Madame,
La Coordination Nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité est partie prenante de toutes les mobilisations pour la défense de l’hôpital public avec les syndicats des personnels hospitaliers et les différents collectifs, avec sa place particulière de représentation des usagers de la santé, en particulier dans les territoires qualifiés de « déserts médicaux ». Elle lutte depuis sa création en 2004 pour l’accès aux soins de toutes et tous partout sans discrimination sociale ou territoriale.
Elle n’a pas été invitée au « Ségur de la santé » et pourtant nous avons des propositions à vous faire.
Ce courrier est destiné à vous en donner un court résumé, mais nous sommes évidemment à votre disposition pour une rencontre qui permettrait plus d’explications.Disons d’emblée qu’il n’y aura pas d’accès aux soins de bonne qualité sans que les revendications portées ensemble par les soignants avec leurs organisations syndicales et leurs collectifs, avec les usagers, ne soient satisfaites : des lits, des créations de postes de soignants, des revalorisations salariales. Cela suppose la suppression des enveloppes fermées à priori des budgets des hôpitaux et doit s’accompagner d’une démocratie renouvelée, condition nécessaire pour que l’organisation réponde aux besoins.
Nous laisserons évidemment aux organisations syndicales dont c’est le rôle le soin des négociations salariales. Mais nous tenons à rappeler notre attachement au service public: l’exercice mixte défendu par le Ministre de la Santé nous rappelle l’hôpital du XIXème siècle, le médecin gagnant sa vie en ville et venant faire la charité à l’hôpital. Quelle conception du service public ! Il est nécessaire de mettre fin à la concurrence de l’hospitalisation privée dans le recrutement des médecins par des revenus alléchants. Nous voulons aussi insister sur l’urgence de revaloriser les salaires des soignants, sans pour autant augmenter leur temps de travail: la fatigue n’aide pas à uneprise en charge humaine de qualité.
Un signal très fort est attendu: celui de l’arrêt des fermetures de lits. L’épidémie de COVID vientde montrer combien le manque de lits dans notre pays est préjudiciable. Il y a urgence à ce qu’à Nancy, Caen, Nantes, Reims et ailleurs soit annoncée l’annulation des suppressions de lits et de personnels prévues en échange des investissements programmés. Les professionnels ont démontré leur capacité à rouvrir des lites de réanimation dans des hôpitaux où ils avaient été fermés au cours des dernières années: l’autorisation temporaire d’ouverture doit devenir définitive. De nouveaux services, SMUR, structures de soins psychiatriques sont menacés de fermeture. Cela n’est plus possible. Il faut non seulement arrêter les fermetures de services et mais en rouvrir selon les besoins des populations et des territoires
Cela suppose des créations de postes: 100 000 dans les hôpitaux, aller vers le ratio d’un salarié par résident dans les EHPAD: la crise sanitaire a témoigné de l’abandon des EHPAD!Nous attendons donc un plan de formation massif de personnel paramédical et médical. Il est insupportable que le numerus clausus ne soit pas augmenté cette année, avec des moyens donnés à l’université en conséquence. Dans trop de territoires les délais d’attente pour une consultation médicale en particulier spécialisée sont trop longs.C’est aussi toute la gouvernance de l’hôpital qui doit être revue et plus largement du système de santé. Les personnels ont montré leur capacité à organiser leur travail au cours de la crise sanitaire.Il faut prolonger cela avec de véritables droits de décision pour les CME et CTE et réinstaurer des conseils d’administration, lieu d’échanges entre les professionnels, les élus et les usagers pour que les décisions prises correspondent aux besoins et non aux impératifs budgétaires. Nos comités qui regroupent avec des usagers des professionnels et des élus ont expérimenté la richesse de ses échanges permettant de tenir compte des impératifs des uns et des autres dans l’intérêt collectif. Cela suppose d’en finir avec des représentants d’usagers choisis par l’ARS ou le préfet et soumis de ce fait à la tutelle! Le retour à des élections des administrateurs de la Sécurité Sociale pourrait être un des éléments de représentation de la population. Au delà de la gouvernance même des hôpitaux, c’est l’ensemble du système de santé qui doit être soumis à la démocratie et nous proposons que dans chaque bassin de vie des collectifs d’observation sanitaire regroupent population, élus et personnels de santé pour établir un plan local de santé avec des volets prévention et soins et une structure identique au niveau régional indépendante des ARS (dont nous demandons la suppression).
Plus globalement, nous pensons que la crise de l’hôpital est celle de l’ensemble du système de santé nécessitant une complémentarité entre la ville et l’hôpital à travers le développement du service public, à la fois hospitalier et de premier recours. Il n’est pas supportable que des personnes aillent aux urgences faute d’accéder dans des délais compatibles avec leur état à une consultation, pas plus qu’il n’est acceptable que des patients soient priés de rentrer chez eux alors qu’ils n’en ont pas la possibilité matérielle et que leur retour à domicile n’a pas t été préparé. Nous défendons la gradation des soins avec le principe que tout ce qui peut être fait dans le bassin de vie doit l’être et que l’échelon supérieur ne doit intervenir que quand les problèmes dépassent la capacité de l’échelon inférieur: c’est donc le souci de veiller à ne pas faire à un niveau plus élevé ce qui peut l’être avec autant d’efficacité à une échelle plus faible.
La gradation des soins doit donc reposer sur 4 niveaux:
1°. Le Premier Recours ou Service Public Sanitaire de Proximité:Il doit pouvoir donner une réponse, assurant prévention, dépistage, prise en charge des symptômes courants, suivi et prise en charge de certaines pathologies chroniques, orientation vers le social ou le sanitaire et social, continuité et permanence des soins. Il est assuré aujourd’hui majoritairement par la médecine libérale qui a montré ses limites dans la répartition des professionnels et le travail en équipe. Nous préconisons la création d’un service public de santé de proximité s’appuyant prioritairement sur un maillage territorial en centres de santé pluridisciplinaires permettant un exercice de la médecine répondant aux souhaits des jeunes professionnels: salariat, travail en équipe…
2 ° Le Site Hospitalier Territorial de Proximité. Ces sites, autonomes, mais fonctionnant en réseau avec les structures de niveau supérieur, doivent répondre aux besoins les plus courants de la population dans la proximité et en particulier répondre à l’impératif d’un délai d’accès aux soins urgents dans les 30 minutes. Ils doivent donc avoir un service d’urgence et un SMUR, une maternité de niveau 1, un centre d’IVG et un planning familial, un plateau technique avec un scanner et un laboratoire, un service de chirurgie, un service de médecine, de surveillance continue, de soins palliatifs et un service de soins de suites et de réadaptation. Un service de suivi ambulatoire devrait permettre à l’hôpital de garantir les soins à domicile avec un choix réel des patients, en lien avec le service public sanitaire deproximité.
3° L’échelon départemental est un pôle de référence pour les différentes spécialités.Il fonctionne en réseau avec l’ensemble des structures du département et de la région. En plus des services du niveau inférieur, il possède une maternitéde niveau 2. Il est le siège du SAMU départemental, a un plateau technique plus complet (IRM …) des spécialités chirurgicales,médicales, un service de réanimation, des urgences psychiatriques.
4° L’hôpital de recours, plutôt de niveau régional, comporte, outre l’offre de service des hôpitaux de niveau 2, des services très spécialisés comme la neurochirurgie, la chirurgie cardiaque, une maternité de niveau 3. Il fonctionne en réseau avec toutes les structures sanitaires publiques, et particulièrement avec les hôpitaux de niveau 1 et 2, le service public sanitaire de proximité, les centres anticancéreux,l’université…
La psychiatrie doit voir ses secteurs confortés dans leur forme initiale, c’est-à-dire tel que défini parLucien BONNAFÉ, dans le cadre d’un service public avec une continuité de prise en charge multiinstitutionnelle. Il faut en finir avec la fermeture des structures de soins ambulatoires ne permettant pas la prise en charge dans la durée de la souffrance psychique et une psychiatrie devenant purement sécuritaire de normalisation des comportements.
La démographie des professionnels de santé est actuellement préoccupante dans de très nombreux territoires. Il y a urgence à l’augmentation du nombre de personnes formées. Mais il faut aussi une meilleure répartition et nous proposons la mise en place d’une « obligation à servir » temporaire, en contrepartie de la formation publique, assurant une répartition égalitaire en fonction des besoins des structures et des territoires, afin de remédier aux déserts actuels, qu’ils soient en zone rurale,urbaine ou périurbaine, en médecine et soins de ville ou à l’hôpital. L’accès aux soins pour toutes et tous passe par l’exigence d’un service public présent partout et efficace mais aussi par la suppression des obstacles financiers aux soins. C’est pourquoi il faut laprise en charge de la prévention, des soins, de la perte d’autonomie à 100% par la sécurité sociale.Comme il n’est pas normal que nos cotisations financent les profits des laboratoirespharmaceutiques, cela passe aussi par un pôle public du médicament.
Recevez l’expression de nos salutations distinguée