant appui sur les modèles de l’éco­no­mie sociale et soli­daire, mais aussi avec des droits de préemp­tion pour les sala­rié-es. Porter l’exi­gence démo­cra­tique dans l’en­tre­prise, jusque dans les TPE, sur le prin­cipe : un travailleur/une voix, les entre­prises qui sont une zone de non-droit et à plus large échelle arrê­ter de croire au « dialogue social », qui pour­rait exis­ter entre patrons et sala­riés.
  • Enfin, troi­sième objec­tif : établir le plein emploi. Il y a un outil faci­li­tant : la RTT (Réduc­tion du Temps de Travail) avec 32 heures comme première étape. Le problème n’en est pas un pour les grands groupes qui doivent juste rogner sur les divi­dendes des action­naires. Pour les TPE, il y a un accom­pa­gne­ment spéci­fique (soutien finan­cier, favo­ri­ser les mutua­li­sa­tions, …).Sur ce thème l’Hu­main d’abord, en se conten­tant d’une vague idée, et de la seule réfé­rence aux 35h n’est pas à la hauteur. On peut créer entre 1 et 1,5 millions d’em­plois. Il faut embau­cher dans le service public : besoins nouveaux (petite enfance, perte d’au­to­no­mie, …) mais aussi exis­tant. 0,5 à 1 million d’em­plois ? Pour la tran­si­tion écolo­gique, il existe de nombreux secteurs d’ac­ti­vité (isola­tion, éner­gie, agri­cul­ture, …) : Plusieurs centaines de milliers d’em­plois…

C’est bien, mais ceci ne suffit pas : cela pose donc la ques­tion plus globale d’un « Nouveau statut du travail sala­rié (NSTS) » qui contient l’idée d’un contrat de travail unique pour tous les sala­rié-es : une protec­tion pour chaque sala­rié-e, de la fin de la scola­rité obli­ga­toire jusqu’à la mort  qui garan­ti­rait un revenu pour chacun :

  • doit être une nouvelle garan­tie inter­pro­fes­sion­nelle,
  • trans­fé­rable d’une entre­prise à l’autre et oppo­sable à chaque employeur,
  • assu­rant à chaque travailleur dès son entrée dans la vie active un certain nombre de droits que tout employeur se doit de respec­ter, comme le droit à la retraite, etc. »
  • financé de manière mutua­li­sée par l’en­semble des entre­prises.

Cela empêche les employeurs de faire tomber les sala­riés dans le chômage

 

Conclu­sion

Dans la période il nous faut :

  • faire entendre ces propo­si­tions alter­na­tives
  • main­te­nir les luttes dans la durée : unité dans les luttes, unité contre la répres­sion (manif actuelle, répres­sion syndi­cale comme chez les Goodyear ou les Air France vendredi prochain)
  • clari­fier : il y a bien, à gauche, deux orien­ta­tions irré­con­ci­liables, et il faut le montrer à tous les éche­lons, du local au natio­nal pour ne pas brouiller le message qu’on porte : il s’agit de combattre Hollande, mais aussi ses petits soldats locaux…

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